TotalEnergies et la « transition juste » juste une illusion ?

ÉDITO

Par la voix de la Confédération Syndicale Internationale (CSI)*, les syndicats du monde entier, à la suite du Forum syndical international des transitions écologiques et sociales, ont averti les dirigeants mondiaux présents à la COP26 à Glasgow en octobre 2021 que l’absence de transition juste pour réduire les émissions de mesures mondiales de gaz à effet de serre menaçait la stabilité économique et politique. Le 2 février dernier, la commission européenne annonçait la création d’un label “vert” dans sa taxonomie, classifiant ainsi le gaz et le nucléaire comme énergies “durables” en matière d’investissement. Du pain bénit pour le capitalisme financier et le groupe TotalEnergies qui pourra toujours asseoir sa politique de génération de cash et de distribution de dividendes sur les revenus de l’énergie carbonée tout en profitant allègrement des mannes publiques liées au label “vert”. Ce tour de passe-passe est le fruit d’un lobbying actif, appuyé par des “think tanks” et par certaines personnalités issues du monde syndical. La CGT ne mange pas de ce pain-là !

* https://www.ituc-csi.org/global-shifts

#Transition Écologique Et Sociale

 

A l’issue d’un Forum Syndical International des Transitions Écologiques et Sociales, plus de 140 organisations de tous les continents ont adressé un appel pour une transition juste et solidaire :

« 1. La voix des travailleuses et travailleurs qui s’expriment sur les défis auxquels ils sont confrontés dans leurs vies de salariés comme de citoyens, doit être entendue. C’est en partant du lieu de travail, des connaissances et savoir-faire de celles et ceux qui produisent, que nous parviendrons à construire des plans de transitions écologiques et sociales qui respectent l’humain comme la planète. Nous devons nous appuyer sur les connaissances de tous les travailleurs, y compris les femmes et les jeunes travailleurs qui sont actuellement marginalisés sur le lieu de travail. Nous exigeons une transition juste, préventive, incluant les travailleuses et les travailleurs dans les processus de décisions.

2. Le rôle, l’impact, le poids et le cynisme des multinationales face à l’urgence écologique et sociale, souvent en connivence avec les gouvernements, sont un obstacle fondamental à la mise en place d’une transition sérieuse. La lutte contre le changement climatique est illusoire sans une propriété publique des ressources et de l’énergie et de leurs gouvernances et contrôle démocratiques. Il est essentiel de porter le mot d’ordre d’une maîtrise publique de la production et des activités qui ont un impact sur l’environnement, et ce afin de préserver l’intérêt général.

3. La crise écologique mondiale implique et touche tous les secteurs de notre économie et de notre système productif, approfondissant les inégalités existantes et faisant payer le prix le plus lourd aux plus précaires d’entre nous. C’est à la sphère publique de planifier une réponse globale, d’anticiper les changements et reconstructions à opérer. Ces changements doivent s’opérer au niveau mondial, avec comme objectif la justice et l’égalité réelle entre les peuples.

4. Les luttes des travailleuses et travailleurs pour protéger la planète se joignent à celles contre les gouvernements libéral-autoritaires et néofascistes. Ces unions dans la lutte sont la démonstration qu’il ne pourra pas y avoir de changements de cap sans un renouveau démocratique. Luttes pour la démocratie et luttes pour le progrès social et environnemental sont intrinsèquement liées et sont portées de front par nombre d’organisations sur tous les continents.

5. Le travail se situe au centre de l’équation de la nécessaire transition écologique et sociale. Une réelle transition doit garantir à celles et ceux qui perdent leurs emplois aujourd’hui qu’ils puissent en trouver un demain d’une qualité égale ou supérieure. Cela implique de rééquilibrer les arbitrages qui prévalent actuellement, notamment dans le commerce international, afin de rendre effectives les normes environnementales et sociales globalement absentes, et d’imposer des critères de conditionnalité strictes aux plans de relance à travers le monde. […]

Retrouvez l’intégralité du texte de l’appel en suivant le lien : https://www.cgt.fr/sites/default/files/2021-08/Bilan%20forum%20inter%20des%20transitions.pdf

Le travail entrepris lors de ce forum ne s’arrête pas là.

Face au lobbying des tenants du capitalisme vert, la lutte promet d’être encore longue pour qu’advienne enfin une alternative écologique, sociale et démocratique.

 

TotalEnergies green-washing no limit

 

Les exemples du positionnement ambivalent du Groupe en matière de développement des énergies renouvelables et de préservation de la planète ne manquent pas. Citons trois exemples :

• La conversion de la raffinerie de La Mède en dépôt de biocarburant a suscité un débat lorsqu’en septembre 2019, faisant suite à une proposition de loi visant à supprimer les avantages fiscaux pour les biocarburants à base d’huile de palme, le PDG du groupe avait plaidé sa cause devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale, allant jusqu’à menacer d’en “tirer les conséquences, y compris sur les futurs investissements dans le pays.”

Rappelons que la culture d’huile de palme, et notamment en Indonésie, se pratique sur des sols gagnés grâce à une déforestation d’ampleur.

• Plus récemment, la conversion de la raffinerie de Grandpuits en « plateforme zéro pétrole », accueillant notamment recyclage et production de plastique à partir de matières végétales, a été l’objet d’un lancement en grande pompe.

Outre le fait qu’agrocarburants et biomasse soient sujets à controverse quant à leur impact sur le dérèglement climatique, la transformation de Grandpuits et de La Mède consiste avant tout à délocaliser les activités de raffinerie dans des pays moins disant sur les salaires et les normes.

• Autre sujet à polémique, l’oléoduc de Tilenga, dont l’implantation en Ouganda et en Tanzanie est contestée en justice par des ONG qui dénoncent la violation des droits humains et environnementaux…

 

On le voit, le “green-washing” du Groupe TotalEnergies ne connaît pas de limites. Il n’hésite même pas devant la plus basse démagogie en tentant de faire oublier l’annonce de profits colossaux à coup de grâcieuses ristournes envers une population déclassée et marquée par l’envolée des prix du carburant et de l’énergie, affichant une santé insolente alors que de nombreux autres secteurs économiques ont été durement touchés par la crise sanitaire.

Et que dire des campagnes de collecte de déchets ou de la politique « zéro plastique » aux restaurants d’entreprise qui drapent à peu de frais les salariés de TotalEnergies en hérauts de la planète?

Il est regrettable que certains acteurs politiques, associatifs ou syndicaux fassent le choix d’accompagner une politique de communication qui vise surtout à verdir le blason d’une “Compagnie” toujours assise sur le même principe directeur : générer toujours plus de liquidités pour rémunérer la sphère financière, capter le plus de financement public possible et choisir ses axes de développement en conséquence, optimiser ses coûts de fonctionnement en délocalisant à tout va, en se soustrayant aux normes et aux conditions sociales les plus contraignantes…

Dérégulation de l’économie et dérèglement climatique sont les deux faces d’une même pièce.

Pour la CGT, développement environnemental et social vont de pair. Ils nécessitent une rupture avec le modèle économique basé sur le courtterme, la prédation des ressources, tant humaines que minières, et la pression du retour aux investisseurs.

L’énergie est un bien commun qui doit être soustraite à la spéculation et placée sous un contrôle citoyen.

 

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