Ce guide a été pensé en période de confinement par de jeunes manageurs sommés de trouver seuls les solutions pour basculer du jour au lendemain toute leur équipe en télétravail. Le fait d’être syndiqué.e.s nous a permis de rompre l’isolement par des échanges collectifs de vécu et de pratique professionnelle, et de donner naissance à ce petit guide qui pourrait s’appliquer à d’autres situations de “mise à distance forcée” des salarié·es et de leur management de proximité. Nous comptons sur vos témoignages et remarques pour l’enrichir !
I. Comment poser un cadre sans devenir oppressif ?
La démarche
Lorsque le cadre est bien pensé, il permet justement de ne pas devenir oppressif. Il s’agit de fixer des règles, y compris pour soi, qui vont permettre de travailler dans les meilleures conditions possibles.
Premier cas : votre structure a déjà défini un cadre commun de télétravail
- S’appuyer sur le cadre existant : prendre connaissance du cadre, comprendre sa logique et imaginer sa déclinaison opérationnelle dans son équipe.
- Conserver un regard critique : le cadre existant n’est pas exempt de critique, et ce d’autant plus qu’il n’a pas nécessairement été pensé pour une situation de crise. Des ajustements peuvent s’avérer pertinents pour tenir compte de la situation dans laquelle vous vous trouvez.
- Co-construire le dispositif final avec votre équipe : lorsque vous présentez le cadre à vos subordonné·es, ces derniers doivent disposer d’un espace d’expression vis-à-vis de ce cadre, de façon à ce qu’il puisse être ajusté à leurs besoins. Cette étape est nécessaire pour obtenir l’adhésion de votre équipe.
Second cas : votre structure ne dispose pas d’un cadre prédéfini
- Proposer un cadre : en s’inspirant des pratiques d’autres structures, en se rapprochant d’autres encadrant·es, ou en prenant repère sur le guide télétravail de l’UGICT (https://guideteletravail.fr/), il vous faut imaginer le meilleur fonctionnement possible pour votre équipe.
- Co-construire le dispositif final avec votre équipe : il est indispensable de laisser la possibilité aux subordonné·es d’exprimer des demandes et de formuler des propositions afin d’adapter le cadre proposé à leurs besoins.
Les facteurs clés de réussite
Respecter le droit du travail, et en particulier le droit à la déconnexion
- Le droit du travail est conçu pour limiter les risques et dérives auxquels les salarié·es sont exposé·es. S’assurer de son respect permet de garantir un premier niveau de légitimité au cadre, tout en garantissant la sécurité juridique de votre structure.
- Dans un contexte de crise, le respect du droit à la déconnexion est particulièrement difficile. En effet, le caractère exceptionnel de la situation et le sentiment d’urgence engendré peuvent favoriser la normalisation de pratiques d’ordinaire inhabituelles, voire conforter des pratiques non vertueuses déjà en place. Néanmoins, afin de préserver la qualité de vie au travail de vos subordonné·es en favorisant un équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, il convient de respecter strictement le droit à la déconnexionet de le signifier explicitement à votre équipe :
– Il n’est pas attendu une réponse aux appels professionnels, ainsi qu’aux messages et courriels, en dehors des horaires de travail ;
– Il n’est pas attendu qu’une quelconque tâche soit réalisée avant la reprise du travail.
– Mettre en place des périodes de trêve de messages à minima entre 22H et 8h du matin, le dimanche… sur les mails, groupes what’s app…
Quel que soit le contexte, l’employeur est également tenu de respecter la législation en matière de temps de travail : rémunération des heures supplémentaires, respect des durées maximum de travail (10h/jour) et minimum de repos (11h/jour + 24h de repos hebdomadaire non fractionnable). Pour cela, il est nécessaire de mettre en place un système de décompte du temps de travail (par exemple un système déclaratif hebdomadaire) et d’évaluation de la charge de travail (avec des entretiens réguliers pour faire le point). Le code du travail prévoit aussi la nécessité de définir clairement les périodes où le salarié doit être joignable, sur une durée qui ne peut bien sûr être supérieure au temps de travail du salarié (sauf à basculer dans un système d’astreinte)
Rassurer l’équipe sur les situations singulières mais néanmoins normales en situation de crise, et en particulier :
- Face à une évolution non préparée et non souhaitée des conditions de travail, il ne peut être attendu d’un·e salarié·e la même productivité qu’en travail présentiel ;
- Le contexte de crise est à même de provoquer une anxiété inhabituelle ;
- On ne dispose pas forcément du matériel ni des conditions nécessaires à un travail serein.
Prendre en compte la situation personnelle de vos subordonné·es dans un contexte où cette dernière influence fortement leurs conditions de travail, afin de pouvoir adapter le cadre à chacun. Cette démarche est d’autant plus facile que l’équipe est restreinte. En s’adressant aux salarié·es, il convient de préciser qu’ils et elles ne sont obligé·es à rien et ne partagent que ce qu’ils et elles souhaitent.
Faire le point sur les besoins matériels des salarié·es :
- Le manager peut recenser et faire remonter les besoins en équipement et matériel (ordinateur, bureautique, téléphone professionnel, connexion internet etc.) afin que chacun·e soit équipé·e pour télétravailler dans les meilleures conditions.
- Rappel : la jurisprudence est claire : c’est à l’employeur de prendre en charge l’ensemble des frais professionnels, télétravail ou pas (ordinateurs, logiciels, connexion, abonnement, matériel ergonomique de bureau…) + LIEN VERS LA FICHE DESINTOX UGICT
- Point d’attention : le manager n’a pas à imposer le partage des numéros de téléphone personnels à son équipe. Chaque salarié·e reste libre de partager ou non cette information à des fins professionnelles.
2020-06 – Guide manager en temps de crise UGICT