Emplois supprimés, tarifs réglementés et péréquation tarifaire menacés, sécurité d’approvisionnement fragilisée, l’énergie est confisquée aux Etats et aux citoyens. Le rouleau compresseur libéral de la Commission européenne achève de laminer le service public de l’énergie.
Il s’agit de réinventer notre économie […] C’est un changement de paradigme. Nous voulons passer de systèmes centralisés de production d’énergie utilisant des combustibles fossiles vers une structure plus décentralisée, sans carbone, démocratisée, diversifiée, numérisée et disruptive » déclarait Maros Sefcovic, vice-président de la Commission Européenne, chargé de l’Union de l’Energie, en février 2017, quelques semaines après la présentation du projet intitulé « Une énergie propre pour tous les Européens » ou « 4ème paquet énergie ».l s’agit de réinventer notre économie […] C’est un changement de paradigme. Nous voulons passer de systèmes centralisés de production d’énergie utilisant des combustibles fossiles vers une structure plus décentralisée, sans carbone, démocratisée, diversifiée, numérisée et disruptive » déclarait Maros Sefcovic, vice-président de la Commission Européenne, chargé de l’Union de l’Energie, en février 2017, quelques semaines après la présentation du projet intitulé « Une énergie propre pour tous les Européens » ou « 4ème paquet énergie ».
Ce projet suscite peu de réaction chez les députés français au Parlement européen, alors même que son contenu achève d’uniformiser sans ménagement les systèmes énergétiques des 28 états membres. Mais, en mettant en avant la lutte contre le réchauffement climatique et les objectifs de l’accord de Paris, la Commission Européenne s’abrite derrière des motifs plutôt consensuels.
Le 4ème paquet énergie ambitionne d’ici 2030 de réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 ; d’atteindre un mix énergétique dont 50% de l’électricité et 27% de l’énergie totale seront renouvelables ; de diminuer de 30% l’énergie consommée. La transition vers une énergie propre aboutirait à la création de 900 000 emplois sur 10 ans grâce à un point de croissance annuelle du Produit intérieur brut (PIB). Ce point de PIB résulterait, entre autre, des politiques de transformation de la recherche et de l’innovation en débouchés industriels.
Maros Sefcovic, qui présentait ce projet à la presse le 30 novembre 2016, évoquait « Un beau cadeau de Noël ». Mais pour qui au juste le cadeau ?
Des milliers d’emplois menacés
Avec ce 4ème paquet, la Commission Européenne ajoute une étape décisive à sa politique de dérèglementation du secteur énergétique, en s’attaquant cette fois aux tarifs réglementés de vente (TRV) et à l’égalité de traitement en vigueur en France, en déplaçant à un niveau supranational la sécurité d’approvisionnement et, en omettant d’aborder le volet social lié au démantèlement des filières historiques. Que deviennent les 140 000 salariés des Industries Electriques et Gazières (IEG) avec ce projet qui menace directement leur travail et le modèle social de 1946 ?
En effet, les parcs de production d’électricité et les réseaux vont évoluer vers des structures dont la priorité ne sera ni le service public ni la cohésion territoriale et sociétale.
Le marché peut-il assurer la sécurité d’approvisionnement ?
Pour le transport d’électricité, la Commission prétend imposer une dissociation entre la gestion des infrastructures physiques et l’exploitation du système électrique, et confier à terme la mission d’exploitation à un ou plusieurs opérateurs européens en lieu et place des 34 gestionnaires de réseau actuels.
Elle entend affaiblir les prérogatives des états membres en octroyant davantage de pouvoirs aux grandes régions européennes, via la création de centres opérationnels régionaux. Ils décideront de la gestion de l’équilibre offre/demande, tout en laissant aux gestionnaires de réseaux de transport leurs responsabilités en cas de blackout. Pour RTE, en France, l’éclatement potentiel de l’entreprise est en jeu, avec à la clef la suppression de milliers d’emplois statutaire, qui pourraient être transférés à un niveau supranational.
Sont également en jeu les emplois dans les parcs de production centralisée des 28, dans les réseaux de distribution et dans les équipes de commercialisation des fournisseurs. Autre sujet majeur d’inquiétude pour les états membres, la sécurité d’approvisionnement. Actuellement, le marché intérieur de l’électricité repose sur la fluidité des échanges grâce aux réseaux transfrontaliers, et sur un signal de prix révélant en temps réel pénuries, surcapacités et congestions. Le prix est également censé délivrer un signal de long terme pour déclencher les investissements nécessaires dans les actifs de production.
