Ingénierie à Enedis : des métiers dans l’impasse ?

   A force de « fausses solutions », de logiques de moindres coûts et de non reconnaissance, ces métiers sont de moins en moins attractifs et la direction peine à fidéliser les salariés…

Déjà, dans l’Options de septembre 2022, nous évoquions les menaces désormais réelles à Enedis que les métiers de l’Ingénierie Raccordement soient externalisés.  Aujourd’hui, nous revenons sur les étapes qui ont conduit aux revendications actuelles sur ce métier : régulation de la charge de travail, reconnaissance, fidélisation et pénibilité.

Histoire d’un désastre annoncé

A l’époque des centres de distribution (années 2000), puis lors de la transformation en Directions Régionales (dans les années 2009-2010), les services Ingénierie ont toujours été traités à la fois comme des « métiers à enjeux » (au vu des acteurs impliqués), mais aussi comme des services dans lesquels il fallait remonter toujours davantage de gains de productivité. Dans cette quête aux profits, nulle place pour le partage, et ces gains n’ont jamais été réinjectés vers les ex chargés d’affaires devenus depuis des « chargés de projets ».

Les conséquences ont été un déclassement structurel de ces métiers, malgré une responsabilité pénale engagée en nom propre de l’agent (par exemple en cas d’accident sur chantier), dans le cadre de la délégation de pouvoir de l’employeur sur la construction des ouvrages. Et aussi
une surcharge constante de travail liée au sous-effectif dans ces emplois statutaires. D’où un cruel déficit d’attractivité de ces postes, avec des agents compétents, en perte de motivation, de sens au travail et se sentant oubliés par leur direction.

Début 2010, l’entreprise sentant une tension sociale potentiellement dangereuse, des premiers éléments de langage ont été distillés par l’employeur, à travers différentes réunions de proximité avec l’ingénierie. Mais il ne s’agissait déjà que de discours/promesses face à des revendications légitimes, visant à :

  • Renforcer le management, le pilotage, l’appui, le contrôle et l’accompagnement.
  • Rendre le métier attractif et fidéliser les agents avec des parcours professionnels.
  • Assurer le renouvellement des compétences. Donner des signes tangibles de reconnaissance .

 

 

Simultanément à ces annonces, le rapport de force est monté pour conduire, en 2014, au lancement d’une concertation nationale sur les métiers de l’Ingénierie.

 L’Ufict-CGT y a pris toute sa place et cela a abouti à une réévaluation de ces métiers et une meilleure visibilité de la filière. C’était une première victoire, mais la bataille était loin d’être terminée car, en 2015, ERDF (nom d’Enedis à l’époque) se dédouane de son obligation légale de santé-sécurité envers ses agents. Elle refuse de traiter sur le fond l’organisation des effectifs (organigramme, reclassements prioritaires) en lien avec la charge de travail, qui reste une revendication primordiale !

L’entreprise a refusé de traiter sur le fond l’organisation des effectifs en lien avec la charge de travail !

Le combat continue après cette 1ère victoire

Plusieurs reprises, des demandes d’expertises ont été formulées dans plusieurs Directions Régionales (DR). Dans l’une d’elles, une procédure de danger grave et imminent (DGI) est déposée, suite à la tentative de suicide causée par le « burn-out » d’un chargé de projet. L’employeur, estimant la demande infondée, attaque la CGT au tribunal. Après délibération, Enedis est déboutée et doit, après un accord avec la CGT, recourir à une expertise.

Et les résultats confirment les problématiques : charge de travail, mal être, turnover des effectifs occasionnant la perte des compétences… La direction a, bien sûr, fermé les yeux sur les préconisations de l’expertise et, les années passant, les problématiques ont ressurgi de plus belle.
Les directions se succédant, elles veulent apporter leur pierre à l’édifice. Elles lancent alors le management collaboratif à travers le Projet Industriel et Humain (PIH). L’idée est de faire prendre les décisions aux salariés puisqu’ils demandent plus d’autonomie.

La responsabilité est reportée sur les agents

En 2021, des groupes de travail se mettent en place. Ils reportent la responsabilité sur les agents : c’est à eux de trouver des solutions aux problèmes engendrés et non résolus par ces mêmes directions. Au passage, les prérogatives des représentants du personnel sont bafouées. De ce groupe de travail émane alors un projet national nommé « Feuille de route RH ING ». Il reprend, sous forme de quelques miettes, des engagements qui n’avaient pas été tenus en 2015, lors de la concertation Ingénierie (respect des volumes de reclassements). Mais ces « annonces » ne visent qu’à masquer les problèmes de reconnaissance : des expérimentations autour de primes et de véhicules élec- triques en location ainsi qu’au travers d’un groupe de travail sur la régulation de la charge de travail… Au final la direction dévoile sa solution : recourir à la sous-traitance !

La solution de la direction :recourir à la sous-traitance !

Recours à la sous-traitance : la boîte de pandore est désormais ouverte !

C’est la solution miracle de la direction pour l’ingénierie… Pourtant, tout au long de la concertation nationale, et malgré les questions de la CGT sur le sujet, aucune vision claire de ce qui est engagé comme externalisation sur le territoire national n’a été fournie. Quel volume, quels
types d’affaires ? Une sorte de tabou et d’hypocrisie entretenus, alors que les projets se mettent en place progressivement dans la plupart des Directions Régionales ! Nous reviendrons, lors d’une analyse plus complète, sur ce sujet de la sous-traitance. Mais ce qui est sûr, c’est que la dernière concertation nationale en date reste sur la même lignée : les engagements de reclassements des salariés de ces métiers sont infimes et ne permettent pas de rattraper le retard accumulé. D’où un besoin de reconnaissance de plus en plus crucial ! La direction communique sur des parcours professionnels théoriques, mais qui n’ont que peu de prise avec la réalité… En matière de formation, elle accumule les e-learning et compte sur les plus anciens pour « prendre en charge » – sans reconnaissance –les nouveaux arrivants.

Un besoin de reconnaissance de plus en plus crucial !

En résumé Enedis qui, depuis des années, dit vouloir fidéliser et rendre attractif le métier de l’ingénierie, ne se donne pas les moyens de ses ambitions ! Dans ces conditions, notre travail syndical reste la proximité, l’information des salariés et la capacité à faire émerger collectivement des cahiers revendicatifs locaux. Mais seule la mobilisation massive et coordonnée des salariés pourra changer la donne !

Seule la mobilisation massive et coordonnée des salariés pourra changer la donne !

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