Les salariés de Total La Défense en flexibilité… d’office

Au mois de juillet 2017, la direction de TotalEnergies a décidé de quitter son siège social actuel, à la tour Coupole dans le quartier de la Défense à Courbevoie, pour intégrer à l’horizon 2026 la tour « The Link », haute de 228 m et construite un peu plus loin sur le parvis.

Des conséquences majeures, au-delà des aspects immobiliers

Actuellement les salariés occupent 3 tours de la Défense : Coupole, Michelet et Newton. Demain tous seraient regroupés dans les 130 000 m d’espaces de bureaux, aménagés sur deux ailes de 50 et 35 étages de la nouvelle tour.

Le projet se fait fort de vanter l’efficacité énergétique, le confort thermique et acoustique, avec « des espaces conçus pour permettre une meilleure qualité de bien-être au travail et d’efficacité collective »…

Une déclaration d’intention qui, d’apparence, paraît correcte, mais qu’en sera-t-il réellement ?

C’est précisément là que le bât blesse. Car, profitant des nouveaux usages hérités de la période Covid, le projet a évolué pour déployer le concept de flex office à grande échelle. De grands plateaux de 3 000 et 6 000 m en duplex seront créés, pour, au final, aboutir à moins de places de bureaux que sur les trois sites existants. La direction mise sur le télétravail et la rotation des salariés sur le site… et peu lui importe que le télétravail rencontre de plus en plus de détracteurs.

Moins de places de bureaux avec ce flex office déployé à grande échelle !

Dans la novlangue de l’entreprise, cette nouvelle organisation est censée répondre aux enjeux actuels de mobilité et de collaboration, pour offrir plus de flexibilité et d’autonomie dans la gestion des espaces de travail.

Un surcroît de stress pour bon nombre de salariés

Mais elle apporte surtout un surcroît de stress pour bon nombre de salariés concernés : la question de ce futur flex office est sur toutes les lèvres.

La CGT de Total Energies AGSH a lancé une enquête

Elle s’appuie sur le travail mené par l’Ufict, et son but est de mieux comprendre les impacts et de recueillir les besoins et préoccupations des salariés pour les porter à l’employeur.
Cela a débuté le 30 septembre par une opération de sensibilisation au pied de la tour Coupole, avec barnum, distribution massive de tracts et déploiement sur l’intranet du syndicat. Et plus de 450 salariés ont répondu à ce questionnaire « flex office » (sur les quelques 2 500 présents ce jour-là) : une participation exceptionnelle quand les consultations syndicales dans l’entreprise ne recueillent en général que quelques dizaines de réponses. Cela va alimenter le débat dans un contexte d’élections professionnelles à venir…

Parmi les répondants, 68 % d’ingénieurs et cadres et 12 % de managers se sont exprimés

C’est conforme à la sociologie du site, où la plupart des salariés font déjà 1 à 2 jours de télétravail par semaine, quand 20 % viennent sur site tous les jours. Les entités répondantes sont variées et donnent un panel représentatif des salariés appelés à intégrer la future tour.
Certains sont déjà organisés en flex office (One-Tech, la filiale de TotalEnergies regroupant les activités de spécialité et de recherche, et la branche Exploration- Production de la tour Coupole). De par leur expérience, ils s’expriment en connaissance de cause. Les salariés de One- Tech sont d’ailleurs les plus nombreux à avoir répondu, même si TotalGlobalServices (activités dites de support), Marketing et Services de la Holding ne sont pas en reste.

2/3 des salariés interrogés par la CGT se disent inquiets du passage en flex office

Plus de la moitié des salariés interrogés par la CGT se disent peu, ou pas du tout à l’aise, avec le passage en flex office, quand deux tiers nourrissent des inquiétudes face à cette perspective. 36% des sondés ne comprennent « qu’en partie » ce qui les attend avec cet environnement de travail, et 8% avouent leur méconnaissance du sujet. Parmi les sujets de préoccupation, sans surprise, celui de trouver une place libre chaque matin, de ne pas être isolé de ses collègues, de gérer le bruit ambiant, les difficultés de concentration…
En parallèle, une expertise a été lancée par le CSE de l’établissement, ciblant les salariés déjà organisés en flex office. Ses résultats confirment les réponses obtenues par la CGT, pointant par ailleurs des changements de comportement : un tiers des salariés viennent plus tôt pour s’assurer de trouver une place, un quart font plus de télétravail.
Clairement, le passage en flex office est loin de recueillir l’assentiment des salariés concernés, même si une courte majorité estime être en capacité de s’adapter… à des degrés divers. Ce qui pose question, c’est le bénéfice que pourra en retirer le collectif de travail, au regard des risques que cela fera peser sur le bien-être et la santé au travail.

Cette réorganisation est souvent vécue comme une violence

C’est aussi une perte de lien avec les collègues, un pas de plus vers la déshumanisation de l’espace de travail. Car face aux difficultés d’un environnement générateur de stress, nous ne sommes pas tous égaux : chacun devra trouver sa place, au propre comme au figuré.

Limiter les dégâts et faire émerger les revendications

La CGT TotalEnergies AGSH a analysé puis fait un retour de ce questionnaire début novembre. Car l’horloge tourne et faute de leviers suffisants pour infléchir les choix de la direction, il s’agit pour l’instant de limiter les dégâts, et de jouer les pompiers… déjà ! Certaines revendications émergent, comme regrouper des équipes dans des espaces dédiés, prendre en compte les spécificités des métiers, aménager des plateaux en espaces plus petits, maintenir des bureaux individuels pour ceux qui le souhaitent, qu’ils soient managers ou non…
La gestion du bruit est une source de préoccupation majeure. Elle suscite nombre de réclamations qui exigent de soigner l’acoustique des espaces de travail avec une distance minimum entre bureaux, aménager des salles d’isolement et de réunion en nombre suffisant, mettre en place une centrale de réservation des bureaux, comme pour les salles de réunion, ainsi que des espaces laissés en « libre-service ».
Face à cette tentative de déshumanisation de l’espace de travail, il sera essentiel de remettre du collectif dans cette machine à broyer les individus : par la mise en place d’ateliers de discussion pour prendre en compte les avis et suggestions des salariés, avec une latitude laissée aux services pour l’organisation spatiale, un bilan mensuel de l’installation devant les instances de représentation du personnel, l’implication de la médecine du travail pour évaluer les effets du déménagement sur les salariés…

C’est le travail qui doit s’adapter à l’humain, et non l’inverse !

À l’heure où les ressources humaines mettent en avant le « care », la « bienveillance » et autres considérations vidées de leur sens par les cabinets de communication, il serait bon de revenir à l’essentiel : c’est le travail qui doit s’adapter à l’humain, et non l’inverse !

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