Monopoly dans l’énergie : Stop ou encore ? Journée d’action du 3 nov. 20

 EDF découpée en morceaux, Engie sans l’eau et ses services… La CGT y oppose son Programme Progressiste de l’Energie avec en perspective leurs renationalisations. 

Avec la crise sanitaire et ses répercussions économiques, nombre d’entreprises sont sous perfusion. Mais cela n’empêche pas les grandes manoeuvres de se poursuivre : cessions/acquisitions sont légions dans le secteur de l’énergie. 

ENGIE demain = Gaz de France d’hier + Renouvelable ? 

A ENGIE, la financiarisation, toujours plus prégnante, se traduit par une vente à la découpe du groupe : 

 vente des parts détenues dans l’eau propreté, à la suite de l’Offre Publique d’Achat de Veolia sur Suez, 

 vente annoncée des services énergétiques et thermiques pour le premier trimestre 2021, 

 vente annoncée d’Endel (spécialiste métallurgie dans le nucléaire), 

 négociation en cours avec le gouvernement belge pour vendre Electrabel (et éviter de payer les coûts de déconstruction des centrales nucléaires). 

Les fonds de pension, Total… sont sur les rangs pour acheter les morceaux de choix de ces activités. 

Ne resterait finalement que l’activité de GDF (Commerce Electricité/gaz…) et sa partie réseau et infrastructures, ainsi que les renouvelables (EnR) : c’est-à-dire les activités les plus profitables, pour la plus grande joie des actionnaires, mais au désespoir des dizaines de milliers de salariés licenciés. 

Ce retour à l’activité historique de Gaz de France, avec des EnR en plus, ne serait pourtant pas un retour vers le passé, avant la fusion avec Suez. Car ce New Gaz de France serait très affaibli : le transport maritime de GNL a été cédé à Total et des activités de transport (GRT Gaz) et de distribution (GrDF) sont maintenant filialisées. Il est donc clair que cela n’augurerait rien de bon pour l’avenir du Groupe. L’État cherche depuis longtemps à vendre ses participations dans Engie (aujourd’hui 24%) ; cette stratégie financière, qui vise à vendre tout ce qui est possible, conduit à afficher de bons résultats virtuels et à faire remonter le cours de l’action. Cela au détriment d’une stratégie industrielle qui devrait avoir pour seul objectif la gestion de l’énergie sous l’angle du bien commun et du service public. 

La politique industrielle n’est, hélas, ni la préoccupation du Groupe ni celle de l’État. Il suffit pour cela d’observer les revirements incessants, à 180°, au gré des successions de dirigeants. Ainsi sous l’ère Mestrallet Engie achetait et revendait à tour de bras. Sous l’ère Kocher, c’était « tout pour les EnR et les Services », à marche forcée, au détriment du gaz naturel… mais pas trop quand même car cette énergie fossile constitue une bonne rente. Aujourd’hui, retour à la case départ avec Clamadieu…ce qui ne fera qu’affaiblir le Groupe. 

Le problème majeur de ces dirigeants et de l’État est en fait de ne penser la stratégie qu’au travers de critères financiers, sans vision industrielle : il n’y a donc pas de perspective d’avenir durable. 

EDF demain = un émiettement multicolore d’EDF ? 

La nouvelle version du projet Hercule de démantèlement d’EDF vise maintenant à scinder EDF en trois : le nucléaire (public) d’un côté, l’hydraulique en quasi régie d’un autre, et enfin tout le reste encore plus privatisé qu’aujourd’hui, avec une part majoritaire de l’Etat (au moins dans un premier temps). Les discussions se déroulent dans la plus grande opacité entre la Commission Européenne et le gouvernement français (la direction d’EDF est en appui). Mais « les fuites » nous conduisent à penser que ce serait encore pire qu’imaginé : une holding purement financière… 

Cela a de quoi inquiéter les salariés, pas du tout convaincus par la communication du PDG à destination de l’ensemble des managers. Derrière son ton faussement rassurant du type : « DORMEZ TRANQUILLE ON S’OCCUPE DE L’AVENIR (financier) DU GROUPE », personne n’est dupe… L’intégrité de l’entreprise, essentielle à son avenir, serait impossible. La nouvelle notion, mise en avant par le PDG, de « groupe intégré », ne serait qu’une holding qui intègrerait les comptes. Les différentes entités vivraient leur vie chacune de leur côté, sans aucune interaction entre elles et pourraient même se faire concurrence tout en étant cessibles du jour au lendemain : c’est une véritable hérésie ! 

C’est pourtant l’entreprise intégrée qui a fait le succès d’EDF depuis presque trois quarts de siècle. Cela lui permet aujourd’hui d’assurer le service public lors d’une pandémie ou après des tempêtes (par exemple, la Force d’Action Rapide du Nucléaire était aux côtés d’Enedis lors des intempéries dans le Sud-Est de la France). Quid demain ? 

Casser de beaux outils, qui ont fait leurs preuves, pour empocher quelques milliards d’euros à court terme ! 

