Une enquête réalisée au cours du deuxième semestre 2016 démontre combien les femmes se sentent et sont maltraitées à EDF. La Direction de la Production Nucléaire et Thermique (DPNT) en a tiré un plan d’actions. Comment l’Ufict peut-elle réagir et proposer des solutions concrètes pour la lutte en faveur de l’égalité femmes-hommes ?
Commandée par la direction, cette enquête a été réalisée par le réseau Energie de Femmes, fin 2016. Plus de 6 100 réponses ont été recueillies dans toutes les entités et tous les métiers du Groupe. 73% d’entre elles viennent de cadres, 34% d’hommes. La même enquête est menée régulièrement par BVA partout en France, ce qui permet de comparer la situation au sein du groupe EDF à celle d’autres entreprises. Une comparaison qui n’est pas à l’avantage d’EDF…
En effet, la place des femmes et les relations de travail entre les femmes et les hommes à EDF sont caractérisées par un sexisme avéré, plus fort et plus sensible que dans les autres entreprises françaises. Pour preuve, 66% des femmes disent avoir été confrontées au sexisme dans le cadre de leur travail et seuls 39% des hommes disent en avoir été témoins.
67% des femmes ont déjà entendu des blagues sexistes ou en ont été l’objet à EDF contre 50% des femmes cadres en France. Près de 60% des femmes déclarent avoir été discriminées au cours de leur carrière en raison de leur sexe, une situation comparable aux autres entreprises.
Un sexisme accentué avec les responsabilités
La suspicion d’illégitimité à l’égard des femmes en situation de responsabilités est plus forte à EDF : 64% des répondantes contre 48% des femmes cadres en France. Cette suspicion d’illégitimité atteint 72% parmi les cadres supérieures à EDF. 38% des femmes ont le sentiment que leurs compétences sont sous estimées contre 29% dans les autres entreprises. La maternité est appréhendée comme une source de difficultés pour l’entreprise selon 86% des répondantes à EDF contre 77% en France.
La Direction de la Production Nucléaire Thermique (DPNT) fait partie des plus mauvais élèves au sein d’EDF. Le 17 mars dernier, le réseau Energie de Femmes avait invité Dominique Minière son directeur pour une vidéo conférence avec tous les sites de la DPNT. Ce dernier a présenté un plan d’actions en sept mesures pour réagir à ces mauvais résultats :
1- « Adapter les parcours et la mobilité aux évolutions sociologiques » : par exemple en finir avec la mobilité géographique forcée pour « faire carrière ».
2- « Faire évoluer les critères de promotion » : le présentéisme ne serait plus synonyme de performance.
3- « Valoriser des modèles féminins ».
4- « Encourager la détection de talents femmes et l’adapter au calendrier de la vie ».
5- « Mettre en place un projet national de mixité pour la performance ».
6- « Développer l’inclusion des femmes et lutter contre le sexisme ».
7- « Autoriser et gérer la maternité et la parentalité ».
Le point de vue Ufict : propositions positives, mais…
à première vue, les propositions visent surtout à incorporer plus de femmes dans les équipes et en tant que dirigeantes en particulier. Cela parait positif mais il faudra vérifier leur mise en œuvre et leurs bénéfices sur le long terme. La vigilance s’impose d’autant plus que l’on peut comprendre que ce qui préoccupe la direction au sujet du sexisme, c’est la performance de l’entreprise. La Direction reconnait que le sexisme atteint la personne, qu’il « détériore la confiance en soi, déstabilise le travail de celles qui le subissent, peut modifier le comportement des salarié(e)s, peut conduire à renoncer à prendre de nouvelles responsabilités ». Mais elle ne présente jamais le sexisme comme une atteinte à la personne, ne parle jamais de victimes et/ou de la mise en cause de l’organisation du travail. Elle ne le présente pas non plus comme un risque professionnel que la loi demande à l’employeur de prévenir ou de supprimer, car il a le devoir de préserver la santé des salarié.e.s.
Pour la direction, plus de mixité serait le remède au sexisme et à cet état des relations entre femmes et hommes. Certes, augmenter la mixité peut permettre de réduire le sexisme et d’autres facteurs d’inégalité entre femmes et hommes. Mais c’est un point de vue à relativiser : le sexisme est-il inéluctable dans un environnement à dominante masculine ?
Quelle action syndicale mener ?
L’Ufict et la CGT doivent aller au contact des salarié.e.s en utilisant ce type d’enquête. Par exemple en discutant des propositions de la DPNT avec les salarié.e.s, en échangeant des critiques constructives, en cherchant d’autres solutions… Le réseau Energie de Femmes a aussi prévu des actions : il veut rencontrer « les femmes en centrale pour briser l’isolement », « favoriser l’expression sur les questions d’égalité professionnelle », « être le porte-parole et la voix du terrain auprès des Codir et de la DPNT ».
N’est-ce pas un des rôles des militants syndicaux ? Pourquoi laisser un réseau de femmes, émanation de la direction, faire un travail de militant.e.s ?
La direction a avant tout des enjeux de performance derrière son souhait de plus de mixité. Ainsi, lorsque la DPNT veut favoriser le recrutement de jeunes femmes et plus de femmes dans les Comités de direction – deux actions que l’on ne peut que soutenir – n’est-ce pas aux organisations syndicales de rappeler le sort des femmes dont les carrières ont été stoppées, celles qui sont bloquées dans leur collège ou qui ont perdu confiance ?
Alors que la direction, pour traiter du sexisme, est focalisée sur la féminisation des équipes, le syndicat doit replacer la question des relations femmes/hommes dans le cadre du dialogue social. Le CHSCT doit y travailler en priorité, sur la prévention du sexisme, des violences sexuelles et l’aide aux victimes, mais toutes les autres Instances Représentatives du Personnel (IRP) doivent aussi y participer.
Une enquête alarmante qui ne révèle qu’une partie de l’injustice
Cette enquête sur la place des femmes dans le Groupe EDF alerte sur un niveau de sexisme inacceptable qui va jusqu’à la discrimination. Mais l’enquête n’aborde pas l’assistance ou l’écoute des femmes victimes (le terme « victime » n’apparait jamais).
Ne sont pas non plus abordés les aspects juridiques du sexisme, que ce soit du point de vue des victimes, ou de celui de l’employeur. Autant d’aspects, que les syndiqué.e.s CGT doivent prendre en charge. De très bons outils existent déjà : le « Kit pour agir contre le sexisme » du Conseil Supérieur de l’Egalité Professionnelle entre les Femmes et les Hommes et le guide CGT « Combattre les violences sexistes et sexuelles ».
Si cette enquête et la communication que la Direction construit autour paraissent positives pour avancer sur l’égalité professionnelle femmes-hommes, il ne faut pas limiter la question des inégalités professionnelles femmes-hommes à cette seule notion de sexisme. Il importe de prendre garde aussi à ne pas masquer sd’autres facteurs d’injustice ancrés dans un système inégalitaire : temps de travail, interruptions de carrière pour se consacrer à la famille, évaluation du travail, individualisation des rémunérations, injonctions à la disponibilité totale…
Un autre très bon outil : le « Guide pour une évaluation non discriminante des métiers à prédominance féminine » édité par la Halde.