SYSTÈME DE CLASSIFICATION-RÉMUNÉRATION : QUELLE PLACE POUR LA RÉMUNÉRATION VARIABLE ?
Les précédentes fiches de l’Ufict ont montré l’importance d’un système de classification-rémunération transparent et dynamique, permettant de rémunérer la qualification de chaque salarié.e à sa juste valeur et d’assurer une progression de carrière.
Jusqu’ici il n’était question que de la rémunération fixe, dite aussi « principale ».
Mais depuis une vingtaine d’années, une autre forme de rémunération s’est développée : la rémunération dite « variable ». Elle a tout d’abord concerné essentiellement les cadres, puis a pris une part de plus en plus importante au fil des ans, pour ensuite s’étendre aux agents de maîtrise. Aujourd’hui dans certaines entités, les agents d’exécution sont eux aussi concernés. Celle-ci peut, selon les entreprises et les collèges, aller de 0 à 20% de la rémunération fixe soit
jusqu’à trois mois de salaires1, entraînant de fait des écarts grandissants entre
agents et entre collèges.
Cette forme de rémunération interroge : quels sont les objectifs des employeurs ? Quels intérêts ou au contrairequels dangers pour les salarié.e.s ? Quelles alternatives et quelles propositions faire ?
Le salaire variable, pourquoi ?
Le salaire variable se trouve justifié par ses défenseurs comme une nécessité pour inciter les salariés à améliorerleur engagement et pour récompenser les meilleurs.
La réalité est toute autre.
Une incitation à s’engager ?
– Plusieurs théoriciens du management ont montré que le salaire variable n’avait pas d’effet de longue durée. Toute somme versée supplémentaire est considérée très rapidement comme acquise et donc toute diminution est considérée comme une sanction, pouvant conduire au contraire à une démotivation. Il y a donc un effet « cliquet » qui conduirait à toujours verser plus pour obtenir un effet d’engagement tangible. Bref, en dehors de métiers très spécifiques (vendeurs, traders par exemple), les variables sont distribués de façon très lissée et très peu « variables ».
– Par contre, il est clair que la possibilité de se voir retirer ce complément de salaire agit comme un levier de soumission très important. L’enjeu du variable pour l’employeur n’est donc pas tant de doper l’engagement que d’obtenir une population docile.
Et on peut penser a contrario que cette forme de rémunération à un effet contraire sur le dynamisme dessalarié.e.s de l’entreprise : moins d’initiative, non remise en cause de la hiérarchie et non remise en cause des stratégies d’entreprises.
Si ce type de rémunération n’est pas justifiable par l’argument de l’incitation, il est par contre un moyen de rétorsion très efficace.
Une variabilité dans quels cas ?
– Le variable est donc, en situation normale, très peu fluctuant individuellement, sauf pour sanctionner des salarié.e.s.
– Mais il peut être variable « collectivement ». L’employeur n’a pas le droit de baisser les salaires fixes en fonction des résultats ou de la santé de l’entreprise. En revanche, il a trouvé une parade par le biais du salaire variable. Dans certaines entreprises des IEG, la masse salariale affectée pour l’année au variable dépend d’objectifs globaux (de façon souvent opaque), taux qui peut et a déjà baissé sur certaines périodes.
– Ainsi, le variable est un outil d’ajustement salarial en fonction des résultats de l’entreprise. Il est un autre avantage pour les employeurs puisque ce variable est soumis à moins de cotisations sociales (c’est-à-dire à un moindre financement de la Sécurité Sociale) A contrario, les salarié.e.s collectivement, sont perdants.
Pour l’Ufict CGT, le variable est donc doublement nocif
Au final, le variable est un moyen de rétorsion individuel et d’ajustement salarial : ce sont des objectifsd’employeurs et non de salarié.e.s. Ces dernier.e.s n’ont aucun intérêt ni à être soumis à une épée de Damoclès, nià voir baisser leur rémunération en cas de moins bons résultats financiers de l’entreprise.
Quelle incitation et quelle récompense s’il n’y a pas de variable ?
