Conseil Social et Economique : compte à rebours et enjeux

[Options 648 – juin 2019 – pages 11-14] Du 8 au 14 novembre 2019, chaque voix comptera !

La mise en place des CSE sanctionne l’aboutissement d’un processus d’amoindrissement sinon de négation du rôle des syndicats. Depuis la loi Rebsamen d’août 2015, en passant par la loi El Khomri de mars 2016, puis la loi Macron de septembre 2017, la priorité est à « l’assouplissement » du code du travail dans l’objectif de dévitaliser l’activité syndicale. Il aura donc fallu trois réformes successives pour répondre au fantasme du MEDEF et de la classe politique exerçant le pouvoir : une délégation unique du personnel englobant réclamations, revendications, conditions de travail et tailladant dans les moyens mis à disposition de toutes les Organisations Syndicales (OS) tout en réduisant le nombre de leurs représentants.
Le 1er janvier 2020, dans chaque entreprise de la branche des industries électrique et gazière, le Comité Social et Economique (CSE) se substituera aux Instances représentatives du Personnel (IRP), dans lesquelles des générations de militants syndicaux ont œuvré pour défendre les intérêts de l’ensemble des salarié.e.s. Déjà, en 2007, les instances de représentativité ont connu un profond changement avec la disparition des Comités Mixtes à la Production (CMP) et sous CMP, remplacés par les Comités d’Etablissement, les Délégué.e.s du Personnel… Ces nouvelles instances ont eu parfois comme conséquence de tenir les salarié.e.s éloigné.e.s des lieux de décision et de négociation.
Le CSE équivaut à un mouvement de centralisation et de professionnalisation de la vie syndicale, visant à transformer les militants en spécialistes de l’accompagnement des réformes et des réorganisations, au grand bénéfice des Directions. Surchargé.e.s de dossiers, coincé.e.s dans des rencontres avec les employeurs, des réunions préparatoires… les représentants syndicaux locaux risquent bien de manquer du temps nécessaire à la discussion et au partage d’information avec les salarié.e.s : en fait, tout ce qui constitue leur raison d’être pour mieux comprendre les besoins de leurs collègues et défendre leurs intérêts collectifs et individuels. Ce risque, déjà souligné dans la mise en place des IRP de 2007, ne peut qu’être encore aggravé par la loi Macron.

Des résultats obtenus par la négociation :

le point sur EDF, GRTGaz, Storengy…

La CGT et l’Ufict ont combattu les lois travail successives en portant notamment des propositions alternatives pour contrer la mise en concurrence des salarié.e.s et l’abaissement généralisé de leurs droits. Mais une fois ces lois validées par le Parlement et le Conseil Constitutionnel, il s’est agi de perdre le moins possible dans les négociations de mise en place des CSE, entreprise par entreprise, en tirant parti des hésitations des directions, en faisant front commun avec d’autres OS lorsque cela a été possible : une attitude que les salarié.e.s et particulièrement les cadres plébiscitent. Parfois, les négociations ont été longues (EDF) et âpres (Enedis, RTE) ; parfois, elles ont permis de limiter la perte de moyens côté CGT (GRT Gaz).
A l’ouverture des négociations, la direction d’EDF proposait un total de vingt CSE pour toutes les entités. Six mois et de multiples rencontres plus tard, le bilan est de quarante-sept CSE, dont des CSE de proximité, notamment sur les établissements de Production nucléaires (un CSE par centrale), thermiques, hydrauliques (sept CSE) et autres DTEAM (Division Thermique Expertise Appui Industriel Métiers), historiquement des secteurs où la CGT remporte de bons résultats. Sur les secteurs Commerce, DTEO (Direction Transformation Excellence Opérationnelle) et DIPNN (Direction Ingénierie et Projets Nouveau Nucléaire), les CSE restent en revanche centralisés et à l’échelle nationale.

Comment dans ces conditions développer un contact de proximité avec les salarié.e.s ?

