Elle joue un rôle aussi essentiel que varié… mais le changement climatique modifie tout !
L’impact du changement climatique affecte de façon évidente la production d’électricité hydraulique. En effet, la ressource potentielle en eau dépend directement du climat. L’épisode de forte sécheresse, vécu au printemps et à l’été 2022 dans le Sud-Ouest, a eu pour conséquence que les retenues n’étaient plus exploitables pour la production hydraulique, du fait de l’obligation de respecter les conventions d’étiage (consommation de la population, irrigation des cultures, pêche en aval des retenues…), tout en garantissant le fonctionnement de la centrale de Golfech. Après un hiver très sec, les pluies du printemps 2023 ont tout juste permis de remplir les réservoirs. De fait, le turbinage hydroélectrique a été très faible, en prévision du respect des conventions d’étiage. Or, cette production électrique est stratégique pour répondre aux besoins d’électricité pendant les heures de pointes journalières et pour l’équilibre du réseau.
La production hydroélectrique est stratégique pour répondre aux pointes et pour l’équilibre du réseau
En période de sécheresse, les fortes concentrations de sédiments dans l’eau induisent une usure mécanique. D’autre part, les sédiments en partie piégés dans les barrages (à l’échelle mondiale, pas moins d’un tiers des sédiments sont piégés dans ces retenues), ne contribuent plus à la protection contre l’érosion côtière, notamment dans l’estuaire de la Gironde.
Les sédiments piégés dans les barrages ne contribuent plus à la protection contre l’érosion côtière
Dans la région alpine, il s’agit plus d’un bouleversement des cycles hydriques que d’un manque d’eau au sens propre (même si le total des précipitations diminue depuis des décennies). Le changement climatique associé au réchauffement de la planète, induit des températures moins froides en hiver et les précipitations tombent de plus en plus sous forme de pluie et non de neige (75 % contre 50 % auparavant). Par le passé, les précipitations d’automne et d’hiver remplissaient les barrages, mais constituaient aussi des réserves d’eau “stockées” sous forme de neige.
La fonte des neiges, au printemps, assurait une alimentation forte des rivières et des retenues. Actuellement, la raréfaction de la neige renforce les crues, qui sont de plus en plus violentes et rendent la valorisation de l’eau difficile : le matériel charrié (troncs d’arbres par exemple) et les grandes quantités d’eau rendent la production d’électricité plus difficile. L’eau “retourne” donc à la nature sans avoir pu contribuer à la production d’électricité. Ainsi, les opportunités de productions hydroélectriques deviennent moins fréquentes. Et si, à ce jour, les barrages sont pleins, un nouvel épisode de sécheresse pendant le printemps et l’été ne permettrait pas de répondre à tous les besoins. Il faut donc repenser le système d’optimisation des différentes utilisations de l’eau pour les collectivités locales, la population, les industriels…
Il faut repenser le système d’optimisation des différentes utilisations de l’eau
Des investissements sont indispensables pour améliorer la réponse aux besoins en eau
Créer de nouvelles Stations de Transfert d’Énergie par Pompage (STEP) semble incontournable. Ce type d’installation, composée de deux bassins situés à des altitudes différentes, stocke de l’énergie en pompant l’eau du bassin inférieur vers le bassin supérieur lorsque la demande électrique est faible. Et quand la demande électrique est forte, la STEP restitue de l’électricité sur le réseau en utilisant l’eau du bassin supérieur. Cela augmente artificiellement les réserves d’eau turbinées pour les heures de pointe. Plusieurs projets de STEP sont dans les cartons d’EDF, mais tant que la question des concessions hydrauliques sur le long terme ne sera pas clarifiée, l’entreprise n’investira pas. Et il en est de même pour les exploitants alternatifs potentiels. De petites unités de production sur les cours d’eau sont aussi possibles. Les développer ne nécessiterait pas de gros réservoirs et limiterait donc l’impact sur l’environnement. Mais pour cela il faudrait une approche nationale, par exemple avec une organisation en SIEG de la gestion de l’eau (Service d’Intérêt Économique Général). Un statut juridique qui existe ailleurs en Europe et qui est conforme au droit européen.
