Depuis plus de deux mois, le pays est au cœur d’un conflit majeur, le plus long qu’ait connu le mouvement social français. Au-delà de la question des retraites, une majorité de Français mesure ce qui se joue aujourd’hui : la remise en cause de l’ensemble de notre modèle social.
La mobilisation a mis à mal toutes les stratégies de division et rassemble des salariés de toutes professions, qui rejettent avec combativité et dignité ce projet.
Malgré les mensonges, les violences de la part du gouvernement et un traitement médiatique souvent à charge du mouvement, l’opinion publique reste majoritairement solidaire et opposée à cette réforme (autour de 61% selon les derniers sondages).
La mise en œuvre du système universel conduira à terme à une baisse importante des pensions
Pourtant, dans nos entreprises, nous devons encore élargir la mobilisation. Sans doute beaucoup n’ont pas totalement mesuré les conséquences et l’impact sur notre statut de la mise en œuvre d’une telle réforme. D’autres pensent peut-être que les négociations au sein de la Branche des IEG permettront de passer entre les gouttes en conservant notre régime spécifique. Il n’en est rien !
Un discours des employeurs volontairement rassurant, et pourtant …
Certains employeurs, notamment dans les IEG, après avoir donné un espace de parole inédit à la Ministre Elizabeth Borne sur les intranets des entreprises, tentent de rassurer en évoquant dans un kit manager « l’intégration sur 20 ans des primes dans le calcul des cotisations » et « des modalités de conservation particulières des droits antérieurs à 2025… de sorte que s’il y a un risque de perte de pension, il soit le plus limité possible ».
N’oublions pas que :
- ces primes ne concernent qu’une partie des salarié.e.s,
- une prime est aléatoire et les entreprises peuvent les supprimer,
- cette mesure entraînera une baisse du pouvoir d’achat (le salaire net va diminuer car un certain nombre de primes ne sont pas soumises aujourd’hui aux cotisations sociales – hors CSG et CRDS – et nous ne connaissons pas l’incidence réelle de leur prise en compte sur les pensions),
- ces dispositions sont soumises à des ordonnances et autres décrets dont nous ne savons rien à ce jour … (prévues au deuxième semestre 2020).
- le taux de cotisation global (salarial + patronal) dans les IEG sera de 28,12% contre environ 50% aujourd’hui et aucune sur-cotisation ne sera possible selon la Ministre pour maintenir nos droits actuels.
- le calcul reposera sur l’intégralité de la carrière.
Faut-il négocier quelque chose dans ce projet dévastateur ?
Quels que soient les arguments déployés par les employeurs dans leurs communications pour tenter de rassurer, la mise en œuvre du système universel conduira à terme à une baisse importante des pensions.
Pour compenser la perte, la capitalisation, avec un régime supplémentaire de retraite sera le seul recours. Pour l’UFICT-CGT cette solution n’est pas acceptable ! S’il existe des disponibilités financières, il faut les affecter à renforcer le système actuel à prestations définies.
En quoi ce projet porte-t-il atteinte à notre statut ?
Pour les IEG, s’ajoutent les risques liés à la déstructuration du secteur, notamment avec le projet Hercule à EDF. La volonté des employeurs est de mettre à mal une grille salariale unique et de renvoyer toutes les négociations dans les entreprises. Les projets des employeurs vident de son sens le socle commun que représente notre branche professionnelle et donc notre statut.
Sommes-nous prêts à sacrifier les générations futures ? Est-ce cette solution injuste que nous voulons ?
Ce projet est un hold-up démocratique, puisque le gouvernement présente aux députés un texte à trous où l’essentiel des dispositions est renvoyé à des ordonnances ou des décrets. Et même le Conseil d’Etat, qui d’habitude a plutôt des avis « feutrés », a effectué un véritable recadrage du gouvernement : « des projections financières lacunaires, des différences de traitement injustifiées, un recours aux ordonnances qui empêche une vision d’ensemble, des promesses contraires à la Constitution… »
Nous ne pouvons nous résoudre à cette issue, dans une période où les grandes entreprises françaises viennent à nouveau de battre des records de dividendes avec 60 milliards d’euros en 2019 (chiffre en augmentation de 12% en un an …), et où le groupe EDF vient d’annoncer un bénéfice net cette année de 5,2 milliards d’euros, contre 1,2 milliard en 2018 …
La capitalisation n’est pas la solution et la CGT fait des propositions alternatives qu’elle portera dans un projet de « contre conférence sur le financement »
- Dans un système à répartition, l’emploi conditionne le montant des cotisations. La promesse du président Macron est de ramener le chômage à son taux d’avant crise. Cela représente 2,4 % d’emplois en plus, soit environ 9 milliards de cotisations supplémentaires et 7 milliards d’économies sur l’assurance chômage. Gain total : 16 milliards.
- Augmenter les salaires, c’est plus de cotisations sociales : 1 % d’augmentation de la masse salariale dans le privé c’est 3,6 milliards de cotisations en plus.
- L’égalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes rapporterait 6,5 milliards d’euros en plus pour la Sécurité Sociale et par conséquent des ressources supplémentaires pour les retraites.
- Augmenter les cotisations : entre 0,2 et 0,4 point par an, on assure la pérennité du système : c’est en moyenne une augmentation de 1,60 € par mois pour les salariés et 2,40 € pour les employeurs.
- Remettre en cause les exonérations de cotisations patronales qui ne profitent pas à l’emploi et tirent les salaires vers le bas : si on les divise par deux, c’est 45 milliards de recettes en plus.
- La France bat des records en distribution de dividendes : taxer les profits financiers rapporterait 30 milliards par an.
Alors que le projet de loi vient à peine de passer l’étape du Conseil des ministres et qu’il arrive à l’Assemblée Nationale, ce n’est pas le moment de baisser les bras. Le gouvernement est de plus en plus isolé et fragilisé. Il faut, au contraire, maintenant, donner une ampleur plus grande à ce mouvement pour contraindre le gouvernement à reculer.
L’intersyndicale nationale (CGC – CGT – FO – FSU – Solidaires) appelle à un nouveau temps fort de grève et de manifestation le 20 février.
La meilleure façon de gagner, c’est d’être le plus grand nombre d’agent.e.s de maîtrise et de cadres engagé.e.s dans l’action pour obtenir le retrait du projet.