Les traditionnelles « journées d’été » de l’Ufict-CGT Mines-Énergies, organisées les 27 et 28 août à Paris, ont encore une fois tenu toutes leurs promesses. Dans un contexte social et politique tendu, mais aussi après une période difficile traversée par l’Ufict, ces rencontres ont permis à de nombreux militants et militantes de se retrouver, d’échanger et de prendre du recul.
Ces deux jours ont mêlé convivialité et réflexion collective, avec de nombreux échanges, parfois divergents, mais toujours respectueux. Cela confirme l’importance de confronter les points de vue pour nourrir efficacement l’action collective.
Trois tables rondes ont rythmé le programme. D’abord sur l’intelligence artificielle, ses enjeux et les risques pour le travail et la démocratie, où se sont exprimées à la fois des inquiétudes et la volonté de garder la main face à l’extrême droite et les GAFAM. Un échange passionnant lui a fait suite sur la CGT et la politique, qu’a clarifié l’intervention de Bernard Thibaut au travers de différents repères, dans une période politique incertaine. Enfin, un vrai débat contradictoire a eu lieu sur la souveraineté énergétique, avec des points de vue très différents.
Autant de débats enrichissants qui ont permis de renforcer la motivation de chacun à la veille d’une rentrée dense et combative.
Intelligence artificielle Quels enjeux pour notre société et notre syndicalisme?
accélération technologique en matière d’IA générative est telle qu’elle a tendance à s’imposer comme une évidence. Mais quelles en sont les finalités et les impacts sur l’emploi qualifié ?
De quelle manière le syndicalisme doit-il s’approprier le sujet, pour lui-même et sur le plan revendicatif? Cette première table ronde, sur ce sujet très attendu, réunissait le journaliste Clément Ollivier, Daphné Mamat du cabinet Twisting, Pascal Cabantous (Ufict), et Emmanuelle Lavignac (Ugict-CGT) en charge des questions du numérique.
Les nouvelles formes d’IA: des enjeux colossaux!
L’IA classique, s’appuyant sur la modélisation d’informations dans un périmètre défini, est apparue dans les années 1950. Elle s’est beaucoup développée dans le domaine de l’industrie et de la robotique, avec le développement de l’informatique et des modèles mathématiques. Puis l’IA générative qui puise dans les sources d’informations de son choix, est arrivée. Plus créative, elle est aussi plus imprévisible et sujette à erreurs. Car si elle fournit systématiquement une réponse, cette réponse peut être fausse ou incomplète. C’est notamment le cas quand elle réplique et amplifie les biais des sources d’informations à la base de ses requêtes: elle accentue ainsi les stéréotypes de l’homme ou de la femme occidentale. Ces biais sont qualifiés d’entropiques. Et si, aujourd’hui, les développeurs ne sont pas responsables, ceux qui déploient cette IA, donc les entreprises, elles, le sont.
L’IA fournit systématiquement une réponse… qui peut être fausse ou incomplète
Les enjeux sont de taille, puisque 60 % des métiers pourraient être impactés par l’IA: un chamboulement comparable à celui du numérique.
IA ou pas: c’est le salarié qui reste responsable
Dans notre travail au quotidien, et de notre propre initiative, nous sommes nombreux à utiliser l’IA. Par exemple pour des résumés de réunion, des rapports sur un travail réalisé ou une analyse… Mais il faut savoir que le résultat produit reste entièrement sous la responsabilité du salarié.
Et les employeurs aussi introduisent également beaucoup FIA dans le travail et les process de production, comme dans les métiers de la comptabilité ou des ressources humaines.
Or les salariés ne sont pas toujours informés…
Des conséquences sociales et sur l’environnement
Les gains de productivité générés pourraient servir à baisser le temps de travail, tout en conservant le même salaire. Mais cette perspective, positive pour les salariés, pourrait également se retourner contre eux si l’employeur, et c’est souvent son objectif, ne partage pas les gains de productivité et limite ses recrutements. Cette perspective, bien moins enthousiasmante, pourrait réduire les travail leurs à de simples superviseurs ou contrôleurs, et non des acteurs. Ce serait alors une perte de sens du travail, de savoir-faire humain et de créativité dans le travail.
Réduction du temps de travail avec l’IA 🙂 ou bien des salariés réduits à de simples superviseurs 🙁 ?
De même, avec le management algorithmique, comme avec les Uber, l’IA gère les offres de services, de courses, et contrôle ainsi parfaitement les « performances » du coursier, le note aussi, ce qui peut déboucher sur l’arrêt de l’attribution de courses pour les auto-entrepreneurs, voire des licenciements pour les salariés.
Côté énergie et environnement, la création d’une image en haute définition par une IA consomme autant d’électricité que la recharge complète d’un téléphone portable. Et côté social, comme les minerais rares des cartes graphiques sont extraits de mines exploitées dans des pays pauvres, avec des conditions de travail déplorables, ce n’est pas mieux…
Il est de notre devoir d’intervenir syndicalement
C’est une nouvelle fois sous l’angle de la responsabilité de l’employeur en matière de santé et sécurité que le syndicalisme doit s’emparer du sujet. Et des outils existent pour lutter contre les biais générés par l’IA : accélération du rythme de travail, harcèlement, discrimination… Nous devons faire connaître et faire évoluer les droits des travailleurs en s’appuyant sur le document CGT : « L’IA au travail, tout savoir sur ses droits en 16 questions ».
Car gardons à l’esprit que les employeurs qui utilisent l’IA considèrent que c’est un outil parfait pour manager: il suffit de rentrer des informations sur un métier, considéré comme une juxtaposition de tâches répétitives, mais aussi éventuellement des informations personnelles sur le salarié… mais le résultat produit par l’IA ne peut pas être discuté. Cette approche du travail montre aussi à quel point l’IA réduit le travail réel à la simple expression du travail prescrit !
L’IA réduit le travail réel à la simple expression du travail prescrit
L’IA est déjà intégrée dans beaucoup de nos métiers et chacun a sa propre opinion dessus. Mais la question est éminemment politique : c’est celle des choix démocratiques concernant l’IA, qui n’a eu, jusqu’à présent, que très peu d’espace dans le débat public. Il est donc de notre devoir de provoquer ce débat, au-delà des fondamentaux de notre rôle de syndicaliste, et de revendiquer le respect des CSE, la santé et les conditions de travail et le droit à la formation en y associant les salariés