Avec l’essor des énergies renouvelables subventionnées et la baisse de la demande liée à la moindre activité économique depuis la crise de 2008, le prix de l’électricité sur les marchés de gros s’est effondré. Les centrales à cycle combiné au gaz naturel fonctionnent à perte et près de 20 GW en Europe ferment ou sont mis sous cocon* (soit l’équivalent de tout le parc électrique de la Belgique), sans parvenir, à ce stade, à faire remonter les prix de gros.
En conséquence, plusieurs états membres, inquiets du niveau de sécurité d’approvisionnement qu’ils peuvent garantir à leurs consommateurs, mettent en place des dispositifs correctifs tels les mécanismes de capacité, pour garantir que les capacités nécessaires seront toujours prêtes à fonctionner (surtout en période de pointe et même si l’on ne fait appel à elles que peu de temps chaque année). En France, ce mécanisme est en place depuis le 1er janvier 2017. Le 4ème paquet prend acte de ces initiatives mais à contrecœur.
La Commission les veut temporaires (autant dire qu’aucun investissement ne sera décidé sur la base d’une valeur qui pourra être remise en cause tous les ans) et définies à une échelle supranationale.En clair, le consommateur français verra son besoin en électricité garanti par des moyens de production en partie situés dans un autre état membre. Et cette électricité sera acheminée via des interconnexions qui devront représenter 15% de la puissance installée de chaque pays, quel qu’en soit le coût et le besoin réel.
Les revenus liés à ces interconnexions (400 millions d’euros pour RTE en 2016) pourront être confisqués afin de financer les interconnexions de pays moins bien dotés. Ils ne bénéficieront donc plus, au travers d’une baisse du coût d’acheminement, aux consommateurs qui les ont financés.A l’échelle supra nationale également, l’Agence de Coopération des Régulateurs d’Energie (ACER) deviendra un régulateur européen doté de pouvoirs opérationnels. Deux décisions qui placent les entreprises et les consommateurs dans une situation d’impuissance croissante face aux choix ultralibéraux de la Commission Européenne.
Pour les organisations syndicales, pas d’autre choix que le lobbying
Le 4ème paquet est en cours d’examen par les députés membres de la commission Industrie, Technologie, Recherche, Energie (ITRE) du Parlement, avant discussion en séance plénière début 2018. Aucun des sept rapporteurs désignés n’est français et la défense du modèle de service public semble bien compromise.
Ce 4ème paquet, copieux morceau de 5 000 pages bien technocratiques, reste d’une appropriation difficile. Depuis le 30 novembre 2016, la CGT a conduit son analyse et fait valoir ses positions au travers des fédérations européennes de syndicats (IndustriAll, EPSU et ETUC). En mai 2017, elle propose une initiative intersyndicale ; en juillet, la FNME-CGT, la CFE-énergies, et FNEM-FO décident une intervention commune auprès de députés européens membres de la Commission ITRE, dont 9 députés français.
Début octobre, aucun d’entre eux n’avait répondu aux courriers de l’intersyndicale, rejointe par la FCE-CFDT. Parallèlement, depuis juillet, la FNME-CGT déploie son analyse auprès des militants en région et diffuse largement un matériel de communication. Le 11 octobre, le député européen français Patrick Le Hyaric reçoit l’intersyndicale. Prenant conscience d’un « sujet grave et méconnu », il se déclare prêt à organiser un accès aux couloirs du Parlement Européen afin d’enclencher une action de lobbying faisant valoir le service public, la défense des usagers, l’égalité de traitement et l’emploi de haute qualité sociale.
Une tribune dans un quotidien national est aussi en préparation pour début novembre 2017. Cependant, ces actions suffisent-elles ?
Les syndicats disposent-ils de réseaux politiques et de relais européens formalisés pour porter les intérêts qu’ils défendent ? Selon Claire Bordenave, en charge du 4ème paquet à la fédération CGT Mines-Energie,« notre meilleure chance pourrait finalement reposer sur un désaccord entre le Parlement et le Conseil des Ministres de l’UE.
A ce moment-là, la Commission Européenne devra revoir sa copie et trouver des compromis en rabattant ses prétentions initiales ». A l’intersyndicale d’orienter vers des amendements corrigeant le texte d’origine dans un sens favorable au service public, de rédiger des points de vue et de les partager… en anglais. Un autre versant de la lutte syndicale.
* Mise sous cocon : arrêt de centrales assorti d’un ensemble d’opérations de protection, dans la perspective d’une remise en service ultérieure.
Ayant assisté à une présentation sur
ce 4ème paquet Energie Climat par un camarade responsable du dossier qui m’a semblé brillant, j’aurais aimé que mon syndicat invite ce camarade pour faire un exposé ouvert à tous les salariés de ma « boîte » car il me semble que d’une part il y a des salariés de ma « boîte » qui travaillent sur ce sujet et d’autre part ça valoriserait l’image de la CGT. La balle est dans le camp du syndicat !