Règlement Intérieur, Charte éthique, Décrypter pour se protéger

#droitd’expression

Les chartes éthiques fleurissent dans les groupes et les entreprises qui égrènent les valeurs et les comportements à adopter et ceux à proscrire. Les règlements intérieurs (RI), qui portaient surtout sur la santé et la sécurité, vont souvent plus loin en intégrant tout ou partie des chartes éthiques. Le contenu de ces chartes peut apparaitre comme une évidence (ne pas frauder, ne pas tricher), mais il cache une démarche dangereuse pour les salariés : par l’emprise idéologique exercée (ces valeurs ne sont pas discutées) et par le transfert de responsabilités induit. Conséquence : ces dispositifs encadrent à tel point la vision des salarié·e·s que leur expression s’en trouve très souvent muselée, voire bâillonnée.

Une responsabilité transférée au salarié

La charte ne vise pas à éviter les dérives non éthiques. Elle vise à éviter des risques juridiques pour les groupes et pour les actionnaires. En affichant les principes et en faisant signer ces engagements, l’employeur rejette ses responsabilités sur les salarié·e·s.
Un prestataire malhonnête, un fournisseur peu respectueux, l’utilisation d’un produit dangereux, un problème de sécurité : ce n’est plus l’entreprise et ses procédures qui sont à mettre en cause mais, l’ingénieur.e, le·la manager·euse, l’acheteur·se, le ou la responsable sécurité qui commet une faute individuelle. Ce report de responsabilité renforce le caractère dangereux des délégations de pouvoir. Il transfère des responsabilités supplémentaires, sans donner de moyens complémentaires, sur les salarié·e·s. La jurisprudence rappelle pourtant que le ou la salarié·e qui reçoit la délégation doit être pourvu de l’autorité, de la compétence et des moyens nécessaires.

Le contenu de ces chartes peut apparaitre comme une évidence (ne pas frauder, ne pas tricher), mais cache une démarche dangereuse pour les salarié·e·s

Respecter l’éthique : définir des règles

En plaquant des règles qui ne sont pas déclinées et codifiées dans chaque activité, la charte vise bien à renvoyer la responsabilité sur l’individu. Les risques sont souvent difficiles à apprécier et surtout ils résultent de processus qui devraient être gérés collectivement par l’entité. Impossible d’accepter, dans la charte Engie, qu’« exécuter un ordre non éthique engage la responsabilité de l’ordonnateur et de l’exécutant » et dans celle d’EDF, que « le cadre est responsable pour un prestataire qu’il fait travailler ».
L’objectif ne peut être atteint qu’en étudiant l’activité, les risques éthiques et les moyens de s’en protéger. En tout état de cause, ces prescriptions éthiques n’ont rien à faire dans un règlement intérieur qui a une valeur réglementaire et peut donner lieu à des sanctions disciplinaires.

Pour un contrôle collectif de ces outils

C’est pourquoi l’Ufict-CGT plaide pour des dispositifs de contrôle collectif fondés sur :

  • Une négociation de la charte avec les organisations syndicales, incluant des valeurs telles que l’amélioration du travail collectif (plutôt que la responsabilité individuelle), la recherche d’amélioration des processus (plutôt que la menace) et la solidarité (plutôt que la mise en opposition).
  • La mise en place de commissions incluant des représentants du personnel pour traiter les alertes.
  • L’obligation dans toutes les unités d’effectuer une analyse des risques spécifiques et de fixer les règles adéquates à respecter, de formaliser le traitement d’une alerte, de préciser les conséquences pour l’activité. Les salarié·e·s sont en droit de demander ce qui est interdit, autorisé, ce qui est à modifier et de bénéficier d’un dispositif de traitement lorsqu’un membre de l’équipe alerte sur un risque.

Les cadres responsables hiérarchiques ont tout intérêt, d’une part, à faire de même avec leur propre hiérarchie et, d’autre part, à faire ce travail de proximité avec leurs propres équipes ; ainsi, ils les protègent réellement d’éventuelles erreurs (et sanctions), font remonter les cas difficiles tout en refusant de relayer une vision culpabilisatrice.

  • La présentation à intervalle régulier aux représentants du personnel des règles de risques adoptées dans les entités.
  • La présentation d’un compte rendu non nominatif des alertes remontées et de leur traitement.

Ces propositions permettraient de traiter réellement les questions éthiques tout en protégeant les salariés.

Réagir

Votre mail ne sera pas publié.