Un bilan chiffré accablant qui nécessite une véritable révolution culturelle
Le 25 novembre, journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes, a marqué le début d’une grande mobilisation contre ce fléau que constituent les violences sexistes et sexuelles (VSS). Car sept ans après avoir annoncé que l’égalité Femmes-Hommes serait la « grande cause du quinquennat », le budget alloué (184 M€) est très loin des 3 milliards nécessaires selon la Fondation des Femmes.
Et les engagements du Président de la République ne se transforment pas en actes concrets, notamment dans le monde du travail où ces violences sexistes et sexuelles persistent à des niveaux alarmants. Et même si la récente ratification en avril 2023 de la Convention 190 de l’Organisation Internationale du Travail marque une avancée importante, sa mise en œuvre effective reste un défi majeur pour les entreprises et les administrations.
La face cachée des violences au travail
Le constat est sans appel : selon l’enquête IFOP/Fondation Jean Jaurès (2019), 30 % des salariées ont déjà été harcelées ou agressées sexuellement sur leur lieu de travail, et 9 % des viols ou tentatives de viols se produisent dans le cadre professionnel, soit près de 10 cas par jour en France. Ces violences prennent des formes multiples, du sexisme ordinaire aux agressions physiques, en passant par le harcèlement moral à caractère sexiste.
30 % des salariées ont déjà été harcelées ou agressées sexuellement sur leur lieu de travail
En plus de ces violences, communes à toutes les femmes, les Ingénieures, Cadres et Techniciennes (ICT) font face à une forme spécifique de sexisme : la délégitimation professionnelle. Selon le rapport du Conseil Supérieur de l’Égalité Professionnelle (CSEP, 2013), 57% des femmes cadres ont subi des remarques sexistes remettant en cause leurs capacités à manager. Cet environnement professionnel hostile compromet leur évolution de carrière. Et cette situation est d’autant plus préoccupante que les femmes ICT occupent souvent des postes à responsabilités où elles se retrouvent plus isolées : dans un comité de direction ou une équipe, une femme est parfois très isolée.
9 % des viols ou tentatives de viols se produisent dans le cadre professionnel
Des entreprises inégalement mobilisées face à cette réalité
Selon le baromètre UGICT-CGT/Viavoice, 70 % des victimes de violences au travail déclarent n’en avoir jamais parlé à leur employeur, et pour les 30 % qui osent briser le silence, elles sont 40 % à estimer que la situation ne s’est pas réglée en leur faveur.
Mais une prise de conscience est en train de s’opérer et des initiatives prometteuses émergent. Dans le sillage des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, le concept de « safe places », initialement développé dans les festivals, s’étend progressivement au monde de l’entreprise. Dans ces espaces sécurisés, dotés de personnels formés, les victimes trouvent refuge et assistance. En parallèle, le gouvernement encourage l’innovation technologique en soutenant le développement d’applications mobiles dédiées à la prévention des VSS. Ces avancées significatives, qui ouvrent la voie à de nouveaux outils de signalement et d’accompagnement, ne masquent pourtant pas les insuffisances persistantes.
Car dans le secteur privé, comme dans la fonction publique, de nombreuses structures ne respectent pas leurs obligations légales : absence de plans de prévention, des dispositifs de signalement qui, quand ils existent, restent peu opérationnels car insuffisamment financés et méconnus des salariées… cette réalité touche particulièrement les ICT.
Selon le dernier baromètre UGICT, seule la moitié des cadres (49 %) bénéficie de mesures de prévention, et les deux tiers des cas signalés ne donnent lieu à aucune sanction de l’agresseur, créant un sentiment d’impunité qui décourage les victimes.
2/3 des cas signalés de violences sexistes et sexuelles ne donnent lieu à aucune sanction de l’agresseur
Mais certaines entreprises montrent la voie et développent des programmes de sensibilisation innovants, des formations interactives, qui créent, progressivement, un environnement de travail plus sûr et respectueux.
Il est urgent de se mobiliser collectivement
Face à ce constat accablant, la CGT propose plusieurs axes d’actions. D’abord la prévention, avec la mise en place d’heures de sensibilisation obligatoires pour l’ensemble du personnel et des formations spécifiques pour les managers et les RH. La protection des victimes ensuite, avec le renforcement des dispositifs de signalement et l’accompagnement des salariées dans leurs démarches.
Enfin, la sanction des agresseurs, avec la mise en place de procédures disciplinaires claires et effectives. Et pour les femmes ICT, il convient d’aller plus loin avec des mesures spécifiques comme créer des réseaux de soutien, adapter les processus de signalement aux enjeux hiérarchiques, garantir le maintien dans le poste pour les victimes.
Des outils concrets pour agir
Les référents harcèlement, dont le rôle a été renforcé par la loi, doivent disposer de moyens et de temps suffisants pour exercer leur mission. Il faut aussi que les CSSCT intègrent systématiquement la prévention des VSS dans leurs travaux, et que les accords d’entreprise prévoient des mesures concrètes : procédures de signalement, protection des victimes, sanctions des agresseurs. Et des dis positifs spécifiques sont également nécessaires : pour les ICT : formation des managers à la prévention, création d’espaces d’échange sécurisés, mise en place d’indicateurs de suivi.
La lutte contre les VSS est indissociable du combat pour l’égalité professionnelle
Ces violences constituent un frein majeur à la carrière des femmes, particulièrement pour les ICT. Car le plafond de verre est renforcé par ces comportements qui découragent les femmes de postuler sur des postes à responsabilités, ou qui les poussent à quitter leur poste. Les conséquences sont lourdes: stress, perte de confiance, dépression, arrêts maladie, démission… Des impacts considérables sur la santé et la carrière des victimes et qui sont souvent durables.
Le besoin d’une révolution culturelle pour changer les choses
Au-delà des dispositifs et des procédures actuelles, les entreprises doivent passer d’une culture de l’impunité à une culture de la responsabilité, et pour cela il faut que les managers soient formés à détecter et à prévenir les VSS.
Les équipes doivent être sensibilisées aux stéréotypes de genre et à leurs conséquences, et tous les acteurs doivent s’impliquer : direction, managers, représentants du personnel, salariés.
Passer d’une culture de l’impunité à une culture de la responsabilité
Au-delà de la justice sociale, c’est aussi un enjeu de per formance pour les entreprises. Car une entreprise qui protège ses salariées, qui leur garantit un environnement de travail respectueux, a de meilleures chances de les fidéliser tout en améliorant sa performance.
Les femmes ICT, par leur position stratégique, ont un rôle majeur à jouer dans cette transformation. Avec le soutien de l’Ufict-CGT et la mobilisation de toutes et tous, nous devons, tous ensemble, faire évoluer les mentalités et les pratiques. Pour aller plus loin, retrouvez l’ensemble des outils et ressources sur www.egalite-professionnelle.cgt.fr