Se pose une question : s’il n’y a pas de variable, comment différencier les rémunérations en fonction des résultats, des efforts accomplis, des mérites ? Comment reconnaître l’engagement ?
Dans le système de classification-rémunération actuel, mais dévoyé par les employeurs, il existe trois moyens d’agir en ce sens :
Une récompense individuelle pour le travail accompli : les avancements au choix.
Les avancements aux choix, ou « augmentations individuelles », ont précisément comme fonction derécompenser le travail accompli. Il doit être attribué de la façon la plus objective possible :
– Analyse partagée du travail, des résultats lors de l’entretien individuel
– Vérification de la non discrimination par la CSP
Une reconnaissance de la progression de la qualification
Le gain de GF dans le cadre de l’appréciation du professionnalisme (ADP) est lié à la reconnaissance par l’employeur de la meilleure maîtrise de son poste par l’agent.e, meilleure maîtrise liée à l’expérience et à la formation continue. Il « récompense » ainsi les agent.es qui ont progressé en qualification de par leur engagement professionnel.
La transparence des « reclassements » doit être assurée sur la base des outils de description de la classification et du référentiel des pratiques professionnelles (RPP) qui permettent de juger de la progression effective (ce n’est pas le cas aujourd’hui) et par la vérification en Commission Secondaire du Personnel.
Une progression de carrière
L’agent.e peut postuler sur des postes à plus grande responsabilité. Le fait d’être retenu constitue là aussi une reconnaissance de sa qualification acquise. Mêmes remarques sur la transparence que ci-dessus.
Les moyens de reconnaissance existent donc bien dans notre système de classification-rémunération :
– Ils permettent de faire progresser la rémunération en fonction du travail et de la qualification de l’agent.e.
– Ils permettent de faire fonctionner l’entreprise efficacement : l’engagement, l’expérience et la formation vontbénéficier à l’agent.e sous forme de
classement et de rémunération supérieurs, mais aussi à l’entreprise sous forme d’investissement dans la pyramide hiérarchique.
Les salarié.e.s ont intérêt à la diminution voire à la suppression duvariable
Il n’y a donc pas de nécessité d’avoir en plus recours à la rémunération variable. C’est pourquoi la CGT propose d’en faire un des sujets de la négociation qui va s’ouvrir :
– Supprimer, ou au moins réduire, la place du variable ; ce redimensionnement doit avoir comme contrepartie l’augmentation du pouvoir d’achat de la grille de rémunération. Il ne s’agirait pas d’une compensation individuelle mais d’une compensation globale (revalorisation de la grille) en veillant à ce que tout le monde ygagne (voir nos propositions concernant la grille de rémunération). Cette mesure apporterait une plus grande sécurité dans le temps (pas de risque de baisse, prise en compte dans le calcul de la retraite) et une moindre pression de l’arbitraire.
– S’il reste une part de variable, il est nécessaire de clarifier les règles de distribution et de rendre transparent le mode de calcul, conformément d’ailleurs à la loi, souvent peu respectée en la matière : définition précise des objectifs, entretien contradictoire sur les résultats avec possibilité de recours et éventuel appui d’un représentant du personnel, règle de proportionnalité objectifs atteints-prime, contrôle du dispositif d’entretien- notation-attribution du bonus ainsi que de la masse salariale distribuée (évolution, répartition par niveau de classement, répartition femmes- hommes …) par le CSE.
L’Ufict lance le débat
Il s’agit d’une question à la fois de fond (qu’est-ce que le déroulement de carrière ? Qu’est-ce que la rémunération de l’engagement ?) mais aussi de forme car technique (les risques du variable, la difficulté de la modification d’une structure de rémunération). Il s’agit d’un sujet qui questionne directement le mode de rémunération et de déroulement de carrière que nous voulons : quelle dynamique ? Quelle sécurité ? Quelle transparence ?
Les représentants de l’Ufict vous solliciteront pour avoir vos réactions, vos analyses, vos propositions. N’hésitez pas à réagir
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