Je travaille dans un grand groupe qui fait des bénéfices d’année en année et pourtant…
Qu’ai-je fait pour mériter tant de contrariétés ? Est-ce que je travaillais si mal avant pour m’entendre dire autant que je dois m’améliorer ?
Derrière ceux qui vont bien – les gens de R&D par exemple ont le loisir de de prendre du plaisir et de proposer des projets innovants – il y a tous ceux pour qui beaucoup de choses se dégradent. Et pour celui pour qui cela va bien, quelle est la satisfaction de travailler avec des collègues qui se plaignent ?
Je suis cadre et j’aime toujours autant les sujets sur lesquels je travaille, j’apprécie la plupart de mes collègues, mais alors pourquoi y-a-t-il un malaise, que tout n’est plus tout à fait comme avant…
Et une question me taraude, qu’ai-je fait de si mal pour mériter cela ?
Alors bien sûr, il y a des choses qui s’améliorent : salle de convivialité, modernisation (comme il se doit pour une grande boite comme total), des managers en partie sensibilisés aux aspects humains, de grands mots – au travers des valeurs One Total, une certaine autonomie.
Mais que vaut-elle quand les objectifs sont trop chargés et non prioritisés, quand pour autant tant d’autres points se dégradent ?
Tant d’interrogations accompagnent les ingénieurs et cadres que la CGT a interrogés. Verbatim :
« Mais qu’est-ce qui ne va pas ? Le coût du baril, la difficulté croissante de trouver des barils, la difficulté de vendre des études à cause de 3C et 4C, la tendance à sous-estimer le coût de nos prestations, une qualité de travail dégradée par le manque de moyens…Tout cela est subi ! Le stress, la surcharge de travail que certains acceptent parfois, et jusqu’à quel point ? S’améliorer, oui mais avec des moyens. Ce n’est pas aux cadres de subir le choix contestable de réduire les coûts « coute que coute » : tâches ingrates perte d’intérêt du travail, baisse du confort…
Développement de carrière
« Les jeunes ne sont plus choyés comme ils avaient pu l’être. Ils n’ont plus ce sentiment d’être fiers de travailler chez Total comme avant. A force d’entendre que la normalité serait de changer d’entreprise tous les 5 ans, ils vont finir par s’en convaincre… »
Vie privée/vie professionnelle
T’as t’on prévenu assez tôt de ton mouvement à l’été ? «Non, cela me semble pourtant important de pouvoir anticiper pour mon recouvrement et pour l’organisation de ma vie de famille »
Opportunités en filiale
« La baisse du nombre d’expatriation pose un problème de motivation par rapport au savoir faire et ce pour quoi on est entré dans le groupe. » « Les préférences de mouvement ne sont pas écoutées. » As-tu pu négocier les conditions d’expatriation ? «Non, j’ai cru comprendre qu’expatriation rimait plutôt avec information que négociation ! »
Innovation
Alors as-tu pu monter un dossier innovation ? « J’aimerais bien mais les tâches routinières ne me laissent pas le temps, ni l’énergie ». « Intelligence artificielle : pourquoi pas mais attention, il y aura besoin d’humain pour préparer les données, et il ne faudrait pas que cela soit une chose en plus à analyser ! »
Formation
Est-ce mes possibilités de formation s’améliorent ? «Non, une de mes formations a été annulée car trop peu d’inscrits/disponibles » «Non, une de mes formations a été annulée car il n’y avait personne d’autre pour faire une étude urgente » «Non, je le sens depuis que la cible a été réduite à 5 jours de formation par an » «Non et pourtant on m’avait vendu un passeport jeune ! »
Tâches quotidiennes
Est-ce que les tâches quotidiennes imprévues diminuent ? « Non, pire elles augmentent ! »
Est-ce que les priorités sont bien fixées ? Non
Est-ce mon expert technique est toujours là ? « Non, il est parti à la retraite et n’a pas été remplacé »
Est-ce que je peux demander conseil au spécialiste de mon domaine ? « Je n’ose pas trop, il n’arrête pas de dire qu’il est surchargé »
Est-ce que mon chef m’aide techniquement ? «Non, il n’a jamais fait ce que je fais et de toutes façons il n’a plus le temps… » «Non et je crois qu’il commence à appliquer le lean management en déléguant un maximum… »
Est-ce que mon chef m’aide à connaitre des nouveaux outils ? « Ah ça oui, avant c’était lui qui le faisait, mais maintenant, BEA et autres, il faut que je m’y colle ! »
Mais alors est-ce que mon chef se la coule douce ? «Non, lean management/conquest 2020 et évaluation à 360° / « officer » de sujets divers et variés (OneTotal, Ethique, …) / marketing / auto-complétion des compétences / réorganisation DSO et TGS… tout cela l’occupe bien !
Est-ce que j’ai été entendu quand j’ai dit que j’avais trop de travail ? «Non, on m’en a rajouté ! Soi-disant que j’étais le mieux placé pour participer à des ateliers leanmanagement et que j’y gagnerai ainsi en qualité d’organisation !»
Est-ce qu’on a été entendu quand on a dit qu’on avait trop de travail dans le service ? « Pas vraiment, on nous a dit que c’était à nous de montrer tout ce qu’il y a à faire et alors cela pourrait justifier une demande de personnel ! »
Arrives-tu à réduire les heures sup ? «Non, c’est difficile de ne pas les faire, pour être plus à l’aise avec les résultats présentés confort, pour respecter l’échéance de l’équipe. Et puis je vois bien que c’est comme cela que certains jugent les autres » «D’ailleurs un collègue a dit d’un sous-traitant que c’était un bon qui n’hésite pas à rester tard le soir ou à travailler le WE. »
Dans les périodes où tu ne fais plus d’heures sup, c’est plus cool ? « Pas vraiment, cela me permet de faire les choses en retard moins urgentes. signant son contrat de travail, un engagement d’exclusivité et de confidentialité. »
Adhérer en plus à une « charte » ? Et puis quoi encore ?
Chaque salarié a déjà pris un engagement fort en signant son contrat de travail, un engagement d’exclusivité et de confidentialité. Des valeurs telles que fierté, confiance et respect ne sont pas des dus : elles doivent être inspirées.
Le sentiment d’appartenance vient quand on a l’impression de faire partie intégrante d’un tout, quand le travail bien fait est reconnu et quand les performances sont récompensées. Que la Direction fasse d’abord la preuve de son engagement envers son personnel !
Ce sont les cadres qui le disent : « avec le pacte d’engagement, je ne suis plus dissociable de mon travail ! » Des salariés impliqués et responsables oui, des robots non !
Partie importante de l’amont/holding de Total en ceci qu’ils représentent 80% de l’effectif, les ingénieurs et cadres sont de plus en plus l’objet de contraintes antagonistes dans l’exercice de leur profession.
Qu’ils soient en situation d’encadrement d’équipes ou non, ce vécu commun pèse lorsqu’il s’agit de jauger leur évolution en terme d’accomplissement professionnel.
La notion de bien-être dans l’entreprise n’a pourtant jamais été autant associée à celle d’efficacité que de nos jours. A rebours de cette évolution, la réponse de la direction de Total reste celle d’une déshumanisation des tâches et des procédures, loin de l’élan collectif recherché.
Comptez sur la CGT pour toujours, inlassablement, remettre l’humain au coeur de l’entreprise !
18.049-Tract ingénieurs et cadres