Aujourd’hui 6 janvier 2030, je viens de recevoir un courrier : je suis licencié par EDF…
Qui aurait pu prédire en 2000, lorsque que j’ai été embauché chez EDF-GDF, qu’en 30 ans les différents gouvernements auraient à ce point massacré le modèle industriel et social qu’était ce fleuron français. Je suis rentré dans une entreprise qui nous garantissait la sécurité de l’emploi, où il était possible d’avoir un parcours professionnel motivant dans tout le panel de métiers proposés par l’entreprise. Nous faisions alors tous partie d’une entreprise au service des citoyens : nos usagers, et aussi au service de la Nation. Rentrer dans cette entreprise représentait une fierté pour tous les salariés, et le sentiment d’appartenance était extrêmement fort.
Je n’oublierai jamais, quand la main sur le cœur, lors des journées d’intégration des jeunes embauchés, l’adjoint de M. Roussely (ex PDG) nous certifiait qu’il n’y aurait jamais de séparation entre EDF et GDF. A présent, je comprends avec amertume que nos dirigeants n’hésitent pas à mentir pour atteindre les objectifs fixés par ceux qui les désignent dans leur fonction : les gouvernements.
Puis est venu le temps de l’ouverture à la concurrence, sous prétexte de soumission aux directives européennes et annonçant une baisse des prix pour les usagers, transformés en « clients ». Encore des mensonges dont nous ne prendrons conscience que des années plus tard devant le constat sans appel de la hausse du montant de la facture des ménages et des entreprises. Et que dire du mariage de GDF avec Suez, avec la garantie initiale d’une participation majoritaire de l’Etat dans le groupe (devenu Engie) ? Aucune vision industrielle à long terme, aucune politique énergétique garantissant la péréquation tarifaire pour tous les citoyens et la préservation de l’environnement. A la place, une succession de décisions court-termistes pour gagner quelques voix vertes aux élections (telle la fermeture de Fessenheim, la vente des entités d’approvisionnement de gaz à la concurrence ou la mise en vente de nos barrages hydrauliques), mais aussi et surtout pour s’engraisser sur le dos d’entreprises publiques autrefois florissantes.
Dans les années qui suivirent, les réorganisations des entreprises se sont enchainées, nous amenant au découpage de groupes « intégrés » en de multiples filiales où le statut disparaît peu à peu, à des annonces de plan de suppression d’emplois, et pour les usagers, à des prix toujours en augmentation. Les salariés petit à petit ont perdu la confiance dans leur entreprise et le sentiment d’appartenance a disparu : l’absence de stratégie tant industrielle qu’humaine, la disparition de possibilité de réelle évolution professionnelle, la raréfaction des postes à pourvoir ne peuvent que laisser place au développement de l’individualisme et à la concurrence entre collègues.
Aujourd’hui, à quelques années de la retraite qui a déjà été repoussée plusieurs fois, je reçois une lettre de licenciement pour « manquement professionnel », parce que nous n’avons pas réalisé les bénéfices souhaités par les actionnaires, chose inimaginable il y a 30 ans et qui aurait sans doute fait scandale. On me jette d’une entreprise que je ne reconnais plus. Ils auront réussi à vider de toute sa substance cette grande entreprise EDF-GDF centenaire. Les jeunes ne se précipitent plus pour rentrer dans l’entreprise. Et les salariés ne s’identifient plus à un ensemble au service de tous.
Ce récit d’anticipation n’est peut-être pas qu’une projection de l’avenir. Il y a fort à parier que demain ce sera la réalité si on ne s’oppose pas à leurs grands projets d’enrichissement pour une minorité.
Aujourd’hui, il nous faut nous battre contre les projets Hercule et Calista-Clamadieu !
Nous, syndicalistes de tous bords, avons alerté les salariés, les clients et les politiques sur cette ineptie de démanteler et d’affaiblir ces entreprises. Nous avons dénoncé la vente aux plus offrants de pans entiers de nos entreprises en fonction de leur rentabilité, sans aucun état d’âme envers l’intérêt général des citoyens et de la Nation.
Une loterie sur l’avenir des salariés en fonction de leur direction d’appartenance, chacun espérant être le moins impacté possible, au lieu d’être regroupés pour défendre efficacement nos intérêts communs.
En cette année 2021, l’amplification de la mobilisation est primordiale pour éviter que le reste de notre carrière ne se transforme en un long parcours de désillusions…