A GRTGaz, les négociateurs CGT font l’analyse suivante : « Nous conservons quatre établissements […]. La Direction avait la possibilité légalement de ne mettre en place qu’un CSE au périmètre de l’entreprise. Une Commission Santé, Sécurité et Conditions de Travail est mise en place par unité sauf pour la Direction des Opérations où nous avons obtenu la mise en place de quatre CSSCT au périmètre des actuels Pôle d’Exploitation ». […]
« Nous aboutissons à un volume global de soixante-quinze Représentants de Proximité dont la répartition par unité est liée à l’effectif de chacune d’entre elles. Nous obtenons pour l’ensemble des élu.e.s mandaté.e.s du CSE, titulaires et suppléants, la prise en charge par l’entreprise du temps de préparation à la séance plénière (en sus du crédit d’heures affecté aux titulaires) ».
Avec le seul respect du droit commun, tel que défini dans la loi travail, « nous aurions perdu environ 60 % des moyens de représentation du personnel et des moyens syndicaux existants », alors qu’à l’achèvement de la négociation « la perte est évaluée à 25 % des moyens actuels ».
A Storengy, la délégation CGT souhaitait conserver les périmètres existants : soit quatre CHSCT pour traiter des conditions de travail sur les onze sites classés Seveso et un CE. Résultat : quatre CSSCT et un CSE comptant quatorze membres titulaires et autant de suppléants, plus deux représentants de proximité par site. La négociation ne s’est finalement pas si mal passée.

Et maintenant, place à la campagne électorale  !

A la Fédération, à l’Ufict comme dans les syndicats, le temps est à la constitution des listes électorales, avec pour la première fois dans l’histoire syndicale, une obligation de quota pour la représentation des femmes. Le temps est à la préparation des thèmes de campagne et aux premières diffusions de tracts sur le terrain. L’élection des représentants des salarié.e.s au conseil d’administration d’EDF, le 13 juin dernier, et sa préparation ont sonné le début des grandes manœuvres, avec un résultat qui maintient les trois administrateurs qui est une bonne chose, mais avec une légère baisse au global. C’est dire tout l’effort qui reste à accomplir pour sensibiliser les salariés et les ICT en particulier, sujets à la démotivation comme l’indiquent les enquêtes d’opinion intra entreprises pour les convaincre de l’intérêt de voter CGT.

Les ICT feront confiance à la CGT si elle est en capacité de parler de leur travail

L’enjeu est de taille pour l’Ufict, avec un nombre d’inscrits en constante évolution et supérieur désormais à celui du collège exécution. Le vote des cadres, des agents de maîtrise et des technicien.ne.s influence de manière décisive le résultat de chaque élection. Or, voter CGT quand on est encadrant, n’est pas une évidence. Les tensions locales entre CGT et encadrement empêchent parfois tout lien. Elles sont souvent le fruit de logiques managériales qui favorisent les situations d’affrontement entre militants et management local ; des situations vécues comme des agressions par les uns et les autres. Cette atmosphère de conflictualité porte l’encadrement à rechercher des solutions individuelles à ses problèmes et à se tourner vers d’autres organisations syndicales défendant des intérêts catégoriels, plutôt que vers la CGT.
Dans les semaines à venir, les militants Ufict devront faire bouger cette perception. A eux de faire connaître l’existence d’un espace dans la CGT, l’Ufict, propice à l’expression d’attentes spécifiques, propice à l’élaboration de revendications tout en veillant à représenter, sans les opposer, chaque catégorie de salarié.e.s.
Particulièrement attachés à leur travail, les ICT feront confiance à la CGT si elle est en capacité de parler de leur travail, des conditions dans lesquelles ils l’exercent, de son sens, de sa reconnaissance et des transformations qu’il va subir.
Très logiquement, les thèmes choisis pour cette campagne électorale sont dans la continuité de l’activité Ufict et étroitement liés aux préoccupations quotidiennes des ICTAM. Par exemple la question du droit d’expression, qui au travers de la campagne débutée en avril 2019, aborde les difficultés de nos catégories à se faire entendre et leur désir concomitant de participer à l’élaboration des politiques de l’entreprise, alors même qu’elles en sont de plus en plus exclues. En effet, l’intérêt des encadrants dans la vie de l’entreprise n’est plus pris en compte par les directions.
La place spécifique des managers de proximité, vecteurs et victimes des stratégies d’entreprise, sera également un sujet de campagne. De même que l’évolution des fonctions support et d’appui, ou encore la transformation du travail liée au numérique, qui impacte l’ensemble des métiers.
Evidemment, le résultat de ces élections, dépasse le seul cadre du quotidien des salariés. Il pèsera sans aucun doute sur l’avenir des entreprises et sur la capacité de la CGT à infléchir le souhait du gouvernement de libéraliser totalement le marché de l’énergie. Les ICTAM subissent déjà ces politiques stratégiques qui viennent du haut de la pyramide et irriguent toutes les strates de l’entreprise, créant désorganisation, frustration et démotivation. Il incombe aux militants Ufict de mettre en relation cette frustration avec le développement du management financier (le Wall Street Management) et son poids exorbitant sur le quotidien des entreprises de l’énergie. Le 14 novembre 2019, chaque voix comptera.

Le 14 novembre 2019, chaque voix comptera