Les dangers de la financiarisation

Le CEA est un acteur essentiel de la science au service des technologies de souveraineté nationale. C’est aussi l’endroit où sont mises en œuvre les solutions à de nombreuses ruptures technologiques dans des domaines aussi variés que les énergies décarbonées, l’environnement, le climat, la médecine, le numérique, les nanotechnologies… Le CEA est ainsi un des acteurs majeurs pour la création de richesses nationales et au croisement de plusieurs disciplines scientifiques …

Les 12, 13 et 14 Juin prochains, tous les salariés du CEA éliront leurs représentants au Conseil d’Administration du CEA. C’est un scrutin à un seul tour.

Ce vote intervient tous les cinq ans, c’est un moment important dans la vie du CEA. Les représentants des salariés composent un tiers de ce Conseil. C’est au sein de ce Conseil, que se décide la stratégie de notre organisme. La CGT a toujours considéré que les salarié.e.s devaient prendre toute leur place dans la définition de cette stratégie.

Voter pour les Administrateurs que la CGT parraine, c’est porter les aspirations des salarié.e.s, au cœur de l’instance de décisions majeure du CEA.

Des missions mises à mal

Indépendance et transition énergétiques, sécurité intérieure, dissuasion, ré-industrialisation non délocalisable, voici quelques-unes des missions confiées par l’Etat. Elles donnent du sens à votre engagement professionnel, ainsi qu’à celui de nos partenaires. La devise du CEA : « de la recherche à l’industrie » ne doit pas devenir un simple slogan publicitaire. L’Etat doit définir des axes stratégiques clairs pour notre organisme et associer les moyens nécessaires afin d’assurer ces missions.

Pourtant, le contexte programmatique et financier du CEA est particulièrement complexe depuis des années pour l’organisme et son personnel.

La Direction de l’Energie Nucléaire (DEN) et la Direction de la Recherche Technologique (DRT) ont pour tutelle la DGEC (Direction générale de l’Energie et du Climat) qui répartit ses subventions de façon très orientée, en sous-estimant les besoins de la recherche sur la fermeture du cycle du combustible notamment pour le projet ASTRID.

Les activités de recherche fondamentale de la Direction de la Recherche Fondamentale (DRF) sont subventionnées par le MESR (Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche) qui procède quant à lui à un financement dit « générique » de la recherche fondamentale, à priori sans directives.

Ceci a pour conséquence que la mission Energies du CEA qui réunit DEN et DRT pour la mise en œuvre de la transition énergétique, n’évoque jamais et ne tient aucun compte des recherches menées au CEA sur la fusion nucléaire. Tout cela parce que la fusion est sous tutelle de la DRF. Une hérésie, si l’on considère le potentiel de synergies possibles entre ces domaines d’intérêt.

Besoin de pluridisciplinarité et de moyens financiers

L’insuffisance de moyens alloués par l’Etat représente un grave danger pour la préservation de l’intégrité scientifique des recherches menées au CEA. L’ilôtage des activités de recherche en modules indépendants, et sans communication entre elles, conduit à une simple addition des efforts investis, sans permettre la démonstration de la cohérence et de la complémentarité des domaines couverts par l’organisme.

Dans le domaine de la médecine du futur, ne faut-il pas également s’interroger sur le sens d’un financement par des subsides du ministère de la recherche, fonctionnant sur un modèle plutôt directif de type R&D appliqué alors que cette activité devrait profiter d’un financement générique pour identifier les ruptures technologiques.

Pour l’UFICT-CGT, la pluridisciplinarité scientifique au CEA est surtout une formidable occasion de créer des savoirs et des expertises pour répondre aux besoins technologiques d’un monde complexe en évolution permanente. Et même si cela complique les stratégies de développement.

Pour l’UFICT-CGT, tout cloisonnement des activités de recherche accentue le risque de démembrement du CEA. Le cloisonnement rend possible l’arrêt ou le transfert de pans entiers d’activité. Ce n’est qu’en en apparence que la mission principale du CEA « de la recherche à l’industrie » en sortirait indemne. En réalité, avec des restrictions de son périmètre d’activité, l’organisme risquerait de perdre sa raison d’être. Certains pourraient se faire berner en pensant que leurs activités tireraient profit des déconvenues des autres. Ce serait négliger qu’avec cette logique pourraient advenir des changements d’une envergure encore jamais rencontrées dans notre organisme au cours de ses 60 années d’existence. Le dogme du marché associé au diktat de la finance primant désormais sur la raison scientifique, le CEA n’aurait plus aucune latitude dans ses choix scientifiques et technologiques.

