Options 620 – Bachelor : le Medef est dans le pré !

Ce nouveau diplôme Bac+ 3 va bientôt voir le jour et une dizaine d’écoles d’ingénieurs vont le tester dès cette rentrée 2016. Quelles conséquences sur les autres diplômes et quelles stratégies sont-elles cachées derrière ? Options tente d’y voir plus clair pour anticiper les répercutions pour nos enfants et pour nos entreprises…

La conférence des grandes écoles a mené une réflexion avec les entreprises et le Medef sur la création d’un nouveau diplôme Bachelor Technologique, qui prendrait place dans les écoles d’ingénieurs.

Une idée du Medef pour un nouveau diplôme sans dimension nationale, payant, sélectif…

Ce diplôme serait de niveau licence, Bac+3, avec une troisième année envisagée en alternance dans les entreprises. Il n’aurait pas la dimension nationale, puisque hors cursus de l’enseignement supérieur de l’Education nationale : on parlerait donc plutôt de grade pour cette formation qui sera payante et sélective. Toutefois, par la voix de sa Ministre, le gouvernement s’est dit ouvert à conduire une réflexion sur ce nouveau diplôme, et même à le soutenir… alors que dans le même temps les dotations de l’Etat dans les filières universitaires stagnent, au mieux, ou diminuent, alors qu’il faudrait au contraire investir pour faire face à l’augmentation croissante d’étudiants (il devrait y avoir 330 000 jeunes de plus dans l’enseignement supérieur dans les dix ans à venir !).

Un diplôme en concurrence avec les BTS et DUT…

Déjà plusieurs questions se posent sur le statut et la finalité d’un tel diplôme qui se place en concurrence avec les licences professionnelles universitaires actuelles et les formations technologiques Bac+2 (BTS et DUT). En effet, pourquoi rajouter un nouveau diplôme alors que les formations supérieures des techniciens sont déjà bien complètes ? En accordant aux écoles d’ingénieurs le droit de délivrer un niveau Bac+3, avec accès sélectif et frais d’inscriptions élevés, une distorsion supplémentaire et injuste va se créer entre université et grandes écoles. D’autant que le Medef demande que cette formation fasse l’objet d’une reconnaissance salariale plus importante à l’embauche, ce qui aurait des incidences dans les conventions collectives, les grilles de salaires… et qu’il demande aussi que l’embauche soit confirmée à l’issue de la dernière année de formation en alternance.

Avec cette formation en école d’ingénieur, ne va-t-on pas vers des profils de « cadres intermédiaires » avec déqualification à la clé ?

… avec des compétences « étroites » : cul-de-sac !

D’autre part, il y a lieu de s’interroger sur le contenu d’une telle formation. Le Medef insiste beaucoup sur le volet « compétence étroites », pour former de jeunes salariés opérationnels rapidement, et qui répondent à des besoins immédiats en entreprise.

Ce n’est pas nouveau, car le Medef entend poursuivre un double objectif. D’une part, reprendre la main sur les formations technologiques dans des écoles d’ingénieurs privées (qui ont un mode de gouvernance qui ressemble à celui des entreprises), pour y imposer ses contenus, répondant ainsi à ses propres besoins. Et d’autre part, faire payer cette formation par les jeunes (voire les pouvoirs publics), alors que certains aspects relèveraient normalement d’une formation professionnelle en entreprise.

Pire, ce seraient des formations « cul-de-sac » car l’étudiant s’engagerait à ne pas continuer vers une formation Bac+5.

A l’opposé, l’objectif des formations universitaires (DUT) ou technologique (BTS) n’est pas de se limiter sur des compétences étroites, mais bien de donner aux étudiants une méthodologie d’approche pour avoir un socle de connaissances et d’apprentissage, avec un niveau d’études reconnu, pour ensuite évoluer dans le milieu professionnel. Et si des besoins complémentaires apparaissent, il est toujours possible d’y répondre par les licences professionnelles, ce qui a été déjà fait dans certains domaines.

Une opportunité pour qui ?

