Les modes de management mis en œuvre dans les entreprises influent indéniablement sur la capacité d’expression des salariés. Depuis le management « top-down » (autoritaire, délegatif, motivationnel…) en passant par un management transverse (par projet), on est arrivé aujourd’hui à un nouveau type : le «self-management», (qu’il soit collaboratif, participatif, voire relevant de l’holacratie).
Ces différents systèmes de management ont éloigné les décideurs de la réalité du travail et de ses conditions de réalisation ; ils se sont focalisés de plus en plus sur la gestion du process et le contrôle.
Aujourd’hui, les résultats opérationnels sont loin d’être à l’attendu et les différents projets des entreprises ne recueillent plus systématiquement l’engagement et l’adhésion nécessaires des salariés.
Les verbatim que l’on trouve dans les différentes enquêtes sur le sujet montrent la nécessité de se tourner vers d’autres modes de management où le salarié possèderait un véritable droit d’expression. C’est d’abord un droit à faire vivre – comme nous l’avons rappelé dans notre précédent numéro -, mais aussi un besoin : «Notre manière de penser et de pratiquer le management semble à bout de souffle. Nombreux sont ceux qui rêvent de tout plaquer, se sentant étouffer dans des lieux de travail sans vie».
Une parole mieux prise en compte ?
Le management collaboratif est devenu en quelques années un dogme. Qu’il se nomme OPALE à EDF Hydro, Teo Way à EDF DTEO, Engie Way ou encore TEAMS , les objectifs affichés sont communs : audace, inventivité, souplesse, engagement, liberté, confiance, production, motivation. L’implication des salariés devenant une condition sine qua non de la pérennité de l’entreprise. Les entreprises sont donc confrontées, pour se développer voire pour subsister, à la question de l’engagement des salariés.
La question est donc la suivante : ces nouveaux types de management permettent-ils une meilleure prise en compte de la parole des salariés dans les projets d’organisation ?
La méthode agile ou Lean est présentée comme un outil vertueux, voire une norme dans nos entreprises.. Les salariés sont encouragés à s’exprimer sur les projets d’organisation et à travailler à la refonte des processus, sur la base d’une démarche participative. L’objectif est qu’ils fassent part de ce que les directions ont pris l’habitude d’appeler « irritants », de leurs besoins et de leurs attentes afin d’identifier des pistes d’optimisation. La parole est convoquée dans un cadre contraint, que salariés et managers ne peuvent ni discuter ni remettre en question. La personne qui questionnerait est souvent perçue comme quelqu’un qui n’adhère pas, même si ses propositions sont pertinentes. On recherche un alignement stratégique et idéologique plutôt qu’une véritable capacité d’innovation.
Si ce mode de management permet en apparence aux salariés d’exercer leur droit d’expression dans un cadre où la parole semble libérée, il présente des pièges dans lesquels le salarié ne doit pas tomber. La responsabilité est transférée sur le salarié sans reconnaissance ni financière ni professionnelle de son engagement et de ses responsabilités. Dans un contexte où de nombreux employeurs remettent en cause les grilles de classifications, ce nouveau mode de management pourrait renforcer la perte de repères et le nivellement par le bas.
Des outils collaboratifs autoporteurs ?
La mise en place d’outils collaboratifs s’est considérablement accélérée ces dernières années. A priori ils sont présentés comme favorisant le travail en commun, la dimension collective, l’initiative… sur la base d’une « auto régulation » et pourraient se substituer au rôle du manager tel qu’on le connaissait. En réalité – et l’analyse de nombreux spécialistes le confirme – ces outils collaboratifs ne sont pas « autoporteurs » : il faut une vraie volonté de l’organisation pour développer la notion de collectif ; si la communauté de travail n’existait pas avant, elle ne sera pas créée par ces outils. D’autre part beaucoup de salariés réaffirment des besoins de régulation par les managers de proximité.
L’Ufict-CGT propose
- de légitimer le management de proximité et de renforcer son rôle de ressource auprès des salariés encadrés
A l’heure où certains imaginent une « entreprise libérée » remettant en cause ce rôle, nous devons le réaffirmer et nous renvoyons au travail que nous menons depuis plusieurs années auprès de ces managers.
- d’encadrer le droit fondamental d’expression des salariés et de mettre en place des accords afin de protéger les différents acteurs (salariés, managers, employeurs)
- de développer les espaces de discussion et de dialogue social favorisant l’émergence de propositions d’organisation par les salariés.