À l’occasion de son 5ème congrès, l’Ufict CGT s’interroge sur ces petites phrases et pratiques sexistes tolérées parmi les militant-es CGT.
«Tu peux me payer autrement… en nature ! »
s’est vu répondre une militante au paiement de son repas lors d’une réunion entre camarades…
« Il est rare de faire une réunion syndicale sans qu’elle commence par mon physique, la façon dont je suis habillée ou ma coupe de cheveux »
regrette une autre camarade.
« Entendre des caquètements quand une femme parle »
déplore telle autre… Voilà quelques exemples des humiliations subies (au quotidien ?) par des femmes militantes à la CGT, même si tous les hommes militants ne tiennent pas de tels propos, loin s’en faut. Certains ne pensent pas à mal, bien sûr, et pensent même faire des compliments, quand d’autres sont choqués devant la violence (trop souvent sexuelle) du propos…
Les conséquences sur les intéressées ? Remise en cause de leur propre légitimité en tant que militante, les femmes étant supposées dédiées, « naturellement », aux tâches administratives d’assistantes ou réduites à leurs attributs physiques : certains n’hésitent pas à affirmer haut et fort qu’être en jupe ou agréable à regarder favoriserait l’adhésion.
Un machisme ordinaire qui ne doit pas être de mise à la CGT
Affubler les femmes des noms de toutes les variétés de gallinacées (dinde, poulette, etc.), au mieux, ça agace, mais au pire cela reflète une vision machiste qui ne doit pas être de mise à la CGT. « On allume les directions sur les inégalités qui existent dans l’entreprise ; et nous ? » observe un militant. En effet, dans ses statuts, la CGT dit « contribuer à la construction d’une société solidaire, démocratique, de justice, d’égalité et de liberté qui réponde aux besoins et à l’épanouissement individuel et collectif des hommes et des femmes » (article 1).
Dans le laborieux travail de mise à jour de la charte sur l’égalité à la CGT, Rachel Silvera et Tiphaine Rigaud font parler les chiffres, et ils sont implacables. Même s’il a été difficile de collecter des données, la proportion des femmes syndiquées progresse à la CGT : de 35 % en 2009 elle est passée à 37,2 % en 2015 et les femmes représentent aujourd’hui 46 % des nouvelles adhésions.
Mais la parité, tant vantée, reste encore de l’affichage puisqu’elle n’existe que dans très peu d’unions départementales (15 unions départementales sur 95). Pire, certaines fédérations de la CGT avec 50 %, voire 65 % de femmes salariées dans leur secteur, n’en ont parfois aucune qui siège en commission exécutive ou en bureau. Pourtant, au sein de la Commission exécutive confédérale, la parité a été atteinte grâce à une volonté politique forte. C’est donc possible. On peut se demander ce qui empêche les hommes de partager leur place… Est-ce l’héritage ancestral de modèles soumis à une domination masculine ? Ou la force de l’habitude ? Peu importe, ce sont de bonnes raisons pour changer.
La moitié du salariat est femme
La place des femmes au travail ne cesse d’augmenter : en France, la moitié des salariés sont des femmes, et les 25 à 49 ans travaillent à plus de 80 %. Mais elles sont, plus souvent que les hommes, recrutées à temps partiel, en CDD, et les femmes diplômées du supérieur font davantage l’expérience du déclassement que les hommes, notamment en début de carrière. Cette injustice devrait aller droit au cœur des plus fervents syndicalistes pour qui la défense des salariés est la devise… Non ?
Autre aspect et non des moindres : dans le secteur tertiaire, plus de trois quarts des emplois sont occupés par des femmes.
Pourquoi se priver d’un tel potentiel syndical ?
Lors de conflits, les femmes s’engagent au même titre que les hommes pour sauver leur emploi, améliorer leurs conditions de travail… Elles font preuve de courage et de détermination. Et quand elles obtiennent la satisfaction de leurs revendications, cela profite à tout le salariat (par exemple : la pénibilité des charges lourdes).
En revanche, accéder aux responsabilités syndicales n’est pas toujours un avenir qui inspire les femmes et ce, pour différentes raisons. L’organisation d’un syndicat n’apparait pas souvent de manière transparente : des décisions se prennent souvent en dehors des réunions prévues, la disponibilité de certains militants hommes semble sans bornes… et si en plus, arrivent des remarques sexistes humiliantes… ! Sans oublier les obligations familiales qui pèsent encore davantage sur la mère que sur le père, encore aujourd’hui, même si de plus en plus des hommes militants sont confrontés aux mêmes difficultés pour concilier leur engagement syndical et leur vie familiale. Si, au grand jour, il devenait enfin possible de prendre du temps pour ses enfants et sa vie personnelle, qu’on soit homme ou femme, cela rendrait certainement plus attractif le militantisme.
Un nécessaire changement
Pourtant, certaines femmes acceptent, malgré toutes ces difficultés, de prendre des responsabilités syndicales, mais pour un ou deux mandats seulement. Guère plus. Dommage, parce que c’est aussi avec l’expérience qu’on prend de l’assurance et du plaisir à son engagement syndical.
En tolérant en son sein des hommes machistes et fiers de l’être, la CGT se prive d’une formidable opportunité : donner l’image d’un syndicalisme ouvert, progressiste, conforme à ses statuts. Combattre ce sexisme ordinaire, ce serait donner envie aux salarié-es, précaires, diplômé-es, cadres ou technicien-nes de s’engager dans un syndicalisme qui leur ressemble, où elles/ils ne se sentent pas dénigré(e)s. Pour cela, il faut que les hommes et les femmes qui font la CGT ne laissent plus passer des propos qui salissent les femmes : leurs (futures) camarades… ?
La place des femmes dans l’ufict et les industries électriques et gazières (ieg)
- 8 175 adhérent-es à l’Ufict dont 20 % de femmes en 2015
- Les responsables de syndicats et sections Ufict : 145 hommes, 29 femmes. Taux de féminisation : 17 %
- Au Conseil National de l’Ufict : 19 femmes, 50 hommes. Taux de féminisation : 27,5%
- Au Bureau Exécutif de l’Ufict : 6 femmes, 18 hommes. Taux de féminisation : 25 %
- Dans les IEG, 27 % de femmes, 73 % d’hommes (24 % de femmes en exécution, 27 % maîtrise, 27 % cadres et 18 % de cadres supérieurs).