Belles perspectives pour les énergies renouvelables et le nucléaire

[Options 640b octobre 2018]

D’ici à 2035, c’est pratiquement ¼ d’énergie en plus qu’il faudra produire… et sans CO2, si l’on veut limiter le réchauffement climatique ! Des lendemains qui chantent pour les filières de l’énergie. Quid des salariés ?

A la veille de la publication de la prochaine PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Energie) pour les dix ans à venir, le débat est lancé, aussi bien au gouvernement… qu’à la CGT (voir Options septembre 2018). Pourtant, c’est bien au-delà de nos frontières qu’il faut se tourner, car la production mondiale d’énergie est dominée par le pétrole et le charbon, des combustibles fossiles qui dégagent beaucoup de CO2. L’augmentation prévisible d’énergie pour les années futures contribuera au développement des pays en voie de développement, mais aussi aux indispensables transferts d’usages d’énergies dans les autres pays, pour diminuer la production de CO2 (transport, chauffage…). Tout cela, ajouté à l’accroissement de la population mondiale, pourrait conduire à augmenter de 20 à 25 % l’énergie produite d’ici à 2035, c’est-à-dire demain. Sur quelle énergie s’appuyer pour satisfaire les besoins ? Pour l’électricité, substituer du charbon par du gaz ou de la biomasse diminuerait déjà les émissions de CO2, en particulier si ce combustible est issu de filières renouvelables. Mais brûler du gaz émet du CO2… Par contre, électrifier encore plus nos sociétés, sous réserve de produire cette électricité avec peu de CO2, serait un moyen très efficace de décarbonner nos économies. Deux possibilités s’ouvrent à nous pour produire plus d’électricité : les énergies renouvelables (EnR) et le nucléaire.

Les énergies renouvelables ont le vent en poupe

Elles bénéficient d’une bonne image pour leur côté renouvelable (soleil, vent)… mais le vent tourne. De plus en plus de riverains (en zone rurale notamment) se plaignent des éoliennes qui défigurent les paysages et dévaluent leurs biens immobiliers à proximité. En mer, leur développement déclenche la colère des marins pêcheurs et interroge sur leur impact concernant la biodiversité. Pour l’éolien terrestre, le gros de l’investissement (les ¾) se situe dans la turbine, et de grands acteurs existent en Europe du Nord. Mais la course à la taille et au prix, avec des éoliennes de plus en plus puissantes, entraîne la fabrication vers la Chine. Le solaire photovoltaïque (PV), s’il se développait essentiellement sous forme de fermes solaires occupant de grandes surfaces au sol, encourerait le même risque que l’éolien. Car même si les terres non agricoles (anciens terrains industriels, bases aériennes…) ont pour l’instant été privilégiées, au vu des surfaces annoncées pour le futur (30 GW pour EDF, 10 GW pour Total…), cela posera rapidement le problème du foncier ! Car 40 GW de solaire au sol représentent pas moins de 40 000 hectares, soit 40 km sur 10 km, ou encore l’équivalent de plus d’un terrain de foot pour chaque commune de France ! Qui plus est, les subventions sont encore nécessaires au développement des EnR et pèsent lourd dans la facture des usagers au travers de la Contribution au Service Public de l’Electricité (22,50 €/MWh pour 2018). Dans le PV, la moitié de l’investissement provient de la fabrication des panneaux, essentiellement asiatiques et avec des usines en très fortes surcapacités.

Pour ces deux énergies intermittentes, éolien et solaire, les prix baissent

Jusqu’à 20 $/MWh en PV au sol au Moyen Orient ! Mais, il ne faut pas oublier d’y ajouter les coûts de l’adaptation des réseaux électriques, et du stockage (40 à 200 €/MWh*). 750 GW d’EnR (hors hydro) étaient installées de par le monde fin 2016 (2/3 d’éolien et 1/3 de PV) et en considérant 25 % de fonctionnement dans l’éolien et 20 % dans le solaire cela représente environ 1500 TWh. Et il ne faut pas non plus oublier l’hydraulique, une autre EnR, qui, bien que sensible à la pluviométrie, est une énergie renouvelable non intermittente. Grâce aux retenues d’eau, elle offre une grande souplesse de fonctionnement et de stockage d’énergie pour l’électricité. Il n’y a que 25 GW exploités actuellement en France, mais la FNME a identifié la possibilité d’y ajouter 6 GW supplémentaires.

Le nucléaire n’a pas dit son dernier mot

Le nucléaire a moins bonne presse que les EnR, bien qu’il fournisse, avec l’hydraulique, un kWh français parmi les moins chers d’Europe (33 €/MWh pour le nucléaire existant*). C’est aussi la troisième filière industrielle en France avec 220 000 salariés. Il contribue fortement aux résultats positifs d’EDF, au plus grand profit de son actionnaire majoritaire, l’Etat français, qui a empoché une vingtaine de Md € de dividendes ces dix dernières années. Autant d’impôts en moins pour les contribuables que nous sommes… Bien que contesté au niveau national, il est très bien accepté là où sont implantées ses centrales, car il crée de la richesse (recettes fiscales) dans des territoires ruraux où l’industrie est hélas peu présente. Grâce à lui, la France se situe parmi les meilleurs en Europe pour ses émissions de gaz à effet de serre. 360 GW étaient installés dans le monde en 2016 et un des avantages de cette technologie sans CO2 est de fonctionner en base : c’est-à-dire tous les jours de l’année à 100 % (hors rechargement et maintenance soit en gros 11 mois/12). Cela représente une production d’environ 2900 TWh. En tenant compte des déclassements, des constructions en cours et programmées, la puissance installée pourrait grimper à plus de 500 GW soit 50 % de plus qu’aujourd’hui. Mais les coûts du nucléaire neuf ont fortement augmenté ces dernières années (entre 70 et 100* €/MWh pour l’EPR), principalement pour améliorer la sûreté. Par contre, dans cette filière très technique, la diminution des coûts passe par l’effet palier (séries), à opposer à des stop and go très pénalisants (comme Flamanville en a fait les frais). C’est donc, en gros, une centaine d’équivalents EPR qui seront à construire de par le monde (très majoritairement en Chine, en Inde…), ce qui offre beaucoup d’opportunités pour EDF avec son EPR de 1650 MW, et ses concurrents l’américo-Japonais Toshiba avec son AP 1000, le Russe Rosatom, le Coréen (KEPCO), les chinois (CGN, CNNC).

Planification : un mot tabou pour le libéralisme

Le temps passé entre le moment où est décidé un investissement et celui où il est réalisé n’est pas du même ordre de grandeur selon la technologie retenue. Pour preuve les délais annoncés dans le bilan prévisionnel RTE (édition 2017) : 4 ans pour implanter du solaire, 5 ans pour un cycle combiné gaz, 7 ans pour de l’éolien, 10 ans pour une ligne d’interconnexion… et une bonne dizaine d’années pour une centrale nucléaire. Tout est donc affaire d’anticipation, de planification, de critères économiques, sociaux, environnementaux, industriels… si la France veut être au rendez-vous dans dix ans. Sans oublier la démocratie, avec des citoyens informés et partie prenante sur les propositions de la PPE provisoire (attendue fin octobre), et qui puissent peser sur les meilleurs choix pour la version définitive (prévue en fin d’année). Des débats dans lesquels, nous, salariés de cette industrie, avons une place de premier plan à tenir !

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