Les conquêtes sociales pour les femmes

[Options 647 – mai 2019 – pages 14-15]

L’histoire aide à mieux comprendre l’évolution sociale. Retour sur les conquêtes pour les femmes, du début du XXème siècle jusqu’à la fin des années 80.

Cette histoire commence au début des années 1900, 1907 pour être exact, avec la loi qui accorde aux femmes mariées la libre disposition de leur salaire. C’est la première réforme qui vise à entamer la toute-puissance du mari. La première femme exerçant le métier d’avocate en France, Jeanne Chauvin, a défendu cette loi qui fut l’aulne législatif vers l’égalité F/H.
Deux ans plus tard, en novembre 1909 la loi Engerand institue un congé de maternité de huit semaines. C’est la première protection de la maternité qui permet aux femmes de ne pas perdre leur emploi… mais ce congé est sans rémunération !
Les programmes de l’enseignement secondaire, ainsi que le baccalauréat, deviennent identiques pour les filles et les garçons en 1924 : c’est un nouveau pas vers l’égalité.
En 1928, les femmes de la fonction publique ont droit à un congé de maternité de deux mois à plein traitement. Huit ans plus tard, en 1936, dans le gouvernement du Front Populaire de Léon Blum, trois femmes sont nommées sous-secrétaires d’Etat : Cécile Brunschvicg à l’Education Nationale, Irène Joliot-Curie à la Recherche scientifique et Suzanne Lacore à la protection de l’enfance. Cette décision fut une innovation et un paradoxe puisque les femmes, à cette époque, n’étaient ni électrices ni éligibles.

Devoir d’obéissance

Dans notre « belle France », le code Napoléon imposait un devoir d’obéissance de la femme envers son mari : cela fut aboli par une loi en 1938. La femme peut ainsi avoir une carte d’identité ou un passeport, ouvrir un compte en banque, s’inscrire à la faculté, passer un contrat pour ses biens personnel ou encore accepter une donation… sans l’autorisation de son mari, mais ils peuvent encore s’opposer à ce que les femmes exercent une profession.
Il faut attendre 1944 pour que les femmes obtiennent le droit de vote et soient éligibles. Cela a été possible grâce à l’ordonnance du 21 avril, signée par le Général de Gaulle, qui précise à l’article 17 : « Les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes ». Cette nouvelle avancée est liée à l’engagement des femmes dans les rangs de la résistance. Les femmes votent pour la première fois lors des élections municipales d’avril 1945.
Egalité entre les femmes et les hommes

C’est en 1946 qu’est inscrit dans le préambule de la Constitution Française le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines.

Les femmes votent pour la première fois en avril 1945

Malheureusement, nous ne pouvons que constater que, 70 ans plus tard, cela n’est pas encore effectif.
En 1947 Germaine Poiso-Chapuis est la première femme nommée Ministre de plein exercice sous la IVème république.
Ces premières avancées et conquêtes sociales pour les femmes au cours de la première partie du XXème siècle ont été timides et ne sont que quelques miettes d’égalité. Elles ont été obtenues grâce à l’acharnement d’autres femmes, mais l’histoire ne s’arrête pas là et même s’accélère…
La loi du 13 juillet 1965 qui modifie les régimes matrimoniaux est une date importante pour l’émancipation des femmes. Elle laisse plus de liberté aux épouses qui peuvent désormais exercer une profession sans autorisation préalable des époux et gérer elles même leurs biens propres.
Durant l’année 1967 deux grandes avancées voient le jour. La première est la proclamation de la Déclaration Universelle des droits de la femme par les Nations Unies. Il aura fallu attendre presque 20 ans pour que les femmes aient, elles aussi, une déclaration Universelle de leurs droits (la Déclaration Universelle des droits de l’homme ayant été adoptée en 1948). Comme l’écrit alors Jules Renard dans son journal : « Je crois qu’il est convenable, avant que de faire un enfant à une femme, de lui demander si elle le veut ». C’est chose faite avec la loi Neuwirth qui autorise la contraception : seconde grande avancée de cette année 1967.
Les années « seventies » ne sont pas en reste, avec en 1970 la création d’un congé parental d’éducation et la suppression de la notion de « chef de famille », au profit de l’autorité parentale conjointe. Cette même année, le congé maternité est indemnisé à 90 % par l’Assurance maternité.
En 1972 c’est le principe de l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes qui est inscrit dans la loi  : « à travail égal, salaire égal ».
A partir de 1973 la mère peut transmettre sa nationalité à son enfant.
1975 : la loi sur l’interruption volontaire de grossesse

La première femme qui est nommée secrétaire d’Etat à la condition féminine est Françoise Giroud en 1974. Un an plus tard, en 1975, Simone Veil fait adopter la loi qui porte son nom sur l’interruption volontaire de grossesses (IVG). C’est aussi cette année-là que la mixité scolaire est rendue obligatoire et que le divorce par consentement mutuel est instauré.
La loi Veil était en probation pour une période de cinq ans. En 1979 une nouvelle loi sur l’IVG rend définitive les dispositions de la loi de 1975, ce qui est une grande victoire pour les femmes.
Les années 80 ne furent pas sans apporter de nouvelles conquêtes pour les femmes. La première femme élue à l’Académie Française est Marguerite Yourcenar en 1980. Cette même année la loi contre le viol voit le jour. Le remboursement par la Sécurité Sociale de l’IVG est acté en 1982. La Ministre des droits des femmes, Yvette Roudy, fait adopter en 1983 la loi sur l’égalité professionnelle d’où est issu le Rapport de Situation Comparée (RSC).
Le congé d’éducation parentale est ouvert à l’un ou l’autre des parents salariés avec la loi de 1984. L’année suivante, en 1985, la loi relative à l’égalité des époux dans la gestion des biens de la famille et des enfants est votée.

La loi du 22 juillet 1987 institue l’autorité parentale conjointe, pour les enfants naturels ou de parents divorcés, ce qui est une nouvelle conquête pour les femmes.
Durant presque quatre-vingt-dix ans, la société Française a accordé de nouveaux droits aux femmes. Ces conquêtes sont le fruit de femmes et d’hommes ayant un regard moins sexué des rapports entre hommes et femmes. Heureusement ces conquis ne se sont pas arrêtés là et nous verrons dans un prochain Options que les années 90 et le début du XXIème siècle ont aussi apporté de nouveaux droits sociaux pour tendre vers plus d’égalité femme/homme.

La mixité scolaire est rendue obligatoire en 1975