Une nouvelle donne tarifaire pour les tarifs du transport de l’énergie en France

URPE 7, ATRT 8 et ATRD 7 désignent les nouvelles grilles tarifaires du transport de l’énergie en France. Comme des versions logicielles, ils suivent une logique de numé­rotation chronologique. Ils reflètent l’évo­lution des méthodes de calcul tarifaire en fonction des mutations du marché, des exigences réglementaires et des impératifs écologiques. Fixés
par la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE), ces tarifs couvrent des périodes de 4 ans et financent l’entretien, l’exploitation et le développement des réseaux d’électricité et de gaz. Ces infrastructures sont vitales pour notre souve-raineté énergétique et représentent les « péages » payés par tous les usagers pour l’acheminement de l’énergie.

Le TURPE 7 pour l’acheminement de l’électricité

En vigueur dès août 2025, il se déclinera en deux versions pour adapter les tarifs aux réalités techniques et économiques des différents types de consommateurs.

TURPE HTB pour les grands industriels et TURPE HTA-BT pour les autres, gérés à 95 % par Enedis

Le TURPE HTB concerne les grands industriels directement raccordés au réseau de transport géré par RTE, alors que le TURPE HTA-BT est pour les PME, collectivités, particuliers via les réseaux de distribution gérés à 95 % par Enedis.

La transition énergétique en cours impose des investissements massifs

Le TURPE 7 répond à ces défis majeurs pour transformer radicalement le système électrique. Sur le réseau de transport, RTE prévoit 19,5 Md € d’investissements entre 2025 et 2028, pour raccorder les énergies renouvelables (éolien offshore, solaire), moderniser les infrastructures vieillissantes, et les adapter au changement climatique (enfouissement de lignes, renforcement face aux tempêtes). L’enjeu est encore plus complexe pour Enedis qui augmente ses investissements à 6,4 Md €/an (contre 4,8 précédemment), pour gérer l’essor du photovoltaïque résidentiel (qui transforme les consommateurs en producteurs), l’électrification des transports et du chauffage (qui nécessitent des transformateurs plus puissants), et le raccordement d’environ 1 million de nouveaux clients par an.

Des augmentations tarifaires anticipées pour éviter une hausse trop brutale

Dès février 2025, le TURPE augmente de + 9,6 % pour HTB et + 7,7 % pour le HTA-BT, face aux besoins d’investissements spécifiques de chaque réseau. Le TURPE représente aujourd’hui environ 20 à 30 % de la facture d’électricité des particuliers et peut atteindre jusqu’à 40 % pour les professionnels.

Le TURPE ≈ 20 à 30 % de la facture élec des particuliers (jusqu’à 40 % pour les professionnels)

Une révolution des heures creuses s’amorce également. A partir de l’automne 2025, une nouvelle plage horaire sera progressivement mise en place, l’après-midi en été, pour profiter de la production solaire abondante.

Exemple concret en Île-de-France : il y aura des heures creuses de 2 h à 6 h du matin et de 12 h à 16 h en été (avril-octobre), et de 22 h à 6 h en hiver. Par ailleurs, les utilisateurs non équipés d’un compteur Linky devront s’acquitter de frais spécifiques pouvant atteindre 65 €/an, avec un terme tarifaire de base de 6,48 € tous les 2 mois pour couvrir les coûts de relevés manuels.

Le secteur gazier, aussi, connaît une transformation majeure

Les réseaux de gaz naturel doivent eux aussi s’adapter à la transition énergétique, avec des enjeux spécifiques liés à l’intégration des gaz verts et à l’évolution des usages.

A l’image du système électrique, le secteur gazier français s’organise autour de deux niveaux d’infrastructures ATRT 8 et ATRD 7 avec de nouveaux tarifs.

L’ATRT correspond au “péage autoroutier” que paient tous les utilisateurs pour financer les grandes canalisations de transport de gaz gérées par NaTran (ex-GRTgaz) et Téréga. L’ATRT 8, entré en vigueur en avril 2024, bondit de 19 % en moyenne, représentant environ 90 €/an pour un foyer moyen. Cette hausse varie considérablement selon la géographie : les communes éloignées du réseau principal paient jusqu’à dix fois plus que les grandes agglomérations proches des infrastructures.

L’ATRD fonctionne, lui, comme une “taxe locale” qui finance le réseau de proximité géré principalement par GRDF (95 % du réseau) et les Entreprises Locales de Distribution. L’ATRD 7, appliqué depuis juillet 2024, explose aussi avec une augmentation de 27,5 % (dont 20 % correspondent à un “rattrapage” de la période précédente où les tarifs étaient restés stables malgré l’inflation). Cette composante représente environ 18 % de la facture de gaz, mais ce pourcentage grimpe à 37 % pour les petits consommateurs ce qui pénalise particulièrement les ménages modestes, alors qu’il est autour de 21 % pour les consommateurs moyens.

Plus la consommation de gaz baisse, plus le tarif augmente !

C’est le paradoxe du gaz dans cette transition énergétique, car les coûts fixes des réseaux se répartissent sur un volume décroissant, et s’y ajoutent l’inflation, les investissements pour les gaz verts et le mécanisme du CRCP (ajustement annuel des tarifs). Car aller vers les gaz verts (biométhane, hydrogène) nécessite des investissements lourds, et la CRE impose des « efforts de productivité » qui se traduisent par des suppressions d’emplois et une intensification du travail.

La CGT critique une approche comptable des tarifs

Elle met sur la table la question de la qualité et de la sécurité du service public face aux suppressions d’emplois imposées par la CRE, qu’elle dénonce, qui oublient les enjeux sociaux et industriels. Et ces restrictions d’emplois interfèrent dans la gestion sociale des entreprises via des objectifs de performance.

Marcel Boiteux, ancien directeur général d’EDF, rappelait que « Les tarifs sont faits pour dire les coûts comme les horloges pour dire l’heure »*. Mais pour la CGT, cette logique est aujourd’hui détournée car les tarifs rémunèrent  des actionnaires  privés,  au  détriment  de  l’intérêt  général.

La CGT propose des alternatives pour financer la transition énergétique sans alourdir la facture des usagers, par des emprunts d’Etat à taux préférentiels, des subventions ciblées, des fonds européens…

Les tarifs TURPE 7, ATRT 8 et ATRD 7 cristallisent les tensions entre impératifs économiques immédiats et défis énergétiques de long terme. C’est une question de civilisation face à notre capacité collective à mener la transition énergétique sans sacrifier l’accès de tous à l’énergie, la qualité du service public, ni la dignité de ceux qui le font fonctionner.

Pour la CGT il faut mener la transition énergétique sans rien sacrifier

Car au-delà de ces fortes augmentations des tarifs de transports se cache un choix politique fondamental sur le modèle énergétique français. Il ne faut pas continuer à faire porter le coût de la transition sur les seuls consommateurs via ces tarifs, mais inventer de nouveaux mécanismes de financement public à la hauteur des enjeux climatiques ! Et cette question dépasse largement les aspects techniques : elle est centrale par rapport à notre conception du service public et de la justice sociale face à l’urgence écologique.

Inventer de nouveaux mécanismes de financement public

★ Citation de Marcel BOITEUX lors de son audition le 5 mars 2025 par la commission d’enquête de T Assemblée nationale, sur les tarifs de l’électricité.

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