Agressions sexuelles : la direction d’EDF prend ses responsabilités

(Option n°641 -Novembre 2018)

Une intervention syndicale qui aboutit à sanctionner le harceleur

Dans un article d’Options du mois de février, nous évoquions une problématique de harcèlement et d’agressions sexuels au sein d’une agence achats d’EDF basée à Lyon et à Donzère (26). Une expertise du cabinet Emergences, votée en CHSCT en février 2017, avait mis au jour ce sujet dans un rapport de juillet 2017. Sur cette base, la Direction a pris les mesures conservatoires indispensables en interdisant à l’agresseur de revenir au sein du collectif de travail.
En étroite coopération avec les membres du CHSCT, la commission santé sécurité du CCE et le collectif égalité professionnelle CGT Ufict, la Direction d’EDF a mené sa propre enquête, ce qui l’a naturellement amenée à programmer une commission de discipline pour sanctionner ces agissements.
Ainsi, la commission de discipline a proposé la mise en inactivité de l’agresseur, ce qui revient à EDF à un licenciement. Le responsable de l’agence, lui, a été contraint par la Direction de prendre sa retraite, car en tant que représentant de l’employeur, il aurait dû signaler ces agressions intolérables perpétrées pendant des années.

Un processus enclenché début 2016…

A l’origine de cette procédure, des témoignages de salarié·e·s ont conduit les membres du CHSCT à émettre des alertes sur l’ambiance délétère qui régnait dans cette agence ; certains la qualifiaient de chape de plomb. En parallèle, des rumeurs de harcèlement et d’agressions sexuels ont commencé à émerger à partir de début 2016.
Dès la remise du rapport d’expertise, en juillet 2017, les élus ont exigé que la Direction prenne des mesures immédiates et qu’un plan d’action soit proposé et mis en œuvre rapidement. L’agresseur a été interdit d’accès sur les sites de travail à partir de fin juillet 2017.
Fin décembre 2017, le secrétaire du CHSCT a pris la décision d’envoyer sa démission au Président du CHSCT, copie à l’Inspecteur du travail, considérant que trop de temps s’était déjà écoulé sans que des mesures suffisamment significatives ne soient prises. En conséquence, le chef d’agence s’est vu imposer de quitter le collectif de travail en février 2018.

… pour n’aboutir à une sanction qu’au printemps 2018 !

Les élus n’ont eu connaissance de la sanction de la commission de discipline qu’en juillet 2018. Deux années se sont donc écoulées entre les premières alertes du CHSCT et le licenciement de l’agresseur. Tout au long de cette période, les salarié.e.s venaient régulièrement vers les élus, notamment le secrétaire du CHSCT, pour demander de la lisibilité sur les changements à venir dans l’agence. Car cette situation qui s’éternisait était particulièrement difficile à gérer au quotidien pour les agents comme pour les élus.
Individuellement, les salarié·e·s exprimaient leur besoin de voir la situation évoluer. A l’opposé, la Direction demandait du temps pour que ces changements se fassent dans un climat le plus serein possible et pour que l’organisation « n’explose pas ».

Une réorganisation difficile à mettre en œuvre

Le rapport d’expertise faisait état d’un collectif fracturé : d’un côté les bons sujets entièrement dévoués au chef et de l’autre les mécréants, qui avaient osé « critiquer le système ». L’éviction du responsable d’agence et le licenciement de l’agresseur n’ont pas suffi à rétablir la sérénité. La Direction a donc décidé d’anticiper une réorganisation prévue ; cette réorganisation consiste à fusionner cette agence achats de production avec une agence achat d’ingénierie située au même étage du même bâtiment. Mais manifestement, l’ambiance reste lourde et les membres de l’ancien CODIR, plongés dans le déni, tentent de freiner la réorganisation, puis tombent malades… Comme les adeptes d’une secte qui ont perdu leur gourou !

Communiquer sur ce sujet est toujours délicat

On ne peut que regretter que la Direction n’ait pas communiqué aux salarié·e·s les sanctions proposées en commission de discipline, puis celles mises en œuvre. Le sujet des violences faites aux femmes est encore, hélas, tabou et trop souvent étouffé. On sait aussi que dans nos entreprises, lorsqu’un problème survient dans un collectif de travail, la Direction cherche toujours à trouver des solutions en évitant au maximum de perturber l’organisation. Partant de ce principe, toute communication risquerait-t-elle d’accentuer le traumatisme généré par ces évènements gravissimes ? Non ! La lutte contre les violences faites aux femmes passe nécessairement par la dénonciation publique de ces délits . ■

 

Commentaires de salarié·e·s
● « Ah enfin, ils sont sanctionnés ! C’est bien
ce que vous avez fait. »
● « Il n’y a que la CGT qui avait le cran d’aller
au bout de cette triste histoire. »

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