Pilier de la justice sociale au travail, elle s’impose comme un enjeu majeur
Dans un contexte où les inégalités et les discriminations salariales persistent, une information claire et accessible sur les rémunérations est absolument nécessaire. Pourtant, cette quête de transparence, portée par les salariés et les organisations syndicales, se heurte encore aux réticences de nombreux employeurs. Mais le vent est en train de tourner, et la transparence salariale s’affirme progressivement comme une norme incontournable.
Du tabou à la norme… en juin 2026
Longtemps considéré comme un sujet tabou en France, parler de salaire devient peu à peu chose courante. Une récente étude révèle que 52 % des salariés français n’hésitent plus à aborder le sujet, les jeunes générations étant les plus enclines à briser ce tabou.
52 % des salariés français n’hésitent plus à parler de salaire
Cette tendance s’inscrit dans un contexte législatif en pleine mutation car l’adoption en mars 2023 de la directive européenne sur la transparence des rémunérations marque un tournant décisif, et d’ici juin 2026 la France devra transpose cette directive dans son droit national, ce qui imposera aux entreprises de nouvelles obligations en la matière.
Un puissant levier pour lutter contre les inégalités et les discriminations au travail
L’enjeu est de taille car la transparence salariale est un puissant levier pour lutter contre les inégalités et les discriminations au travail. En mettant en lumière les écarts de rémunération injustifiés, elle pousse les entreprises à les corriger et renforce le pouvoir de négociation des salariés afin de revendiquer une rémunération équitable.
Le cas particulier des IEG
Dans le secteur des Industries Électriques et Gazières (IEG), la transparence salariale revêt une importance particulière. Les Commissions Secondaires du Personnel (CSP), instances paritaires uniques à ce secteur, jouent un rôle crucial dans le contrôle social du déroulement de carrière des agents. Ce pendant, malgré ce dispositif spécifique, l’accès aux informations salariales reste un point de tension récurrent entre employeurs et représentants du personnel. Car les entreprises des IEG, soucieuses de conserver une marge de manœuvre dans leur politique salariale, cherchent souvent à limiter la communication de ces données, invoquant la protection des données personnelles ou la confidentialité. Cette résistance se traduit notamment par un refus de transmettre aux membres des CSP certaines informations.
L’affaire opposant Enedis-GRDF à des représentants syndicaux de la CSP Sud 7 (DR Auvergne) illustre parfaitement ces tensions. En janvier 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a ordonné aux entreprises de transmettre aux membres de cette CSP un état préparatoire complet des avancements individuels (état préalable aux propositions d’augmentation). Cette décision, confirmée en grande partie par la cour d’appel de Versailles en novembre 2022, marque une victoire importante pour la transparence salariale dans cette branche professionnelle. La cour a notamment reconnu la nécessité pour les CSP d’avoir une vision globale de la population salariée pour remplir efficacement leurs missions.
Hors IEG : un cadre légal en construction
Dans les autres secteurs d’activité, la transparence salariale progresse à travers des dispositifs comme l’index égalité professionnelle. Cet outil, loin d’être parfait, a tout de même le mérite d’imposer aux entreprises de plus de 50 salariés de calculer et de publier chaque année un index mesurant les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.
Mais la CGT juge cet index insuffisant, car il ne concerne qu’une partie des entreprises, ne prend pas en compte tous les éléments de rémunération et ne prévoit pas de sanctions assez dissuasives en cas de non-respect.
D’ici juin 2026, la France devra transposer la directive européenne qui marque un tournant décisif
La CGT milite donc pour un renforcement de la directive européenne sur la transparence des rémunérations. Elle propose notamment de rendre l’index égalité professionnelle obligatoire pour toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, d’élargir les critères pris en compte pour le calcul des écarts de rémunération, et qu’elle impose des sanctions financières plus lourdes en cas de non-respect des employeurs.
La CGT porte aussi la généralisation de la négociation collective sur la transparence salariale, pour que les représentants du personnel jouent un rôle vraiment actif dans la définition et le contrôle des politiques de rémunération, ainsi que le renforcement des moyens alloués à l’inspection du travail, afin de vérifier que les entreprises respectent bien leurs obligations.
Les employeurs sont réticents et brandissent de faux arguments
Face à cette quête de transparence, certains employeurs craignent qu’afficher les salaires crée des tensions entre salariés, des sentiments d’injustice, une baisse de motivation.
D’autres redoutent que cela ne les désavantage par rapport à leurs concurrents qui maintiennent le secret, rendant plus difficile le fait d’attirer et fidéliser des « talents ». Les employeurs invoquent également la complexité des systèmes de rémunération, ce qui rendrait difficile une communication claire et exhaustive. Enfin, certains considèrent que leurs politiques salariales relèvent de la stratégie d’entreprise et ne souhaitent pas les dévoiler.
La CGT juge ces arguments non recevables et estime que les différences de rémunération doivent être justifiées par des critères objectifs et transparents comme les qualifications, les responsabilités ou l’expérience. Si c’est bien le cas, alors les employeurs n’ont rien à craindre de la transparence… Bien au contraire, cette transparence contribuerait à améliorer le climat social, en renforçant le sentiment de justice et d’équité au sein de l’entreprise. Quant à la complexité des systèmes de rémunération, elle ne peut en aucun cas servir d’excuse pour maintenir l’opacité.
Un chantier d’avenir pour un monde du travail plus juste
L’application de la directive européenne sur la transparence des rémunérations va bouleverser les pratiques dans les entreprises françaises. Les employeurs devront notamment informer les candidats sur le salaire ou sur la fourchette salariale dès le début du processus de recrutement, ce qui suscite des inquiétudes chez 59 % des employeurs qui craignent des réactions négatives des salariés.
La fourchette salariale devra être indiquée dès le début du processus de recrutement
Pourtant, la transparence salariale est aussi source d’opportunités par l’amélioration de l’image de marque des entreprises, pour attirer et fidéliser et pour renforcer la confiance et la motivation des salariés. C’est un véritable levier pour lutter contre les discriminations, réduire les inégalités et renforcer la justice sociale au travail. Mais sa mise en œuvre effective nécessitera un changement profond des mentalités et des pratiques, afin de dépasser la volonté actuelle des directions de conserver un pouvoir discrétionnaire sur les rémunérations.
La CGT, fidèle à ses valeurs de justice et d’égalité, continuera à porter haut et fort les revendications des salariés en matière de transparence salariale. Elle appelle l’ensemble des travailleurs à se saisir de ces enjeux, à s’informer et à se mobiliser pour faire de la transparence salariale une réalité.
Car au-delà d’une simple question technique, c’est bien d’un choix de société qu’il s’agit : celui d’un monde du travail plus juste et équitable, où chacun sera reconnu et rémunéré à sa juste valeur.