Une menace sociale et démocratique pour la France, à sanctionner lors des élections européennes du 9 juin.

L’extrême droite, aujourd’hui, dirige ou fait partie de 5 gouvernements en Europe (Italie, Finlande, Hongrie, République Tchèque, Slovaquie) et participe aux majorités parlementaires en Suède. À la veille des élections européennes, les sondages lui donnent la première place (avec 37 % en France !) ou à la seconde dans 17 des 27 États membres. Cette montée alarmante de l’extrême droite dans le paysage politique français interpelle tous les acteurs sociaux, et en premier lieu la CGT. Frédéric Tronche, membre de la CE de l’Ugict-CGT et de la commission confédérale contre les idées d’extrême droite, partage son analyse et ses inquiétudes avec Options

Options: Comment expliques-tu cette montée très inquiétante?

C’est en relation avec les politiques néolibérales et leurs effets catastrophiques, le développement du chômage et de la précarité, la baisse du pouvoir d’achat, le démantè­lement galopant des services publics et de la protection sociale, la restriction des possibilités, déjà limitées, d’as­cension sociale et la concentration des richesses dans les mains d’une élite. Le discours du RN a rencontré une audience grandissante en exploitant cette peur et cette an­goisse basées sur un profond sentiment d’insécurité et de dégradation de l’environnement matériel et social

Un écart significatif entre le discours populiste du RN et les mesures qu’il soutient effectivement

Pourquoi la CGT parle-t-elle d’imposture sociale?

Ce que dit l’extrême droite sur les plateaux télé et ce que ses représentants (18 RN et 1 Reconquête) votent au Parlement européen ou à F Assemblée nationale est complètement différent. Car les votes effectifs sont sys­tématiquement contraires aux intérêts des salariés et des agriculteurs. La CGT veut donc rétablir la vérité pour que chacune et chacun puisse voter en toute conscience.

  • Politique Salariale : Lors de l’émission “Questions Politiques” sur France Inter, le 12 mars 2023, Jordan Bardella, président du Rassemblement National, déclare “Il faut augmenter les salaires”. Or,les députés du RN ont voté contre un amendement qui a été déposé et discuté dans le cadre du projet de loi pour la protection du pouvoir d’achat le 20 juillet 2022. Cela visait à augmenter le salaire minimum (SMIC) à 1 500 € net mensuel (contre 1 329 € actuellement). Le RN a également voté contre l’indexation des salaires du secteur privé sur l’inflation, alors que cette mesure est déjà mise en place dans des pays comme la Belgique. Selon les auteurs de l’amendement, l’introduire en France serait faisable et permettrait d’augmenter les salaires rapidement. L’extrême droite a également « oublié » de voter pour le rétablissement de l’impôt sur la fortune…
  • Sécurité Sociale : Le RN a rejeté les propositions visant à augmenter les contributions des plus riches pour financer la Sécurité Sociale, préférant une réforme qui allège les cotisations des employeurs, au détriment des garanties sociales des employés.
  • Retraites : Le RN a proposé de supprimer les comptes de pénibilité, une mesure qui aurait pénalisé les travailleurs exerçant des métiers physiquement exigeants.
  • Logement Social : L’extrême droite a poussé pour réduire le nombre de logements sociaux disponibles et a milité pour l’instauration de la « préférence nationale » dans l’attribution des logements : une politique discriminatoire vis-à-vis des « non-citoyens français ».
  • Droits des Travailleurs et Représentation Syndicale : Le RN a manifesté une hostilité ouverte envers les syn­dicats en proposant des amendements pour restreindre la représentation syndicale dans les entreprises. Un exemple significatif : la proposition d’interdire aux tra­vailleurs étrangers de participer aux élections profes­sionnelles, ce qui constituerait une atteinte directe aux droits des travailleurs immigrés.
  • Services Publics : L’extrême droite a voté contre plusieurs mesures destinées à renforcer les services publics, notamment en s’opposant à l’augmentation des financements pour les écoles et les hôpitaux. Elle a également soutenu la privatisation de certaines fonctions publiques, ce qui contraste avec son prétendu engagement envers le bien commun.

Un soutien clair du RN pour favoriser les intérêts économiques des entreprises et des plus aisés

Ces quelques exemples de prises de positions à l’Assemblée Nationale montrent une tendance claire de l’extrême droite à soutenir des politiques qui favorisent les intérêts économiques des entreprises et des plus aisés, tout en négligeant ou en affaiblissant les protections pour les salariés et les moins fortunés.

Une réalité législative qui contraste fortement avec l’image que tente de promouvoir le RN

De plus, l’extrême droite soutient un modèle familial tra­ditionnel et se positionne contre la revalorisation des pe­tites retraites en proposant des mesures qui renforcent les inégalités entre les sexes : elle s’est opposée au déblocage d’un milliard d’euros pour lutter contre les violences faites aux femmes.

L’extrême droite c’est un masque social devant les caméras et un vote anti social dans les parlements

La CGT n’outrepasse-t-elle pas son rôle syndical en s’opposant aussi frontalement contre l’extrême droite?

Le Code du travail stipule que les syndicats défendent les droits et les intérêts (professionnels, sociaux, économiques) des salariés. C’est donc au regard du projet politique agressif que porte l’extrême droite à l’encontre des salariés que la CGT s’oppose à elle. Et ce n’est pas nouveau, ainsi en février 1934, suite à une tentative de renversement de la République par l’extrême droite, les militants de la CGT, lors d’une manifestation unitaire (SFIO, PCF…), ont opposé un front uni face à ce fléau. Qui plus est, la CGT n’est pas isolée dans ce combat, car face à la montée de forces politiques anti syndicales qui vont à l’encontre des salariés, la Confédération Européenne des Syndicats (CES) mène aussi ce combat. Une résolution de la CES, adoptée les 3 et 4 juin 2021, se propose d’élaborer au niveau européen une réponse syndicale face à la montée de l’extrême droite, basée sur le constat que « tout oppose syndicats et extrême droite ». La CES définit dans une feuille de route un plan d’action en 15 points mis en œuvre entre septembre 2021 et septembre 2022. Ce travail est d’autant plus nécessaire que des dérives d’organisations syndicales, membres de la CES, peuvent se produire. Tel est le cas du syndicat Solidamosc, en Pologne, qui, dans ses publications en français, prend fait et cause pour Marine Le Pen !

La CGT est la plus ancienne organisation antifasciste qui a toujours fédéré contre les projets sociaux dévastateurs de l’extrême droite

La montée de l’extrême droite est non seulement une menace pour les droits des travailleurs, mais également pour la démocratie. Leur rhétorique exploite les peurs, distille un discours sécuritaire et autoritaire qui menace les libertés fondamentales et promeut une exclusion ba­sée sur l’origine et la condition sociale. La CGT, fidèle à ses valeurs, lutte et continuera de lutter contre ces idées nauséabondes, en défendant les intérêts des salariés et en s’opposant à toute forme de discrimination et d’exclusion. « Nous devons nous battre, valeurs contre valeurs, idées contre idées », conclut Frédéric, soulignant l’urgence d’un front uni contre l’extrême droite.

« Nous devons nous battre, valeurs contre valeurs, idées contre idées »

Réagir

Votre mail ne sera pas publié.