La recherche se dégrade !

La recherche gaz (Engie Lab Crigen) va passer de 800 personnes hier à 200 demain !

Pendant des années, la recherche était centralisée, et le centre de recherche était considéré comme un centre de coûts.

Suite à la fusion GDF- Suez, les différentes Business Unit (BU) d’ENGIE ont dû se transformer malgré elles en centres de résultats, avec une succession de multiples plans de réduction budgétaire (Efficio, Perform, Lean…).

Au final, nous constatons :

  • une érosion plus ou moins marquée des budgets alloués à la recherche : pour toutes les BU, y compris les BU infrastructures (GRT Gaz, GRDF…),
  • une mise en concurrence sur certains sujets avec d’autres centres d’ingénierie du groupe et même avec l’extérieur (cabinets d’étude, sociétés de prestations de services…),
  • une diminution drastique des effectifs (moins de recrutements pour plus de départs).

A cela, s’ajoutent quelques OPA agressives sur des entités de recherche :

  • En 2009 : OPA de la Direction stratégique sur les équipes de mathématiciens / économistes.
  • 2017-2018 : sous couvert de 3ème directive, OPA de GRT Gaz (contre son gré, certes) qui va ré-internaliser les équipes travaillant à 90% pour les BU infrastructures.

Pour ce qui concerne les effectifs, cela s’est traduit, entre 2008 et 2016, par une réduction de 800 à moins de 300 chercheur(e)s et collaborateurs, et suite à la future cession des activités pour les infrastructures, les effectifs « tomberont » à environ 200 !

De la recherche à l’assistance technique…

En dehors de la quasi absence de stratégie de la Direction, on voit de plus en plus les activités de recherche disparaitre au profit d’activités d’assistance technique, et dans certains domaines, par de la simple veille car les études sont réputées trop longues et trop coûteuses.

Le peu de stratégie perceptible nous laisse entrevoir une Direction qui fait le choix des start-up ou des partenariats, privilégiant ainsi l’absence de risque financier. L’entreprise se désengage progressivement de ses missions de recherche dont le centre se transforme en « hôtellerie qui offre le gîte et le couvert » à des start-up.

De plus, la Direction veut créer des centres d’expertises par site (Engie LAB thématique), et chaque centre de recherche (Laborelec, Crigen et autres petits centres de Tractebel…) se livrent actuellement une bataille dont l’enjeu est la répartition des différents domaines d’activités.

La recherche d’EDF en baisse de 15 à 20%

Après une relative stabilité des effectifs jusqu’en 2015, les choix stratégiques d’EDF, la dérèglementation du secteur de l’électricité et ses conséquences pèsent sur les effectifs dans toutes les fonctions centrales comme la recherche. Les effectifs d’EDF R&D ne sont plus que de 2050 personnes en 2016, et ils devraient chuter à 1 800 / 1 900 personnes en 2019.

Vers une recherche avec moins de laboratoires internes

Ces diminutions d’effectifs s’accompagnent aussi d’une profonde mutation vers moins de laboratoires expérimentaux et donc par une forte baisse des techniciens par rapport aux ingénieurs et chercheurs. La direction explique cette évolution par les progrès de la simulation, recentrant les laboratoires sur des problématiques moins larges.

Alors que par le passé, EDF R&D qualifiait les matériels pour le réseau électrique et les centrales nucléaires, cela n’est plus le cas aujourd’hui. On ne peut qu’en constater les dégâts dans les arrêts de fonctionnement des réacteurs nucléaires pour des justifications a posteriori !

En route vers le faire-faire

Seules quelques activités résistent à ces baisses généralisées : les énergies renouvelables, le génie civil, activités encore fortement sous dimensionnées (moins d’une centaine de personnes en tout !).

Pour tenter de compenser toutes ces baisses d’effectifs, EDF R&D fait de plus en plus appel à des partenariats avec des universités ou des laboratoires extérieurs pour en extraire l’expertise. Ceci risque encore de s’amplifier avec le déménagement de la moitié des effectifs d’EDF R&D vers le plateau de Saclay. En s’appuyant aussi sur de nombreux thésards, stagiaires et alternants ayant déjà un niveau certain de qualification, EDF augmente aussi le travail effectué par des effectifs non statutaires.

Au CEA, les chercheurs sont à la peine

Après des années d’inquiétudes sur fond de restrictions budgétaires de l’Etat, le CEA se trouve confronté à une politique de recentrage sans précédent. La subvention de l’Etat se raréfie au fil des années en proportion du budget de l’Etablissement. Une stratégie de diversification était menée sur les énergies alternatives, sciences du vivant, recherches fondamentale sur le climat, la recherche sur les lasers, en micro et nano-technologies… Par ailleurs, une recherche intense de financements s’effectuait auprès des industriels et de différentes institutions publiques (ANR, CE, régions, etc).

Ce modèle semble avoir atteint ses limites. En effet, les logiques industrielles, et même celles des décideurs politiques, s’accommodent mal des temps longs que nécessite la maturation des projets de recherche pour devenir des innovations industrielles. Les chercheurs « permanents » du CEA ont de moins en moins les moyens de faire de la science et passent de plus en plus de temps à chercher des financements. Rendre compte et valoriser les résultats, manager, former – en pure perte – des bataillons de collaborateurs précaires, que l’organisme ne garde pas dans ses effectifs.

Cette situation fait prendre un risque important de perte des compétences et savoir-faire, puisque ceux-ci sont transférés à des salariés précaires (prestataires, sous-traitants…).

Mais quels sont les risques de ce recentrage ?

  • Se couper de thématiques importantes pour l’avenir et pour lesquelles le CEA dispose d’équipements de recherche rares voire uniques.
  • Accroître la pression sur les moyens effectifs de soutien à la recherche, soit disant pour préserver au mieux les thématiques que l’on ne veut pas perdre.

Par expérience de ces dernières années, si les moyens baissent, les besoins subsistent, et on assiste à un transfert croissant des charges administratives et de soutien dans les laboratoires, éloignant encore plus les chercheurs de leur métier et de ce qui fait sens à leur engagement professionnel.

Et si, tous ensemble, on remettait l’Etat à sa place, les logiques à l’endroit ?

Si les politiques prétendent à une relance de l’emploi industriel, elles doivent réinvestir le seul outil efficace face aux dérives de la financiarisation de l’économie, c’est-à-dire consacrer une part plus importante du budget de l’Etat à la recherche. Et ce, sous forme de subventions, et pas de crédits d’impôt qui ne bénéficient qu’aux actionnaires des grandes entreprises et bien trop peu à la recherche.

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