La mobilisation ne se limite pas aux maîtrises, cadres et technicien.ne.s contre le projet de réforme des retraites.
Des cadres supérieur.e.s, haut.e.s fonctionnaires du public et du privé se mobilisent.
Un collectif anonyme : « les Infiltrés »
Ce sont des femmes et des hommes issus des plus grandes écoles (Polytechnique, Centrale, Sciences-Po, …) maintenant hauts fonctionnaires, cadres dirigeants du public ou du privé. Leur position leur permet de ne pas connaître la précarité financière et de rester relativement protégé.e.s de la mondialisation et des politiques d’austérité. Et pourtant ils rejetent en bloc la politique menée par le gouvernement.
Ne plus laisser passer silencieusement ces contre-réformes
Pourquoi « parlent-t-ils » ?
Evoluant dans un milieu où le néolibéralisme domine, à des postes où faire grève est incongru, il est pour eux compliqué d’intervenir dans le débat public.
Alors ils prennent leurs plumes pour s’exprimer.
Voici un extrait de leur tribune dans Libération du 6 janvier 2020 : « Nous avons ainsi assisté, impuissants, car isolés, aux attaques successives du code du travail, à la mise en place d’une politique fiscale outrageusement favorable au capital (ISF, CICE, flat tax, etc.) ou encore à la réforme de l’assurance chômage institutionnalisant la précarité. Regroupé·e.s aujourd’hui en collectif, nous écrivons cette tribune car nous ne voulons plus laisser passer silencieusement ces contre-réformes.
Ainsi le gouvernement attaque notre modèle de retraite alors qu’il n’a pas de problème de financement et assure un très faible taux de pauvreté chez nos anciens. Pourquoi alors se lancer dans une telle entreprise et mettre le pays dans cet état ? Il faut comprendre que ce projet n’est pas un simple ajustement technique mais un profond changement structurel et idéologique. …
… Cette transformation est un préalable nécessaire aux futures réductions d’impôts qui justifieront de «nécessaires» (et automatiques) réductions de pensions pour maintenir le saint «équilibre». Mouvement qui ouvrira «naturellement» la porte aux «nécessaires» (puis obligatoires) retraites complémentaires par capitalisation. Le scénario est écrit, ce n’est pas pour rien que la réforme reçoit le soutien de tous les experts patentés de la finance et l’assurance.»
(en lire plus : https://www.liberation.fr/debats/2020/01/06/nous-cadres-sup-aux-cotes-des-grevistes_1771808)
Les propositions CGT entendues par « les Infiltrés » !
Toujours dans leur tribune de Libération ils écrivent : « Mais pour ne pas rester dans la contestation, changeons de paradigme et donnons quelques pistes pour une autre réforme en nous appuyant par exemple sur les propositions historiques de la CGT, CGT dont on ne cesse pourtant de nous dire qu’elle ne propose rien.
Puisqu’il s’agit de lutter contre les iniquités du système, pourquoi ne pas généraliser le régime général sur la base du salaire continué, et même déplafonner le régime général et supprimer les régimes complémentaires ? On pourrait ainsi d’une bien meilleure manière régler le problème, réel, des agriculteurs ou des indépendants. Et puisque bien sûr le gouvernement souhaite faire progresser la démocratie et la responsabilité de chacun, pourquoi ne pas redonner la main aux travailleurs sur la gestion des caisses comme c’était prévu en 1946 ?
On nous objectera que nous ne sommes pas réalistes, que tout cela coûte trop cher. Pourtant nous n’avons jamais été aussi riches collectivement. Que les dividendes puissent aller de record en record quand la bonne gestion nécessiterait de plafonner la part des retraites dans le PIB n’a rien de naturel, c’est un choix politique. Le réalisme est-il du côté de ceux qui veulent repousser l’âge de départ avec une retraite digne quand le taux de chômage chez les seniors est déjà si élevé ? »
Un constat s’impose : ces cadres sup font la même analyse que l’UFICT-CGT sur la situation.
Ils ajoutent à la fin de leur tribune : « En attendant que se tienne un vrai débat de fond sur ces questions qui dépassent le cadre des retraites et définissent la société dans laquelle nous voulons vivre, nous, signataires de cette tribune, continuerons à soutenir la mobilisation pour le retrait complet du projet. Nous remercions les grévistes, cheminots et autres, d’assumer une bonne partie du coût de la grève. Le 9 janvier, et après encore, nous nous engagerons à leurs côtés, dans la rue et par la grève quand c’est possible, en donnant aux caisses de solidarité aux grévistes et par tous les moyens que nous trouverons. »
Ils posent des RTT pour pouvoir manifester !
Bon nombre de signataires de la tribune ne supportent plus le mépris qu’ils entendent quotidiennement à l’encontre des grévistes, comme le dit l’un d’eux dans un article paru sur le site de France Culture le 13 janvier dernier.
Pour participer aux manifestations aux côtés des salariés du privé, de la fonction publique, de la RATP, des cheminots et des Industries Electrique et Gazière, ils le font en posant des RTT car ils ont peur des représailles s’ils se déclarent officiellement grévistes.
Au delà du risque de se déclarer en grève, il y a un véritable danger dans certains milieux d’afficher son désaccord avec la politique globale comme nous l’explique, anonymement, l’un d’eux dans l’article de France Culture (en savoir plus : https://www.franceculture.fr/societe/moi-cadre-polytechnicien-de-la-finance-dans-la-rue-aux-cotes-des-grevistes).
Ces cadres sup nous démontrent qu’il est possible de s’incrire dans le mouvement et ce quelle que soit notre position « hiérarchique » dans la société ou l’entreprise. Si nous le voulons collectivement, nous pouvons faire barrage au projet et obliger le gouvernement à le retirer !
Alors engagez-vous pour élargir le mouvement.