Au-delà de l’hydroélectricité, l’eau est aussi essentielle au nucléaire
L’eau du circuit primaire du réacteur à eau pressurisée (REP) extrait la chaleur générée dans le réacteur et la transmet au circuit secondaire par les générateurs de vapeur (GV). Un pressuriseur régule le rapport entre la température de l’eau du circuit primaire et sa pression pour garantir le meilleur rendement dans la transformation en énergie mécanique. L’eau du circuit secondaire transforme l’énergie thermique de la vapeur issue des GV en énergie mécanique grâce à la turbine et à l’alternateur.
L’eau de refroidissement du circuit secondaire est prélevée dans le milieu naturel (fleuve ou océan) et le débit prélevé par réacteur varie. S’il est généralement de 4,6 m3 par seconde pour les centrales implantées sur les grands fleuves, il varie sur les centrales de la Loire, comme à Saint-Laurent des Eaux où il est de 3,5 m3 par seconde, et à Chinon où il dépend de la caractéristique des réfrigérants. À Civaux, sur la Vienne, il est de 2 m3 par seconde. L’eau est aussi utilisée dans les piscines qui stockent le combustible usagé. Les centrales nucléaires sont situées à proximité des grands fleuves Loire et Rhône, principalement, mais aussi Garonne, Seine et Meuse, et sur des rivières (Moselle, Vienne) ou bien en bord de mer. Le refroidissement est le plus souvent assuré par des tours aéroréfrigérantes qui laissent voir, de loin, des panaches de vapeur d’eau qui constituent “l’image” des centrales nucléaires pour le grand public… alors que ces mêmes tours équipent aussi des centrales thermiques, et que toutes les centrales nucléaires n’en possèdent pas, notamment en bord de mer !
La gestion de la ressource en eau pour le nucléaire
Les étés chauds, qui sont désormais fréquents, suscitent des inquiétudes quant à l’impact du rejet d’eau chaude dans l’environnement. Cependant, sur les périodes de l’année les plus chaudes, il est possible de baisser la puissance et donc la production de certaines tranches, ce qui génère moins d’évaporation. Ainsi, l’eau rejetée dans l’environnement est moins chaude. Le besoin en électricité étant moins important à cette période de l’année, ces baisses de production sont peu pénalisantes et ne posent d’ailleurs pas de problème de sûreté. Cela n’empêche pas EDF d’accorder une place importante à la gestion de l’eau pour ses centrales nucléaires et à la préservation des milieux naturels et des écosystèmes.
Ainsi, suite au retour d’expérience (REx) des canicules de 2003 et 2006, la Division Ingénierie du Parc nucléaire et De l’Environnement (DIPDE) de Lyon dispose d’une permanence estivale en cas de canicule et/ou d’étiage. Par ail- leurs, les éventuelles demandes de dérogation temporaire aux limites de rejets thermiques (discutées avec l’ASN) sont préparées avant le début des périodes estivales, en cas de situation de crise éventuelle. Enfin, la surveillance environnementale renforcée dans le cadre de conditions climatiques exceptionnelles est définie à l’avance avec des bureaux d’études spécialisés.
Un véritable débat public sur l’eau est indispensable
Lutte contre le réchauffement climatique, mix énergétique, gestion de l’eau, respect de l’environnement… tous ces sujets devraient être mis sur la table afin de faire les bons choix pour la future « programmation pluriannuelle de l’énergie » qui portera sur la période 2024 à 2035.
Ce n’est pourtant pas la voie que semble choisir ce gouvernement qui entend, une nouvelle fois, se passer d’un débat parlementaire pour imposer cette 3ème PPE par un décret d’ici à la fin de l’année. Un nouveau déni de démocratie après les abus, déjà trop nombreux, de 49.3…
La prochaine PPE 2024-2035 devrait être l’opportunité de discuter aussi de l’eau
Procédé innovant pour limiter l’évaporation des aéroréfrigérants
Cette expérimentation, unique en Europe, est pilotée par EDF R&D à la centrale de Bugey (01). Ce procédé vise à limiter l’évaporation des aéroréfrigérants par le captage des gouttes d’évaporation (mise en œuvre, valorisation…). Les premiers essais devraient être réalisés en 2024 et répondent aux enjeux de performance du parc nucléaire et d’adaptation au changement climatique.