32h Travailler moins, ce n’est pas travailler moins bien

Pression sociale, système éducatif, logique « d’élites » devant toujours travailler plus, présentéisme … En France, il y a certainement beaucoup à faire sur le plan socioculturel pour déconstruire certaines logiques.

Pourtant, chez certains de nos voisins, les dirigeants prônent un temps de travail réduit au profit d’un meilleur équilibre de vie, profitable à la société.

 

L’histoire du temps de travail, c’est aussi celle du temps libre. « Le temps libre, déclare le premier ministre Pierre Mauroy en 1981, c’est tout le temps dont on dispose après le travail. C’est le temps gagné, c’est le temps libéré. Je crois que nous sommes habitués, depuis des temps immémoriaux finalement, à travailler ; on a l’impression que la vie c’est le travail … Je crois que nous allons vers des temps où il y aura le temps de travail, qui sera un temps fort, mais un temps plus court, et tout le reste sera du temps libre. »

Prémonitoire ? Même si la réduction du temps de travail est inscrite dans le sens de l’histoire, les discours dominants continuent d’imposer en France une forme de « culpabilisation » des travailleurs. Par exemple, selon une étude menée par Glassdoor, un salarié sur 3 se sent jugé s’il part avant 18 heures , même s’il a terminé ses tâches. Pourtant, nous l’avons vu, les français travaillent en moyenne autant, voire plus, que leurs voisins.

Pourquoi cette culpabilisation ? Au-delà des éléments de langage autour de l’équilibre économique des entreprises, de la recherche perpétuelle de productivité, il y a incontestablement des raisons socio-culturelles.

 

La France : un rapport particulier au travail ?

En France, le système classes préparatoires / grandes écoles (de commerce, ou d’ingénieur) est souvent associé à la « fabrication des élites » : des formations où l’on inculque l’idée qu’il faut travailler beaucoup (horaires de cours chargés), supporter la pression (« colles » hebdomadaires, concours), apprendre à travailler en équipe et à organiser le travail. A contrario, les études en université sont plus fondées sur l’autonomie et le travail personnel.

Il est donc courant d’opposer lors des recrutements pour certains postes les profils dit « universitaires » et les profils issus de « grandes écoles ». Les profils universitaires sont plus positionnés sur les métiers d’expertise alors que les profils « grandes écoles » et encore plus « écoles parisiennes » sont amenés à évoluer plus rapidement vers des postes de management /ou postes à haute responsabilité, ce qui accroit la prédominance de ce modèle chez les dirigeants, souvent associé à une logique entrepreneuriale et à des modèles anglo-saxons.

On peut noter d’ailleurs que dans ces pays anglo-saxons, les études supérieures coutent très cher, et les bourses d’étude sont très difficiles à obtenir. Cela limite l’accessibilité aux études aux familles qui peuvent financer : soit les familles qui ont des postes avec de bons revenus, soit des familles, dont les parents cumulent plusieurs emplois pour aider à financer, n’empêchant souvent pas les étudiants à devoir contracter un prêt important. Si l’on ajoute des systèmes de retraite par capitalisation et des systèmes de santé privés et coûteux, on voit bien la logique qui mène à toujours travailler plus …

 

D’autres modèles sont possibles

Beaucoup de pays, notamment les pays nordiques (Danemark, Suède, Finlande) tentent de manière cyclique de promouvoir un temps de travail réduit au profit d’un meilleur équilibre de vie. On parle souvent de ce modèle scandinave, mais c’est surtout l’aspect socio culturel (y compris le niveau de vie et le système social) qu’il faut prendre en compte. C’est aussi un modèle économique qui conjugue l’État-providence et l’économie de marché, avec un Etat très présent dans tous les domaines de la vie des citoyens.

En tout état de cause et dans toutes les expériences menées, les retours des salariés sont plus que positifs : moins de fatigue, moins de stress, un meilleur équilibre de vie, et la contrepartie pour l’entreprise et les équipes de travail : de la motivation et moins d’absentéisme.

Mais, pour que cela fonctionne, il faut jouer le jeu jusqu’au bout, et faire en sorte que les entreprises embauchent de manière à gréer suffisamment les équipes pour partager la charge de travail.

Toutes les expériences réalisées (en France, en Espagne par exemple récemment) montrent que la réduction du temps de travail permet non seulement un meilleur équilibre de vie mais ne nuit aucunement à la motivation ni à la productivité ! Aux salariés maintenant de s’en emparer !