[Options n°645 – mars 2019] Comment porter le flambeau de l’égalité femmes-hommes sur les lieux de travail lorsque, dans sa propre organisation syndicale, l’égalité demeure une course de fond ?
Marie Guillot, Marie Couette, Madeleine Colin, Christiane Gilles, ces noms de militantes CGT, actives du début à la fin du XXème siècle, ne vous disent sans doute rien. C’est que la part des femmes dans les luttes sociales est toujours invisible. Chercheur.euse.s, historien.e.s les ignorent pour une large part et, les syndicalistes aussi. Si la CGT s’implique dans le mouvement féministe, développe un discours féministe, elle réserve encore une portion congrue aux femmes. En témoigne le Rapport de Situation Comparée (RSC), cinquième du genre, entre les femmes et les hommes de la CGT (1), présenté le 7 février dernier dans le cadre d’une journée confédérale La CGT c’est nous, c’est elles, organisée par le collectif femmes-mixité.
Pratiquement une nouvelle adhésion CGT sur deux est une femme
« L’évolution de la part des femmes syndiquées continue sa progression puisqu’elle était de 35 % en 2009 et dépasse 38 % en 2018. […] La part des femmes dans les nouvelles adhésions a augmenté de près de 4 points ; elle est à 49 %, soit pratiquement une adhésion sur deux […]. La syndicalisation des femmes à la CGT est toujours inférieure de plus de 10 points à leur présence sur le marché du travail (48,2 % de femmes en emploi) et à la parité… »(1).
« Femmes, la CGT, vous la voulez comment ? »
Concrètement, « la part des femmes au Comité Confédéral National (24,8 %) est encore bien en dessous de leur « juste » représentation au sein de la CGT (38,1 %) et a fortiori dans le salariat (48,2 %). Pour ce qui est des équipes de direction de toutes les organisations, la part des femmes dépasse en moyenne le tiers. Dans les Unions Départementales (UD), organisations interprofessionnelles, on est même entre 33 et 36 % mais dans les fédérations, on atteint tout juste le cap du tiers… » (1). Dans une seule fédération aujourd’hui, les femmes sont totalement absentes (Bureau et Commission exécutive). Aucune femme ne siège au Bureau de 6 fédérations sur 33. « Le nombre de femmes secrétaires générales de fédérations a légèrement augmenté (18,2 %) : elles étaient 5 en 2017 et 6 en 2018. En revanche, la part des femmes secrétaires générales d’UD a légèrement diminué (25 en tout) et leur part à la tête des comités régionaux est stable (6 en tout).»(2)
Mais, quelles sont les aspirations des militantes de la CGT en matière d’égalité des droits. C’est pour commencer à répondre à cette question que le collectif confédéral femmes-mixité a lancé une consultation en direction des femmes syndiquées et non syndiquées, salariées ou chômeuses. Mieux cerner leurs attentes, identifier les obstacles à franchir dans leur vie professionnelle, mesurer leur intérêt pour ce thème mais aussi, capter leur point de vue quant aux actions à entreprendre par la CGT pour atteindre l’égalité réelle, tels sont quelques-uns des objectifs de cette consultation intitulée « Femmes, la CGT vous la voulez comment ? »(3). Plus de 7 000 réponses ont été exploitées (5 600 de syndiquées et 1 460 de non syndiquées).
L’égalité : une exigence
66 % des répondantes syndiquées et 58 % des non syndiquées se disent féministes mais seulement 44 % de syndiquées qualifient la CGT d’organisation féministe. Dans leurs parcours de syndiquées, elles sont 84 % à estimer avoir rencontré des difficultés pour mener de front activités professionnelle et syndicale ; 68 % pour assumer militantisme et vie de famille. 60 % avouent des difficultés en tant que femme dans un univers masculin et 43 % ont rencontré des problèmes liés au sexisme au sein de la CGT. La consultation CGT révèle également que la préoccupation première, pour les syndiquées comme les non syndiquées, reste l’égalité salariale à hauteur respectivement de 85 % et 81 %.
L’égalité salariale : 1ère préoccupation des femmes
De façon générale, l’égalité s’est hissée à la hauteur d’une exigence pour les femmes comme pour les hommes au sein de l’opinion. Une étude Harris interactive réalisée en ligne entre le 28 et le 30 août 2018 le démontre pleinement(3). Elle démontre aussi qu’aux yeux de l’opinion, les syndicats, s’ils sont toujours perçus comme vecteurs d’intervention pour améliorer la situation, passent tout de même loin derrière l’entreprise et les pouvoirs publics lorsqu’il s’agit de lutter contre les inégalités dont les femmes sont victimes (voir graphique). On note qu’aux yeux des salarié.e.s, l’entreprise est devenue une sorte de deus ex machina qui surpasse l’Etat et la loi dans sa capacité d’intervention. Une raison de plus de faire de l’égalité professionnelle, une priorité revendicative pour la CGT.
1. Rapport de situation comparée entre les femmes et les hommes de la CGT. Collectif femmes-mixité. Février 2019. Données recueillies et analysées par Aïda Benkirane, Camille Hecquet, Valérie Lamoot et Rachel Silvera.
2. « Femmes, la CGT vous la voulez comment ? ». Consultation nationale réalisée entre le 12 novembre 2018 et le 20 janvier 2019.
3. Harris interactive. L’Observatoire de l’égalité femmes-hommes. Thème 1 : l’égalité femmes-hommes dans la vie professionnelle. Septembre 2018. http://harrisinteractive.fr