Pourquoi prendre le risque de ne plus pouvoir assurer ces contrôles après le 1er janvier 2025 ?
C’est le 1er janvier 2025 que la nouvelle Autorité de Sûreté Nucléaire et de Radio protection (ASNR) devrait voir le jour, fusionnant l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) avec l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN).
Autorité de Sûreté Nucléaire et de Radioprotection = ASNR = fusion IRSN ASN
Après 2 ans de combat continu des salariés de l’IRSN avec leur intersyndicale toujours soudée, ce serait une issue probable mais qui, à ce stade reste au conditionnel puisque les syndicats se battent encore pour convaincre les pouvoirs publics de décaler d’un an l’application de la loi créant l’ASNR (cette loi a été publiée en mai 2024).
L’intersyndicale se bat encore pour décaler d’un an cette fusion
En effet, depuis plusieurs semaines, une inquiétude fondée voit le jour sur la réelle capacité de l’ASNR à mener à bien toutes ses missions… dès le 1er janvier 2025.
Début juillet 2024, le collège de l’ASN a présenté son projet d’organisation de l’ASNR
Devant le principe de réalité, le collège ASN a décidé de mettre en place une organisation transitoire, principalement basée sur la juxtaposition des services de l’ASN et de l’IRSN. Mais certaines directions fonctionnelles de l’IRSN en feraient les frais (dont la direction de la stratégie), et des rattachements sont plus que surprenants (comme rattacher le service de « l’ouverture à la société » de l’IRSN, à la nouvelle direction de la communication de l’ASNR)…
Ce projet se limite, à ce jour, à un simple organigramme
Aucune règle de fonctionnement n’est définie, pas plus que les impacts du projet. Pire, il semble qu’autour d’une organisation simplifiée, une trentaine de personnes verrait leur poste non reconduit… sans nouvelle proposition !
Le 13 septembre 2024, les deux directions ASN et IRSN se sont rencontrées, avec l’aide des pilotes des 12 groupes de travail mis en place pour construire l’organisation de l’ASNR. Le but était définir ensemble les tâches incontournables à réaliser avant le 1er janvier 2025, pour que l’ASNR puisse fonctionner. Il en ressort 44 tâches incontournables, dont
13 sont considérées comme importantes mais avec une incertitude sur leur réalisation, et 4 sont jugées comme critiques car leur réalisation avant le 1er janvier 2025 semble compromise.
Parmi ces 4 tâches critiques, il y a la difficulté d’attribuer un poste bien identifié à chaque collaborateur, et donc de définir, avant le 1er janvier 2025, les délégations nécessaires, dont celles concernant l’Hygiène, la Sécurité, l’Environnement (HSE). La difficulté est de mettre eASNRn place le cadre budgétaire et comptable de l’ASNR en intégrant la totalité des paiements et des dépenses de l’ASNR. Ce sont aussi des difficultés fonctionnelles pour définir l’interface entre le progiciel de l’IRSN et celui de l’Etat, aussi bien sur les aspects RH que comptables. Reste également à achever les actions qui permettront de finaliser, dans les meilleures conditions, le transfert des activités d’expertise nucléaire de défense et de dosimétrie externe, de l’IRSN vers le CEA, et le suivi des salariés concernés.
A ce stade, il est à craindre de grandes difficultés, à l’ASNR, le 1er janvier 2025 !
Les 16 et 23 octobre 2024, Pierre Marie Abadie, actuel DG de l’ANDRA, est auditionné par les commissions développement durable de l’Assemblée Nationale et du Sénat, en vue de devenir le prochain Président de l’ASN, puis de l’ASNR. Si au moins 2/5ème des membres des commissions sont favorables à sa nomination, le Président de la République le nommera alors à ces postes. Mais son arrivée semble bien tardive pour impulser une vision d’une Autorité nouvelle qu’il pilotera au 1er janvier : il risque d’arriver à la tête d’une ASNR, qui ne fonctionne pas.
Une forte inquiétude des députés sur les capacités de l’ASNR à fonctionner dès le 1er janvier 2025
Avant cela, les 24 septembre et le 2 octobre 2024, ce sont le Président de l’ASN, puis le Directeur général de l’IRSN, qui ont été entendus par la commission Développement Durable de l’Assemblée Nationale. Lors de ces auditions, les députés présents ont fait part d’une forte inquiétude sur les capacités de l’ASNR à fonctionner dès le 1er janvier 2025. Si le Président de l’ASN admet que des points sont encore à finaliser, mais il estime que l’ASNR devrait pouvoir fonctionner.
Le financement de l’ASNR fait partie de ces points à traiter : les premières remontées de Bercy indiquent qu’il manque 37 M€ sur 150 M€ dans le budget de fonctionnement !
Pourtant, le Directeur Général de l’IRSN ne cache pas ses doutes. Il précise qu’un report de l’entrée en vigueur de la loi serait une sage décision.
Il manque 37 M€ sur 150 M€ dans le budget de fonctionnement de l’ASNR
Le CSE de l’IRSN et le CSA de l’ASN rendent un avis défavorable
Dans son avis sur le projet d’organisation de l’ASNR, le CSE de l’IRSN demande aux deux directions de faire pression sur les pouvoirs publics pour demander un report de la loi. L’intersyndicale de l’IRSN et les syndicats du CEA (CGT, CFDT et CFE-CGC) contactent de leur côté le Premier Ministre, ainsi que la Présidente de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat pour leur demander, à eux aussi, un report de la loi. En parallèle, ce sont tous les chefs des groupes parlementaires qui sont sollicités pour des rencontres, même si la période est peu propice au regard des sujets politiques brûlants que les parlementaires ont à traiter.
Les salariés gardent encore l’espoir que le bon sens va l’emporter
A défaut, ce serait prendre le risque de ne plus pouvoir assurer le contrôle de la sûreté et de la sécurité nucléaire alors que ces missions ont été réalisées avec succès depuis de nombreuses années dans leur fonctionnement actuel (la création de l’IRSN date de 2001).
Il serait grand temps que le pragmatisme l’emporte sur ce projet de fusion, face à une logique politicienne qui pourrait mettre en danger les citoyens de ce pays.