La question de la laïcité revient souvent dans les discussions au travail à propos d’un signe, événement, absence. Parfois elle apaise, parfois elle crispe mais elle pose toujours la même question : comment travailler ensemble dans le respect du droit et des personnes ?
La laïcité est là pour garantir les libertés et éviter l’injustice
Car la laïcité n’est ni un slogan, ni une arme. C’est un cadre commun qui tient le collectif, protège les libertés et évite l’injustice. Elle donne de la clarté aux décisions du quotidien et rappelle que chacun vient au travail avec une histoire, des convictions, des droits et des devoirs communs.
Comment travailler ensemble dans le respect du droit et des personnes ?
Ce que disent la loi de 1905 et le Code du Travail
Le débat est souvent brouillé par la confusion entre laïcité et athéisme. Dans les entreprises des IEG, la diversité des métiers amplifie cette confusion, alors que les repères existent et qu’ils sont solides.
La loi de 1905 repose sur deux piliers : l’État ne finance aucun culte et la République assure la liberté de conscience. Une liberté qui vaut pour tous, sans obliger les personnes à rester neutres dans leur vie privée. Mais cette neutralité est une obligation de l’État et de ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.
Dans l’entreprise privée, la règle est différente. La liberté de manifester ses convictions est la norme et le Code du travail autorise des restrictions seulement si elles sont nécessaires, proportionnées et liées à un but légitime. C’est le cas de la sécurité, l’hygiène ou pour la bonne marche du service.
Depuis 2016, une clause de neutralité peut entrer au règlement intérieur : ce n’est pas une obligation, mais un outil exceptionnel. Elle doit rester générale, indifférenciée, réellement justifiée et expliquée, car la laïcité protège autant qu’elle oblige.
Dans le service public, la neutralité est stricte
Les agents ne doivent pas exprimer leurs convictions pendant le service. Cette exigence tient à leur mission : garantir la même réponse à chacun, en tout lieu et en tout temps. Les usagers, eux, conservent toute leur liberté, dans le respect de l’ordre public et de la continuité.
Dans le secteur privé, la liberté est la règle, sauf en cas d’un besoin réel, au regard du poste et du risque. Et la jurisprudence le confirme : une politique de neutralité n’est licite que si elle est générale, indifférenciée et proportionnée, ce qui exclut les interdictions « à l’aveugle ». La bonne attitude est d’organiser le travail, expliquer les décisions, prévenir les situations difficiles, et n’interdire qu’en dernier recours.
Dans les IEG, où les situations sont variées (accueil du public, maintenance, interventions à domicile…), la boussole est simple : neutralité stricte, quand l’agent incarne l’autorité publique ou l’égalité due à l’usager, et liberté de droit commun dans les autres cas. Les restrictions doivent viser un motif sérieux.
Par exemple un équipement de protection individuelle (EPI) incompatible, une contrainte d’hygiène ou un impératif de continuité. L’objectif n’est pas d’uniformiser, mais de garantir la même sécurité, la même qualité de service et la même dignité partout. C’est la sécurité qui prime et le risque concret du poste est évalué avant de conclure. Si un vêtement ou un accessoire empêche de porter l’EPI ou d’assurer un geste sûr, il faut l’expliquer et proposer une alternative compatible. Quand le risque n’est pas avéré, l’interdiction n’est pas justifiée. La proportionnalité sert de boussole pour traiter un risque réel, pas un symbole.
Du cas particulier à une règle claire
Quand arrive une demande d’absence pour une fête religieuse, les directions regardent d’abord l’organisation réelle du service. Le but est de concilier la liberté de chacun avec la continuité du travail. Un échange de poste, un glissement d’horaires, un jour flottant… suffisent parfois. Et s’il y a une décision, elle doit s’appuyer sur des critères visibles par tous, pas sur des impressions, et être expliquée au salarié et aux collègues concernés pour éviter tout malentendu. Une réponse négative doit être motivée et tracée, et cette rigueur calme les tensions et clarifie les règles du jeu.
Définir un cadre commun et ne pas segmenter
Au restaurant d’entreprise, la logique est la même, par exemple avec un self qui propose des alternatives, des plats modulables et une information claire sur les ingrédients. Inutile de cloisonner les espaces : l’enjeu est d’offrir à chacun la possibilité de se nourrir correctement, sans stigmatisation ni complexité inutile. De même, les espaces et temps de pause doivent rester communs et apaisés, comme une salle polyvalente ouverte à tous, avec des règles simples de cohabitation. En cas de tension, il faut revenir aux fondamentaux : respect d’autrui, tranquillité des lieux et égalité d’usage.
Le prosélytisme se juge aux comportements, pas aux apparences
Porter un signe quelconque n’exerce pas, en soi, une pression sur autrui. En revanche, insister, solliciter, assigner ou exclure un collègue en raison de ses convictions, ou de son absence de convictions, n’est pas acceptable. Et lorsqu’une alerte survient, il faut écouter, documenter les faits et rappeler les règles de respect mutuel, et ce cadre protège tout le monde.
Dans les accueils ou lors d’interventions à domicile, la neutralité garantit le même niveau de service pour tous. S’il faut porter un uniforme, adopter une posture… le mieux est de l’expliquer pour préserver l’égalité de traitement et la confiance du public.
La laïcité comme outil de justice sociale
La position de l’Ufict-CGT tient en trois mots : libertés, égalité, cohésion. La laïcité au travail fixe une règle commune qui empêche les passe-droits, les pressions et discriminations afin d’éviter de dresser les personnes les unes contre les autres, de les stigmatiser (pour leur religion, l’absence de religion). Car l’égalité de droits et de devoirs vaut pour chacun, à chaque étape du parcours professionnel (recrutement, évaluation, formation, évolution, sanctions). Si la pression religieuse n’a pas sa place, la clause de neutralité ne peut pas devenir un fourre-tout. Si elle existe, elle doit rester l’exception, être justifiée par l’activité, s’appliquer de manière générale et proportionnée, et faire l’objet d’un contrôle social par les représentants du personnel.
Libertés, égalité, cohésion
L’Uf ict revendique que les managers et les RH soient formés aux règles, à l’analyse des risques, à la proportionnalité et à la résolution des conflits. Et avant de restreindre une liberté, il faut examiner l’impact, explorer les alternatives et motiver la décision par écrit. Les cas sensibles doivent être suivis en instance paritaire pour vite corriger les dérives et sécuriser les pratiques.
Chaque salarié doit pouvoir accéder à un recours interne, lisible, et être orienté vers les voies externes de protection des droits. Cette transparence responsabilise l’employeur, outille les représentants du personnel et rassure les équipes.
Faire équipe autour d’une règle commune pour faire gagner les salariés et les usagers
La laïcité est une promesse qui nous dit : « Tu es libre de tes convictions et personne ne peut t’imposer les siennes ». Elle forge un collectif, parce que nous partageons tous la même règle. Entre l’interdiction tous azimuts et le laxisme qui crée des passe-droits, il existe une voie exigeante : le droit, le dialogue et la proportionnalité afin de travailler sereinement, accueillir la diversité sans casser l’égalité, pour un service public digne de la confiance des usagers.
Avec la laïcité « Tu es libre de
tes convictions et personne ne
peut T imposer les siennes »