Commandée en 2016 par un Comité d’Etablissement d’Enedis au cabinet Syndex, une étude sur la situation et la dynamique de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes devient – entre autre – un outil pour établir des échanges constructifs avec les salarié.e.s dans un milieu à dominante cadres, cadres supérieurs et dirigeants.
Outre l’aide apportée aux militant.es, une étude en matière d’égalité professionnelle permet d’identifier des points d’alerte. Par exemple : que sexisme et présentéisme rendent les conditions de travail des femmes et des hommes difficiles. Elle permet également d’objectiver des difficultés de déroulement de carrière voire des souffrances. Elle apporte des constats et préconisations d’experts que la direction ne pourra pas ignorer.
A Enedis (ex ERDF), entre 2009 et 2016, deux accords , « Egalité professionnelle entre les femmes et les hommes » et un plan d’actions ont été appliqués. Ces accords et plan d’actions n’ont guère fait bouger la situation comparée des femmes et des hommes dans l’établissement des services centraux de cette entreprise, qui comptait 1 800 salarié.e.s fin 2015 dont 30 % de femmes et une majorité de cadres. C’était un constat que partageaient les organisations syndicales siégeant au Comité d’établissement (CE).
A l’initiative de la CGT (minoritaire au CE), la commission « égalité professionnelle » a proposé, avec succès, au CE de financer une étude sur le sujet de l’égalité professionnelle dans l’établissement. Un cahier des charges a été rédigé et un an et demi plus tard, la direction ne peut ignorer cette étude riche de préconisations, sans prendre de gros risques.
La mise en lumière des freins aux carrières des femmes et des stéréotypes
Pour la CGT, faire appel à une expertise externe relevait d’un double objectif. D’une part, avoir un regard extérieur sur la situation de l’établissement de façon à ce que la direction cesse son analyse partiale des chiffres et accepte d’ouvrir les yeux sur des écarts manifestes ; d’autre part, que l’étude propose des pistes d’actions à partir d’avis d’experts afin de remédier à l’absence de volonté et d’initiatives de la direction sur le sujet.
Cette étude comporte trois volets. En premier lieu, une analyse des données « Ressources Humaines » au regard de l’égalité femmes hommes. La direction a été très réticente pour communiquer des informations RH aux experts ; ensuite, un questionnaire a été envoyé à tous les salarié.es sur leur perception et leur expérience de l’égalité femmes hommes dans leur activité professionnelle. Questionnaire qui a rencontré un vrai succès avec un taux de réponse de l’ordre de 20%. Enfin, et sur la base du volontariat, 30 entretiens libres ont été menés avec des salarié.e.s qui ont permis une parole sur des relations sexistes dont on parle rarement entre collègues.
L’enquête par messagerie et les données RH ont confirmé ou précisé des points d’alerte parmi lesquels :
- Pourtant plus diplômées en moyenne, les femmes sont moins présentes dans les fonctions d’encadrement ;
- Les taux de promotion « maitrise vers cadres » des femmes sont toujours au moins trois fois plus faibles que ceux des hommes ;
- Il n’y a pas de vigilance sur une égalité systématique des taux d’augmentation femmes/hommes par avancement ;
- La culture du présentéisme et de la disponibilité totale entravent l’équilibre vie privée/vie professionnelle et freinent les carrières des femmes ;
- À régime horaire équivalent, les hommes sont plus nombreux à percevoir des primes de performance plus élevées.
Quelles actions possibles en réaction aux résultats de l’expertise ?
Cette étude a mis en lumière un climat de paroles et de comportements sexistes ou machistes qui n’était jusque-là que ponctuellement perçu et qui réclame des réactions rapides de la part de l’employeur mais aussi des représentants du personnel. Le sexisme et le machisme sont des risques professionnels contre lesquels l’employeur a un devoir de résultats (loi du 7 aout 2015). Elle a également mis en lumière la culture du présentéisme et de la disponibilité totale, avec les nouvelles technologies, le télétravail du soir et la connexion sans limite qui conduisent à des risques de sur investissement. Cela a révélé aussi toute situation créatrice de discrimination pour les collègues exerçant des responsabilités parentales.
A cause de ces risques professionnels pour les salarié.e.s, le syndicat CGT a demandé au CHSCT de se saisir des résultats de l’étude. De leur côté, les élus du CE ont demandé à la direction, par résolution, de construire un plan d’actions. Par ailleurs, les résultats de cette étude ont été transmis aux délégués syndicaux en vue de nourrir la réflexion à propos de l’accord « éga pro » national.
Autre dimension de l’étude, un terrain d’échange avec les salarié.e.s. Pour les représentantes de la CGT, cette expertise est un outil pour aller au-devant des salariées : au moment du questionnaire, mais aussi lors de sa restitution. L’objectif est de présenter l’étude, avec les autres représentants du personnel, à l’ensemble des salarié.e.s, de débattre avec eux et d’élaborer des préconisations d’actions de leurs points de vue de salarié.e.s.
DEFINITIONS
Sexisme au travail : La loi Rebsamen du 17 août 2015 a intégré la notion dans le code du travail. L’article L.1142-2-1 prévoit désormais que « nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ». Le sexisme au travail maintenant clairement défini pourra donc être sanctionné en tant que tel.
Sexisme ordinaire : se définit comme l’ensemble des attitudes, propos et comportements fondés sur des stéréotypes de sexe, qui sont directement ou indirectement dirigés contre une personne ou un groupe de personnes en raison de leur sexe et qui, bien qu’en apparence anodins, ont pour objet ou pour effet, de façon consciente ou inconsciente, de les délégitimer et de les inférioriser, de façon insidieuse voire bienveillante, et d’entraîner une altération de leur santé physique ou mentale.
Le sexisme ordinaire au travail se manifeste au quotidien, par exemple, à travers des blagues et commentaires sexistes, des remarques sur la maternité, des stéréotypes négatifs, des incivilités ou des marques d’irrespect, des compliments ou critiques sur l’apparence physique non sollicités, des pratiques d’exclusion.
Source : guide de la CGT contre les violences sexistes et sexuelles.