En l’état, on s’orienterait donc vers une formation sélective, au coût important pour les bacheliers, mais qui pourrait attirer des jeunes. Cela s’explique… D’abord par le prestige de poursuivre ses études en école d’ingénieurs. Ensuite, par la reconnaissance d’un diplôme, titre ou grade Bachelor connu à l’étranger, ce qui n’est pas le cas des licences professionnelles. Enfin, l’espoir de déboucher, à l’issue de son cursus de formation, sur un emploi et une reconnaissance salariale plus importante…

Mais il est inacceptable d’aboutir à un système d’enseignement supérieur à deux vitesses : l’un payant, sélectif et orienté, réservé à une minorité, et l’autre public, en université qui est fragilisée années après années ! N’est-ce pas aussi une opportunité, pour les entreprises, de récupérer de la main d’œuvre bien formée en stage

(Bac + 2), mais rémunérée comme un alternant (en dessous du Smic) pendant la troisième année du Bachelor ?

L’Ugict a décidé de se positionner sur l’émergence de ce nouveau diplôme technologique et sur ses conséquences, et des initiatives sont programmées pour informer largement en cette période de rentrée universitaire.

Et dans nos entreprises : quelles répercutions ?

Même si l’Ugict s’oppose légitimement à la création de ce « grade », quelle reconnaissance dans trois ans de ces nouveaux étudiants devenus nos collègues ?

Au CEA, même si les embauches se font désormais plutôt à Bac+5 ou Bac+8, les commissions des carrières devront être vigilantes. Dans les IEG, la licence professionnelle est apparemment reconnue comme la licence « classique » comme prévu dans la Pers. 952, c’est-à-dire en GF 9 et NR 120. Mais qu’en sera-t-il pour ce Bachelor ? Que doivent porter la CGT et son Ufict, en Commission secondaire du Personnel ? Ni plus ni moins que pour la licence Pro ?

Une raison de plus, pour l’Ufict et l’Ugict, de se rapprocher davantage de l’Unef

Le rapprochement Unef/Ugict/Ufict s’amplifie d’année en années (Journées d’été Ufict 2015, réunions Ufict/Unef en juin et octobre 2016)… dont est déjà sorti un Guide des droits du stagiaire (Ugict/Unef) et des permanences Ugict en Ile de France pour rencontrer les étudiants.

Deux problématiques sont à bien différencier : l’étudiant futur salarié, qui est la cible Ufict, et l’étudiant déjà salarié précaire, qui est plutôt la cible de la confédération (Commerce en particulier).

D’ores et déjà, un certain nombre de revendications communes Unef/Ufict sont identifiées : la reconnaissance du statut du travail salarié (car les étudiants subissent une double pression : du patron et de l’université), les droits spécifiques (par exemple, une alternance choisie ou subie), le refus de la déqualification…

D’autres revendications sont spécifiques aux étudiants comme les capacités d’accueil des universités et les surpopulations, les conditions d’enseignement dégradées : l’Unef porte deux revendications immédiates : cesser la sélection dans les facs et embaucher plus de professeurs.

L’Unef se questionne aussi sur la nature de son syndicalisme : un syndicalisme de service ou une force collective ?

Ufict et Unef ont la volonté d’enclencher des expérimentations sur l’Île-de-France, qui pourront ensuite être élargies aux autres métropoles. Cela pourrait prendre la forme de présentations/débats en fac ou école, sur un ou plusieurs thèmes maîtrisés par l’Ufict et d’intérêt pour les étudiants, même s’il est plus difficile pour l’Unef d’entrer dans les écoles d’ingénieurs qu’à l’université. Et ceci est à engager sans délai car les étudiants ont été nombreux à participer aux manifestations sur la loi travail, c’est donc une image plutôt positive en faveur de la CGT…

L’Unef porte la reconnaissance de 4 statuts

  1. Etudiant salarié pour compenser le fait qu’il ne fait pas « que » des études ;
  2. Etudiant militant syndical pour qu’au bout de trois absences, l’étudiant ne soit pas considéré comme « défaillant » par l’Université qui peut le renvoyer ;
  3. Etudiant parent pour bénéficier d’aménagement de cours pour celles et ceux qui ont des enfants ou reprennent les études après une interruption liée à la naissance ;
  4. Etudiant handicapé pour que toutes les facultés soient accessibles.

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