Portrait des intervenants aux journées d’été

Débat : libérer la parole en entreprise, oser s’exprimer pour consolider le collectif

  • Gaëtan Flocco Sociologue au Centre Pierre Naville, Université d’Evry. Auteur du livre – Des dominants très dominés – Editions Raisons d’agir, 2015

La liberté d’expression en entreprise, pour quoi faire ?

La présentation commencera d’abord par définir ce qu’il faut entendre par liberté d’expression et prise de parole des cadres et ingénieurs en entreprise. En effet, ces attitudes recouvrent une large palette de comportements différenciés. Ainsi, elles peuvent consister à faire participer davantage les cadres à la logique de l’entreprise, dans l’esprit du « management participatif ». Elles peuvent également incarner des formes de mécontentement et de désaccord à l’égard de différentes dimensions du travail et de la production – l’intensification du travail, les injonctions contradictoires du management, la difficulté à « bien faire son travail », etc. Enfin, de façon plus minoritaire, ces prises de paroles peuvent aussi exprimer des positions plus radicales, en rupture avec l’organisation et les finalités de l’entreprise capitaliste.

À partir de cas concrets issus d’enquêtes de terrain menées ces dernières années dans de grandes entreprises en France, la présentation reviendra sur ces différents registres d’expression des cadres et ingénieurs. Il s’agira de comprendre notamment ce qui favorise l’émergence de ces prises de paroles, mais aussi ce qui, dans certaines circonstances, les en empêche. Enfin, l’intervention sera également l’occasion de lancer une discussion autour des travaux de certains auteurs qui proposent des modalités de contestation et d’action alternative, à l’image des lanceurs d’alertes (G. de Lagasnerie).

 

  • Florence Vitry : Coach, superviseur de coachs et formatrice en relations humaines et coaching depuis 15 ans après avoir exercé durant 20 ans des fonctions de cadre et de DRH dans les secteurs privé et public. Elle est également chargée de cours sur un DESU de coaching à l’Université Paris 8 et est est co auteur de l’ouvrage « Le coaching personnel » paru chez Interédition (2008) et des « fiches outils du coaching » paru chez Eyrolles (2015).

Libérer la parole en entreprise : oser s’exprimer pour consolider le collectif au réel

La présentation montrera le paradoxe induit par la notion de liberté d’expression lorsque l’on veut la provoquer.
La parole de l’individu est pensée au service du collectif mais c’est celui-ci qui au départ, prend un risque en son nom propre.
Faire prendre conscience des mécanismes à l’œuvre qui bloquent la libre expression (les craintes individuelles, le manque de sens, la culture ambiante).
Nous développerons l’implicite et l’explicite de l’expression en entreprise (ouverture ou contrôle ?), le manque de sens (à quoi bon ! ), la crainte de ne pas savoir s’exprimer correctement, la pression de l’environnement professionnel, personnel, la solitude ressentie, réelle ou imaginaire, l’autocensure à l’idée du risque à assumer.
Enfin, les besoins des individus pour oser agir : mesurer le sens, l’importance, la valeur de son expression pour lui-même et le collectif, se sentir rassuré sur les conséquences et soutenu pour oser et faire face, savoir comment s’exprimer pour être entendu.

L’objectif étant de proposer des pistes d’action à partir des besoins des individus pour aider à dépasser les blocages : prendre en compte d’abord les craintes des individus pour les rassurer, puis leurs besoins pour les stimuler.

 

  • Nadège Magnon : Avocate depuis 17 ans, inscrite au barreau de Paris. Elle exerce essentiellement son activité en droit du travail, pour la défense des salariés et de leurs représentants. Elle pratique aussi bien les litiges individuels (licenciement, conditions de travail, temps de travail…) devant les juridictions prud’homales que les contentieux collectifs (élections, grève, droits des représentants du personnel…) concernant les syndicats, les Comités d’entreprise, les CHSCT, etc. que ce soit devant les juridictions civiles ou pénales.

L’intervention commencera par un bref rappel de la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 : « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi. »

L’exercice de ce principe trouverait-il des limites au sein de l’entreprise ? Se heurterait-il au pouvoir de direction de l’employeur, particulièrement pour ceux qui exercent des postes à responsabilité ? Est-il permis de critiquer les décisions de l’employeur, de proposer d’autres formes d’organisation ?

La Cour de cassation juge depuis très longtemps que « sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression ; il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. »

La liberté d’expression est donc le principe, au sein comme à l’extérieur de l’entreprise. Mais il n’est pas toujours simple de s’exprimer. Est-on protégé si l’on use de sa liberté de parole, si l’on s’adresse à l’Inspection du travail, au Médecin du travail, à un syndicat ?

Nous nous pencherons également sur les exceptions au principe de la liberté d’expression.
Quels propos, quels comportements peuvent être considérés comme des abus, dans quelles circonstances ?
L’employeur est-il en droit de limiter la liberté d’expression ? Sous quelles conditions ? Le secret des affaires, l’intérêt de l’entreprise sont-ils des raisons suffisantes et absolues pour imposer des engagements de confidentialité ou des chartes de bonne conduite ?

Qu’en est-il des représentants du personnel qui ont accès à des informations présentées comme confidentielles par l’employeur ? Peut-on leur imposer le secret alors qu’ils représentent la collectivité des salariés ?

Ces questions sont importantes car elles portent à la fois sur des enjeux de liberté individuelle, d’épanouissement au travail et sur le droit d’expression et de mobilisation collectives vis-à-vis des décisions de l’employeur.

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