8 mois après la fusion IRSN-ASN, le climat social est préoccupant!
Depuis le 1er janvier 2025, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) est née de la fusion entre l’institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) et l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN). Huit mois plus tard, il est temps de faire le point, car si les difficultés étaient prévisibles, la réalité s’avère encore plus complexe. Quatre grands chantiers sont à traiter : la renégociation du corpus social, la définition du fonctionne ment des instances représentatives du personnel (1RP), la mise en place de la nouvelle organisation et la prise en compte des différences de culture.
Renégocier le corpus social
La loi du 21 mai 2024 prévoit que les accords et circulaires en vigueur à l’IRSN au 31 décembre 2024 restent applicables jusqu’au 30 juin 2027 afin de permettre une renégociation complète du corpus social qui comprend 14 accords et 17 circulaires (temps de travail, CET, égalité F/H, mutuelle, QVCT, PEE/PERECO, intéressement, droit syndical…).
Certains accords ne concernent que les salariés issus de l’IRSN, d’autres peuvent s’appliquer aux agents ex-ASN. L’objectif est d’essayer d’harmoniser et d’améliorer autant que possible le corpus social afin que les accords puissent bénéficier à tout le personnel de l’ASNR. Un accord de méthode a été signé début juillet, définissant le calendrier des négociations, les thématiques à traiter, et les moyens mis à disposition des organisations syndicales.
La CGT est d’accord pour harmoniser… mais par le haut
Une question cruciale reste sans réponse: quel budget sera alloué pour harmoniser les accords sociaux par le haut ? Le président de l’ASNR a indiqué qu’aucun budget complémentaire n’est prévu, tout en affirmant ne pas vouloir de baisse des droits pour les salariés de droit privé. Il n’exclut pas non plus l’existence de deux corpus distincts : un cocktail explosif qui n’apaise pas le climat social !
Aucun budget complémentaire n’est prévu pour harmoniser les accords sociaux
La CGT ASNR revendique une harmonisation sans perte de droits, conformément aux engagements pris par les ministres lors du vote de la loi. Mais sans rallonge budgétaire, l’attractivité et la cohésion de l’ASNR sont menacées. Un travail colossal de 18 mois débute.
Incertitudes sur les IRP
La loi prévoit que les missions du CSE de l’IRSN et du CSA (Comité social d’administration) de l’ASN perdurent pendant les 15 premiers mois de l’ASNR. Pour les sujets communs aux salariés et agents, une Formation Conjointe (FC) réunissant élus du CSE et du CSA est instaurée. Mais l’administration semble vouloir réduire le rôle du CSE et considère que la tenue d’une FC ne permet plus de réunir les commissions obligatoires du CSE, ni de recourir à un expert. Face à cela, les représentants du personnel ont refusé de siéger à la première réunion de la FC.
La loi joue en défaveur des représentants du personnel
Si la majorité des élus ne siègent pas en FC, une nouvelle convocation est faite sous 8 jours, et si le boycott persiste, les points à l’ordre du jour sont considérés comme traités. Une manière de museler les représentants du personnel.
Le CSE pourrait subir une perte significative de ses prérogatives
La période transitoire doit s’achever au plus tard le
31 mars 2026 avec des élections pour constituer le nouveau CSA de l’ASNR. Un projet de décret est en cours d’examen mais les premières tendances laissent craindre une perte significative de prérogatives pour le CSE. Car au vu des prérogatives d’un CSA, ce serait une perte énorme dans la défense des salariés et dans le suivi de la marche de l’ASNR qui s’annonce…
Les représentants du personnel votent une expertise
Depuis janvier 2025, l’organisation de l’ASNR repose sur une juxtaposition des directions fonctionnelles avec les directions opérationnelles. En juin, un projet de réorganisation a été lancé et l’administration, estimant que les changements étaient mineurs, a refusé une expertise, alors que les différentes présentations ont révélé des impacts réels et profonds sur les conditions de travail. Les représentants du personnel ont donc décidé de passer à l’action et lors de la formation conjointe du 27 juin, ils ont voté une résolution à l’unanimité des représentants des salariés (CSE) et des agents (CSA) pour lancer une expertise (confiée au cabinet Technologia). Le Directeur Général a trouvé cette méthode « irrespectueuse » : il aurait aimé être prévenu avant… Mais de qui se moque- t-on, après 6 mois passés à lui montrer que dans cette période de construction il fallait donner des signes forts au personnel pour montrer sa volonté de l’associer ? Cette expertise sur ce projet d’organisation est au contraire un bon maillon pour impliquer le personnel.
Finalement, le DG a renoncé à s’opposer et l’expertise a été lancée. Les premiers entretiens ont eu lieu en août, avec des conclusions attendues en septembre et octobre. Et comme l’administration prévoit aussi une réorganisation des directions opérationnelles pour septembre 2026, avec une possible fusion des unités d’expertise et de décision alors que la loi impose leur séparation – le droit à expertise sera donc à nouveau crucial.
Des différences de culture et des contraintes pour les salariés
Faire cohabiter 1 500 salariés du privé et 500 agents de la fonction publique n’est pas chose aisée, car les différences de culture entre un EPIC (Établissement Public à Caractère industriel et Commercial) et une Autorité Administrative Indépendante (AAI) sont profondes. Les salariés ressentent une prise en main totale de l’administration, avec des règles issues de la fonction publique peu adaptées aux pratiques du privé.
Un départ vers le privé doit être validé par le déontologue, qui peut émettre un avis défavorable
Depuis janvier, les salariés doivent se conformer à des règles d’éthique et de déontologie, incluant l’obligation de faire des déclarations ou des demandes d’autorisation pour certaines activités externes à l’ASNR. Par exemple, être président d’une association loi 1901 oblige à faire une demande d’autorisation si l’association a un lien avec les sujets traités par l’ASNR. Pire encore, un départ vers le privé doit être validé par le déontologue, qui peut émettre un avis défavorable. Même si cet avis n’est pas contraignant, il freine la mobilité et suscite une forte inquiétude. Le risque, à terme, pour l’ASNR est de perdre des compétences du fait de toutes ces contraintes.
La CGT a lancé une enquête auprès de tout le personnel
Le but est d’évaluer le climat social, mais les résultats sont préoccupants et seront présentés prochainement à l’administration. Au final, et à ce jour, la CGT ne voit aucun bénéfice à la fusion de l’IRSN et de l’ASN.
La CGT ne voit aucun bénéfice à la fusion IRSN/ASN
Le fonctionnement s’est dégradé, le climat de travail est tendu et les incertitudes sont nombreuses. Même s’il faut du temps pour construire une nouvelle entité, la CGT doute que ce projet aboutisse à une réussite…