Une étude européenne démontre que l’industrie mute vers toujours plus de cols blancs …

ne révolution silencieuse est en train de bouleverser l’industrie manufacturière européenne, transformant en profon- deur nos repères traditionnels. IndustriALL Europe, fédération syndicale européenne représentant plus de 7 millions de travailleurs de l’industrie, de la mine et de l’énergie, à travers 180 syndicats dans 38 pays, a mené une étude approfondie sur cette mutation. Cette étude BEREP (Better Representation of White Collar Workers) révèle que pour la première fois de son histoire, les cols blancs sont plus nombreux que les cols bleus, marquant un tournant décisif dans l’organisation du travail industriel. Et cette inversion historique, de la part désormais majoritaire des cols blancs, n’est pas qu’une évolution statistique. Elle témoigne d’une transformation radicale de notre tissu industriel qui interpelle directement notre syndicalisme CGT.

Les cols blancs sont plus nombreux que les cols bleus

Dans un contexte où la digitalisation et l’automatisation redessinent les contours des métiers, l’Ufict-CGT et l’UGICT, ont donc un rôle crucial à jouer. Car face à ce bouleversement, plusieurs questions se posent : Comment représenter plus efficacement cette nouvelle majorité ? Comment articuler leurs attentes spécifiques avec notre vision d’un syndicalisme de transformation sociale ? Comment faire de cette évolution une opportunité pour renforcer notre présence syndicale ?

La technique et l’expertise deviennent prépondérantes

L’enquête BEREP, menée simultanément dans trois pays européens (auprès de 2 940 répondants dont 1 062 en France entre le 15 et le 23 février 2024), dessine les contours d’une industrie profondément renouvelée avec un profil des  salariés  qui  s’est  considérablement  transformé.

Avec 55,2 % de femmes parmi les cols blancs, le secteur connaît une féminisation significative, mais qui masque des disparités persistantes.

Le secteur connaît une féminisation significative avec 55,2 % de femmes parmi les cols blancs

Car si 67,5 % des femmes occupent des postes qualifiés, seules 29,5 % accèdent à des fonctions hautement qualifiées, contre 49,1 % pour les hommes. Plus frappant encore, seulement 3 % des femmes atteignent des postes de management, contre 3,7 % des hommes. Cette situation inégalitaire renforce la pertinence des batailles engagées par l’Ufict-CGT pour l’égalité professionnelle et la reconnaissance des qualifications.

La montée en compétences généralisée reflète une industrie où la technique et l’expertise deviennent prépondérantes, confirmant le rôle stratégique d’un syndicalisme spécifique dans les grandes entreprises, où 29,1 % des répondants travaillent dans des établissements de plus de 2 000 salariés.

Nouvelles générations, nouvelles attentes

Cette étude révèle aussi une évolution marquante des priorités professionnelles selon les générations. En effet, pour 78 % des moins de 34 ans, le sens du travail est primordial, loin devant la rémunération qui ne satisfait que 48 % de cette tranche d’âge.

Pour 78 % des moins de 34 ans, le sens du travail est primordial

Cette quête de sens, associée à l’importance accordée à l’organisation du travail (72 %), conforte les résultats de l’enquête Ufict/Viavoice. Plus significatif encore, les jeunes ICT syndiqués montrent un intérêt accru pour l’organisation collective du travail (74 %), battant en brèche l’idée reçue d’une génération individualiste. Notre approche syndicale, articulant enjeux professionnels et sociétaux, répond directement à ces aspirations nouvelles. Les questions d’équilibre vie professionnelle/vie personnelle, de reconnaissance des qualifications et de sens du travail constituent donc le socle des préoccupations de cette nouvelle génération d’ICT.

L’intensification du travail émerge comme une préoccupation majeure

C’est particulièrement marqué chez les jeunes salariés où, concernant les conditions de travail problématiques, le travail sous pression atteint le score le plus élevé. Cette situation est encore plus clairement identifiée chez les syndiqués (74 % contre 72 % en moyenne). En effet, et notamment pendant la pandémie, la pression s’est accentuée avec une augmentation significative du temps de travail en France. Les non-syndiqués, bien que légèrement plus optimistes, confirment également cette dégradation des conditions de travail.

Face à ces constats inquiétants, l’Ufict-CGT structure son action autour de campagnes ciblées : prévention et lutte contre les RPS (risques psychosociaux), amélioration des conditions de travail, défense des classifications, revalorisation des salaires, et équilibre vie professionnelle/ vie privée à travers, notamment, de la réduction du temps de travail. Car la question salariale est particulièrement critique et l’étude montre une baisse du pouvoir d’achat des cadres en 2023 due à l’inflation et à une faible revalorisation des rémunérations.

Demain se construit aujourd’hui

Cette transformation profonde de l’industrie manu- facturière nous place à un moment charnière de notre histoire syndicale : l’étude BEREP démontre que les cols blancs sont plus ouverts aux syndicats qu’on ne le pense généralement. Les sujets qu’ils identifient comme prioritaires – conflits avec l’employeur, négociations d’accords collectifs, augmentations salariales, équilibre vie professionnelle/personnelle, sauvegarde de l’emploi correspondent précisément aux axes de travail historiques de l’Ufict-CGT. Cette convergence n’est pas fortuite : elle témoigne de notre capacité à bien comprendre et porter les aspirations des ICT.

Une boîte à outils a été développée dans le cadre du projet BEREP

Elle propose une méthodologie concrète pour renforcer la syndicalisation des cols blancs et s’articule autour de plusieurs axes. Premièrement, elle inclut des guides méthodologiques pour organiser des campagnes de syndicalisation ciblées. Ces guides expliquent comment réaliser une cartographie précise des entreprises et des secteurs concernés, identifier les points de contacts stratégiques et comprendre les besoins spécifiques des salariés. Deuxièmement, elle propose des supports de communication adaptés : modèles de messages, présentations pour les réunions, et stratégies de diffusion sur les réseaux sociaux : l’objectif est d’adopter un langage et un ton qui résonnent avec les préoccupations des cols blancs. Troisièmement, elle met à disposition des fiches pratiques pour les militants. Ces fiches détaillent les bonnes pratiques à adopter lors des échanges individuels, les arguments à avancer selon les situations, et les étapes à suivre pour construire une relation de confiance durable avec les salariés.

Faire du syndicalisme ICT le fer de lance d’une reconquête syndicale dans l’industrie

L’Ufict-CGT dispose donc aujourd’hui de tous les outils pour relever ce défi de la mutation de l’industrie. Il est important que chaque militant s’en saisisse, pour faire du syndicalisme ICT le fer de lance d’une reconquête syndicale dans l’industrie manufacturière. Car pour peser sur les transformations en cours et à venir, c’est en nous renforçant chez les cols blancs que nous pourrons construire le rapport de force nécessaire.

 

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