L’énergie ne doit pas céder sous la pression financière

Le domaine des Energies est un parfait exemple pour démontrer la nécessité de résister à la pression financière.

L’investissement dans le réacteur expérimental ASTRID est considéré comme trop élevé, alors que son prix n’est que de l’ordre de quelques pourcents du plan national d’investissement dans les énergies renouvelables. L’UFICT-CGT estime que le nucléaire reste et restera, pour plusieurs décennies encore, une pièce maîtresse de la politique énergétique française, et dans ce sens il s’agit de renforcer les recherches visant à fermer le cycle nucléaire, même avec un parc en diminution.

La sagesse voudrait que l’Etat n’oppose pas les trois principales sources d’énergie décarbonée de demain, et continue d’investir significativement et de manière cohérente dans le nucléaire (fission et fusion) et les renouvelables. Tout comme il ne faut pas opposer grands moyens de production centralisés et autoconsommation. L’énergie, en fonction de son origine de production, a des applications-cibles différentes, pas forcément interchangeables. L’UFICT-CGT estime, que quel que soit le développement des énergies renouvelables, il faut continuer à moderniser le parc nucléaire existant avec les réacteurs de 3ème génération. Il faut poursuivre aujourd’hui et demain les études et les investissements dans des nouveaux modèles de réacteurs : ceux de 4éme génération, seuls capables de réduire le volume et la toxicité des déchets nucléaires à enfouir. Il faut poursuivre les études sur les SMR (Small Modular Reactor) pour diversifier les applications du nucléaire et répondre à de nouveaux besoins (source calogène, production d’électricité en zone insulaire, dessalement de l’eau, production d’hydrogène….. ) ainsi que sur les réacteurs à fusion nucléaire par confinement magnétique pour assurer une production d’énergie qui ne consomme pas d’Uranium.

Dans le domaine des renouvelables, un des grands défis qui incombent au CEA, est celui du développement des capacités de stockage de l’énergie à grande échelle pour minimiser les effets de l’intermittence et l’optimisation des moyens de production d’énergie. Mais produire plus d’énergie décarbonée ne suffira pas. L’UFICT-CGT soutient également qu’il faille aussi massivement réduire la demande d’énergie. Par exemple, en renforçant les normes environnementales (consommation d’énergies et émissions de gaz à effet de serre) des bâtiments neufs, et en renforçant l’isolation des bâtiments existants. Rappelons que le CEA a su démarrer des projets de R&D sur les bâtiments à énergie positive, et que cette activité, faute de financements, est aujourd’hui à l’agonie. Il est urgent de relancer de vrais programmes de recherche pérennes dans ce domaine avec des engagements de financement à la hauteur.

L’austérité n’épargne aucun secteur

L’UFICT-CGT déplore que dans tous les secteurs de recherche dans lesquels le CEA est engagé ses équipes souffrent d’un financement sous tension permanente ne permettant pas de faire face aux enjeux de façon pérenne. Ainsi, dans le secteur civil, on note une compression continue de la subvention affectée aux programmes, ainsi qu’un affaiblissement de la recherche amont. De même, il existe depuis plusieurs années un décalage excessif du centre de gravité des activités du CEA vers l’aval industriel. Enfin les tensions sur les effectifs techniques et scientifiques imposées par les politiques d’austérité sur la plupart des directions opérationnelles, met aujourd’hui en péril ses compétences historiques. Dans ce contexte, avec le soutien de l’UFICT-CGT, vos élus parrainés par la CGT défendront en Conseil d’Administration la préservation de l’intégrité scientifique du CEA, la diversité et la pluridisciplinarité des programmes de recherche, fondamentale et appliquée. L’Etat doit intensifier l’investissement dans la recherche. La science et ses applications ne peuvent être des objets de spéculation financière. D’autant qu’elle est, par les missions du CEA, d’intérêt public

Le cadre budgétaire très contraint dans le domaine de la défense et de la dissuasion ne permettra de maintenir les programmes en cours à la Direction des Applications Militaires qu’à condition d’étaler ses programmes dans le temps. A l’instar du secteur civil, des « rééquilibrages » seront à l’ordre du jour. Avec le soutien de l’UFICT-CGT, vos élus parrainés par la CGT défendront le maintien des budgets nécessaires afin que la DAM puisse à la fois remplir ses missions dans de bonnes conditions et déployer les innovations issues de ses programmes dans le secteur civil.