Au travers d’une sorte de troc, en cassant le modèle EDF, l’Etat veut donner des gages de libéralisme à Bruxelles. Car pour les chantres de la concurrence, EDF ne serait pas assez libéral puisqu’encore détenu à 85% par l’Etat et la Caisse des Dépôts et Consignations. L’Etat et EDF en espèrent, en retour, une hypothétique réévaluation de l’ARENH (bradée 42€ aux concurrents d’EDF depuis une dizaine d’années). Revaloriser le prix de l’électricité produite par EDF lui donnerait les moyens financiers de mener à bien la transition énergétique inscrite dans la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) pour les 5 ans à venir, qui vise moins d’énergie pilotables (nucléaire) et plus d’énergies intermittentes (solaire et éolien). 

Mais ces énergies intermittentes nécessitent des investissements, pour les construire et les intégrer au réseau. Ces surcoûts sont payés par les usagers sur leur facture (part énergie et part transport – TURPE). Et donc, pour inciter les industriels à investir dans les EnR, l’Etat leur garantit des conditions très profitables : des prix garantis, stables et bien supérieurs aux prix de marché. Du coup tous les industriels (EDF, Engie, Total, Iberdrola…) se précipitent sur cet Eldorado. Ils vendent des activités historiques pour récupérer quelques Md € et investissent (sous couvert de greenwashing) dans les EnR. 

Rappelons que c’est cette même PPE qui a fermé Fessenheim et les centrales au charbon… et qui accentue le risque de coupures cet hiver par délestages. 

Cette future casse annoncée d’EDF ressemble à la séparation EDF/RTE 

Que reste-t-il de commun entre EDF et RTE (filiale à 50,1% d’EDF), mis à part le statut des IEG et la CCAS ? RTE vit sa vie indépendamment d’EDF… pour « garantir la non-discrimination de l’accès au marché ». Tout ce qui, par le passé était mutualisé, est aujourd’hui en doublon (achats, RH…) et c’est encore l’usager qui paye cette désoptimisation, alors qu’hier il bénéficiait de l’intégration EDF/RTE ! 

Dans le capitalisme moderne, un morceau d’entreprise peut valoir plus que l’ensemble ! 

Remémorons-nous ce qui s’est passé en Allemagne…. 

E.On a isolé ses activités de production dans une filiale, Uniper, ensuite cédée à Fortum (entreprise publique d’électricité finlandaise), pour ne conserver que les activités non exposées aux risques de marché : EnR, réseaux et fourniture. 

RWE a regroupé les activités « attractives » (EnR, réseaux, fourniture) dans une filiale créée en 2016, Innogy, qu’elle a mise en Bourse en conservant la majorité du capital. Paradoxe : la valeur de la filiale Innogy mise en Bourse était le double de celle de la Maison mère ! 

C’est ce schéma que visent le gouvernement, ENGIE et EDF : isoler ce qui rapporte, avec des revenus récurrents et sûrs, de tout ce qui est soumis au marché. Car les réseaux sont des sortes de péages qui voient plus ou moins toujours le même trafic (les consommations de gaz et d’électricité sont assez stables d’une année sur l’autre). Et les EnR (solaire, éolien) bénéficient d’un tarif de rachat garanti par un financement public de l’Etat, quel que soit le besoin… ce qui explique que les prix deviennent parfois négatifs quand la production est au-delà de la consommation. 

Dans cette période de crise, le capital raffole de ce qui est sûr et qui rapporte. Est-ce le modèle que l’on souhaite pour les années futures : une gouvernance des entreprises obsédée par la logique financière aux dépens de leur finalité et en contradiction avec leur raison d’être ? 

Ouvrir d’autres perspectives avec le PPE ! 

Face à cette PPE, coûteuse, dénuée de sens, imposée par le gouvernement, la FNME CGT oppose son PROGRAMME PROGRESSISTE DE L’ENERGIE : son PPE, électricité et gaz, pour des biens de première nécessité. Ce PPE est centré sur la réponse aux besoins des populations. Car d’année en année la précarité s’aggrave… et elle ne fera qu’augmenter si les prix des énergies s’envolent. L’aspect social de la transition énergétique est donc primordial. Pour aboutir à des énergies accessibles, il est impératif de les sortir du marché pour en contrôler les prix. Le PPE de la CGT fait donc une large place au service public, il prône la diminution des taxes avec un droit à l’énergie des usagers fondé sur des tarifs réglementés, sur la péréquation. Il n’oublie pas les salariés en leur proposant des emplois durables, en ré-internalisant nombre d’emplois aujourd’hui sous-traités, à l’intérieur de différents EPIC, en ayant pour perspective de les nationaliser à terme. 

C’est cette vision du futur du secteur de l’énergie que porte la CGT et qui est soumise à débat auprès des salariés, de la population, des élus. 

La responsabilité professionnelle et le droit d’expression des ingénieurs, cadres et techniciens (ICT) doivent être réhabilités. Leur rôle ne doit pas être limité à un devoir de « loyauté » aux directives financières des entreprises. 

Le 3 novembre sera une première étape pour construire un autre avenir dans le secteur de l’énergie. Pour viser un service public au service du progrès social. 

 

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