Les récentes annonces de GRDF sonnent comme un coup de tonnerre dans un ciel déjà bien sombre pour l’avenir du gaz dans le mix énergétique. En moins d’un an, l’entreprise est passée d’une promesse de stabilité à la suppression massive de 533 emplois d’ici 2027, soit près de 5 % du personnel. Ce revirement brutal intervient alors même que l’entreprise doit relever le défi majeur de se transformer pour aller vers le gaz vert, présenté comme la « troisième révolution gazière ». La direction se justifie par les contraintes imposées par le nouveau tarif d’acheminement ATRD7 qui, pour la CGT, est un véritable plan social déguisé
La transition énergétique en péril
De 20 % de gaz vert en 2030 à 100 % en 2050, mais avec quels moyens financiers et humains ?
Si cette ambition affichée par GRDF ne manque pas d’audace, elle exige une adaptation profonde des infrastructures gaz avec une montée en compétences massive des équipes. Car le développement du biométhane, pierre angulaire de cette stratégie, nécessite une expertise pointue tant dans la conception des réseaux que dans leur exploitation quotidienne.
Des défis techniques considérables
L’injection de biométhane bouleverse la logique traditionnelle de distribution, car le gaz ne circule plus seulement vers les consommateurs, mais aussi depuis les unités de méthanisation vers le réseau. Cette gestion des flux exige une adaptation des pressions, de nouveaux équipements de contrôle et une maintenance renforcée. Digitaliser devient donc crucial pour piloter cette complexité croissante. Pourtant, face à l’ampleur de ce défi, les moyens semblent dérisoires : seulement 133 emplois de plus d’ici 2027, et dans le même temps, des coupes sévères dans les métiers traditionnels de l’expertise gazière : -8,8% pour le déve- loppement, – 8,75 % pour l’ingénierie, – 5,7 % pour les Dé- légations Intervention Exploitation Maintenance (DIEM). Le plan d’investissement triennal 2024-2026 prévoit d’accélérer le renouvellement des conduites d’immeubles en passant de 2 100 à 3 500 interventions par an. Mais même à ce rythme, la mise à niveau des 136 000 conduites d’immeubles et conduites montantes gaz, encore en plomb,
prendrait plus de 77 ans : un délai incompatible avec les enjeux de sécurité et de transition énergétique ! Comment alors, tenir les objectifs de « verdissement » du réseau ? La question est d’autant plus cruciale que le développement du biométhane nécessite un maillage territorial dense et une expertise de proximité. Les porteurs de projets ont besoin d’interlocuteurs GRDF qualifiés pour étudier les possibilités de raccordement, dimensionner les installations et garantir leur bon fonctionnement. La réduction des effectifs va forcément freiner cette dynamique essentielle.
C’est la logique financière qui est à l’œuvre
Le nouveau tarif d’acheminement ATRD7 cristallise les tensions car la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) a limité sa hausse à 27,5 %, alors que GRDF avait demandé 40 %. La direction a ainsi programmé un plan d’économies drastiques de 180 millions d’euros sur les charges de personnel en quatre ans. Selon les calculs syndicaux, cela pourrait représenter jusqu’à 2 000 emplois en moins si tous ces efforts ne se concentraient que sur eux, soit près de 20 % des effectifs actuels.
Un “pillage” de 764 M€, au profit des dividendes, avec une durée de vie des conduites de 100 ans !
La décision la plus controversée concerne l’allongement de la durée de vie technique des conduites d’immeubles et montantes qui passe de 45 à 100 ans. Ce tour de passe-passe comptable dégage 764 M€ de provisions qui correspond, pour la CGT, à un véritable “pillage” visant à alimenter les dividendes d’ENGIE, au détriment de la modernisation des infrastructures.
L’entreprise affiche pourtant des besoins d’investissement colossaux
La transition vers le gaz vert nécessite d’adapter les réseaux, de développer de nouveaux équipements de contrôle, de renforcer la digitalisation des installations. Mais la décision de la CRE de limiter l’augmentation des dépenses d’exploitation et d’investissement à 1,6 %, alors que GRDF demandait 12%, compromet cette transformation.
Un retard dans le renouvellement des infrastructures qui compromet la qualité et la sécurité du service public
Plus inquiétant encore, cette stratégie financière de court terme fait peser des risques sur le réseau. Car le retard pris dans le renouvellement des infrastructures crée une dette technique qui devra tôt ou tard être résorbée. D’ailleurs, les collectivités locales, autorités concédantes, s’inquiètent légitimement de cette situation qui compromet la qualité et la sécurité du service public.
GRDF semble ne plus croire en son avenir et choisit d’accompagner son déclin
La réalité est brutale : GRDF semble ne plus croire en son avenir. Plutôt que d’investir dans la transition énergétique, la maintenance et la sécurisation des réseaux, l’entreprise choisit d’accompagner son déclin en réduisant ses effectifs et en différant ses investissements. Une stratégie qui ne va qu’accélérer la perte de parts de marché face à l’électrification des usages.