Sous la contrainte permanente d’une pression financière à la limite de la soutenabilité, comment ne pas redouter qu’une direction générale du CEA ne cède à l’idée d’une cure d’amaigrissement pour adapter son corpus « XL » (l’ensemble des salarié·e·s et compétences) à un manteau financier « XS » ? Combien de branches, combien de têtes, lui faudrait-il couper sur l’arbre CEA pour retrouver une situation d’équilibre ? Equilibre illusoire avec un budget toujours révisé à la baisse, alors que les coûts externes et les besoins sont en perpétuelle augmentation.

RJH : réacteur dans la douleur

Comment, à ce propos, ne pas évoquer le douloureux sujet du Réacteur Jules Horowitz ? L’énorme contrainte que fait peser la construction du RJH sur le budget global du CEA, les engagements incertains et au coup par coup de l’Etat, grèvent notablement les capacités d’investissement du CEA. Elles inquiètent légitimement l’ensemble des salariés du CEA.

La décision de terminer la construction du RJH a été prise au Comité de l’Energie Atomique. Le CEA participera à hauteur de 200 M€ au surcoût “grâce à des redéploiements et des économies réalisées sur les activités nucléaires”. Les modalités précises du financement sont encore inconnues. Cependant, le montant des économies à réaliser sur ses activités nucléaires est tel qu’il va stériliser, pour quelques années encore, les capacités d’investissement de la Direction de l’Energie Nucléaire. L’État courra-t-il le risque de voir se développer un désert autour de ce réacteur si les investissements dans des installations servant la R&D nucléaire sont sacrifié pour terminer ce chantier ?


Dans ce contexte fortement dégradé au sein de ce pourtant bel organisme, les salarié·e·s, peuvent compter sur la détermination d’Administrateurs présentés et soutenus par la CGT. Ils porteront haut et fort la parole et les idées de ceux qui les ont élus. L’UFICT-CGT les soutiendra et mettra son énergie, sa détermination et sa volonté au service de « la reconquête des moyens dans tous les secteurs d’activité du CEA », animée par l’esprit de la conquête sociale au service d’une recherche pluridisciplinaire de qualité, avec en exergue la préservation du capital premier de l’organisme : ses salarié·e·s.


Le Conseil d’Administration

Il comprend dix-huit membres.
Sept sont des représentants de l’Etat nommés par décret : l’Administrateur Général et six représentants des tutelles, cinq personnalités désignées en raison de leurs compétences, dont le Haut-Commissaire. Un représentant d’EDF siège également, ainsi que six représentants élus du personnel CEA.
Le Conseil d’Administration est l’acteur collégial central du pilotage de l’organisme. Il vote à la fin de chaque année le projet de budget du CEA de l’année suivante et, à la fin du premier trimestre, il se prononce sur l’arrêté des comptes de l’année écoulée. De plus, il aborde lors de ses réunions les questions relatives à la stratégie de recherche et de développement du CEA (missions, objectifs, investissements, ressources humaines, …) auprès de partenaires industriels majeurs tels qu’EDF, AREVA, STMicroélectronics, …


L’UFICT-CGT c’est quoi ?

L’Ufict, c’est d’abord près de 10 000 ingénieurs, cadres, technicien.nes et agents de maîtrise du secteur de l’énergie.

Elles et ils s’organisent de façon autonome dans la CGT au sein de la Fédératon Nationale Mines Energie pour faire vivre un syndicalisme qui leur ressemble. C’est un espace de liberté disponible pour élaborer collectivement des solutions adaptées aux situations qu’ils rencontrent dans leur quotidien de travail… Un espace dans lequel la parole de chacun compte et où l’avis de tous est respecté.

En résumé, l’Ufict c’est la CGT des cadres et des maîtrises animée par eux et pour eux.

Mais la particularité de notre syndicalisme ne tient pas uniquement à cela. Contrairement à un syndicalisme catégoriel, nous nous attachons à porter les aspirations de nos catégories en veillant en permanence à préserver le lien qui nous lie à l’ensemble des salariés.