Des ELD aux activités variées mais avec quelles perspectives ?

Diversifications d’activités, changements de gouvernance… Attention au dumping social !

Les ELD, bien ancrées dans leur territoire de desserte, sont des acteurs historiques qui opèrent, en monopole, leur mission de ges­tion du réseau local de distribution (loi du 6 février 2000) de gaz et d’électricité. Elles proposent également la fourniture d’énergie au Tarif Réglementé de Vente (TRV) pour l’électricité (puisque celui du gaz a été supprimé), mais aussi des offres de marché.

Les ELD proposent la fourniture d’électricité au Tarif Réglementé de Vente (TRV)

Début 2018, les grandes ELD, desservant plus de 100 000 usagers, ont été contraintes par la Commission de Régulation de l’Énergie (loi du 7 décembre 2006) de sépa­rer leurs activités de Distributeur et de Fournisseur. Ainsi, Gaz et Électricité de Grenoble (GeG) a dû développer une nouvelle filiale pour la gestion des réseaux de distribution : GreenAlp (pour Grenoble Réseaux Énergies des Alpes).

De même, Gaz de Bordeaux est devenu Régaz Bordeaux, filiale de Bordeaux Métropole Énergie (BME), pour la ges­tion du réseau de distribution, et Gaz de Bordeaux pour la fourniture. Deux exemples parmi de nombreux autres. Au-delà de la distribution et de la fourniture d’énergies, certaines ELD ont aussi diversifié leurs activités. Elles produisent de l’électricité, assurent la gestion de l’eau, comme GEDIA, et ces dernières années des ELD ont développé de nouvelles activités de réseaux (câble, fibre…) et de services pour les collectivités (éclairage public, cartographie, signalisation…)

  • L’ouverture du marché a aussi impacté les ELD !

L’ouverture du marché de l’énergie et les nouveaux défis climatiques ont transformé le paysage économique des ELD. Pour perdurer, elles sécurisent leurs marges sur les métiers historiques, et investissent dans de nouveaux relais de croissance avec de nouvelles activités comme la production d’électricité. Elles investissent massivement dans les énergies renouvelables (EnR) : éolien, photovoltaïque, méthanisation, réseaux de chaleur. Côté offres de marché, des ELD se regroupent pour créer des sociétés de commercialisation (Alterna, Energem, Lucia…) qui réalisent aussi des activités de trading. Pour 2021, le chiffre d’affaires des sociétés de commercialisation des ELD atteint près de 2,7 milliards d’euros et c’est Électricité de Strasbourg (ES) qui est la plus grosse société de commercialisation, talonnée par Gaz de Bordeaux puis Alterna. Hors TRV, les ELD détiennent ainsi 6,5 % du marché de la fourniture d’électricité et 5 % en gaz.

Hors TRV, les ELD détiennent 6,5 % du marché de la fourniture d’électricité et 5 % en gaz

Quelques grandes ELD ont aussi investi massivement dans des activités de support informatique en développant des solutions progicielles dédiées à l’énergie. Ainsi UEM (57) développe Efluid, Sorégies (86) développe Haulogy. Le groupe belge Electrabel (Engie) a aussi passé de nombreux partenariats avec des ELD, dans des SEM (Sorea, Seyssel), mais aussi dans des sociétés de commercialisation (Lucia, Enalp).

  • Les changements de gouvernance entraînent des risques du dumping social

Même si on peut le regretter, mais c’est une réalité, les gou­vernances de certaines ELD changent (Grenoble, Vienne, Deux-Sèvres…). Cela entraîne des risques de dumping social, car les salariés sont fortement incités à aller vers de nouvelles sociétés, en perdant leur statut des IEG au passage. Par exemple, dans la société Haulogy France, il y aura à terme 100 salariés de droit privé, hors IEG. Cela concerne les métiers de commerciaux et ceux concernant l’entretien et les astreintes pour les EnR.

Les salariés sont fortement incités à aller vers des sociétés où ils perdent leur statut des IEG

Malgré le développement de nouvelles activités, depuis 2014, vingt et une ELD ont disparu. Elles ont été reprises par les opérateurs nationaux ou ont été absorbées par d’autres ELD. D’autre part, ces dernières années, des modifications structurelles apparaissent dans des ELD : de nombreuses régies sont transformées en Sociétés d’Économie Mixte. Par exemple, le groupe Engie accompagne des ELD ga­zières dans leur transformation et participe au capital de leur SEM. C’est le cas de Gaz de Strasbourg (futur R-GDS), de Gaz de Bordeaux et de GEG Grenoble. Avec ce changement de statut ces ELD bénéficient d’une assise financière plus stable et développent de nouvelles activités économiques. Elles assurent ainsi la continuité de leur mission de service public qui aurait été rendue plus difficile pour une entité municipale. Mais la contrepartie est que les grands groupes détruisent un système énergétique dont la gestion était locale. Ces groupes rentrent alors dans des syndicats intercommunaux, pour tirer avantage sur d’autres activités (déchets, restauration centrale, eau, réseaux de chaleur…).

  • Ces modifications dans la vie des ELD impactent aussi les salariés

Ces derniers doivent développer de nouvelles compé­tences pour réussir à opérer le changement au sein des entreprises. Dans les petites ELD, un responsable porte de multiples casquettes, et la même polyvalence est exigée pour les agents qui doivent être à la fois soudeurs, ter­rassiers, canalisateurs, techniciens clientèle… D’où toute l’importance de développer la CGT dans ces structures, pour exiger une reconnaissance de ces métiers polyva­lents ainsi que la principale revendication qui est déjà que l’ensemble des textes statuaires s’applique de manière uni­forme dans les IEG, mais aussi demain, à l’ensemble des acteurs, y compris dans les filiales.

La CGT exige une reconnaissance de ces métiers polyvalents

En conclusion, même si la vision des directions des ELD repose sur leur capacité à s’adapter à la transition énergétique et à innover face aux enjeux de l’ouverture des marchés, elles restent sous pression économique et réglementaire. Pour survivre, elles recherchent un équilibre entre croissance et rentabilité. Pour ce faire, elles collaborent entre elles, mutualisent leurs moyens, voire se regroupent. Les 124 ELD actuelles sont des acteurs historiques incontournables de leur territoire de rattachement, mais restent des entités méconnues dans les Industries Electriques et Gazières. Mais comme EDF et Engie face aux nombreux défis futurs, elles doivent anticiper les difficultés pour continuer à exister dans le paysage énergétique français.

Maîtrise publique de l’énergie comme préconisé dans le Programme Progressiste de l’Energie

Comme préconisé dans le Programme Progressiste de l’Énergie de la FNME-CGT, le but reste toujours de revenir à une maîtrise publique de l’énergie exercée par les communes, les territoires, l’État, les usagers et les salariés. Il faut donc sortir des logiques de marché et avoir une politique forte en termes d’investissement, de développement et d’économies d’énergie… Un projet de moyen et long terme en matière de politique énergétique durable.

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