Le projet de démantèlement du groupe quel que soit son nom suppose l’ouverture du capital d’EDF vert qui regrouperait notamment Energies Renouvelables, EDF Commerce et Enedis.
Le schéma d’éclatement du groupe EDF, concocté par les banques d’affaires, s’inspire de ce qui s’est fait outre-Rhin pour des groupes comme E.ON ou RWE. Il s’agirait de cantonner d’une part les activités en décroissance (notamment le nucléaire dont l’arrêt est programmé), et les activités renouvelables, de commercialisation et de réseau d’autre part, dans une optique de valorisation boursière.
La distribution d’électricité avec Enedis : un atout majeur !
Le régime concessif et la gestion à la maille nationale sont les deux piliers du modèle français de service public. Ils n’ont pas été remis en cause, ni par la loi de 2000 d’ouverture à la concurrence, ni par les directives ettranspositions successives.
En revanche, le processus de libéralisation enclenché dans les années 90 a généré de nombreux surcoûts visibles des consommateurs. C’est par exemple, le cas avec la séparation des fonctions de gestion du réseau et de commercialisation, la dissociation toujours plus forte des activités électriques et gazières au sein duservice commun de distribution ou encore les exigences de séparation des activités de production, de transport et de distribution qui ont cassé des synergies dans le domaine des achats, de la Recherche et Développement… aussi bien pour EDF que pour Engie (ex Gaz de France).
Pour autant, ces changements n’ont jusqu’à présent, pas remis en cause le monopole des concessions d’EDF(assuré par sa filiale de distribution Enedis) et les tarifs de réseau (TURPE) mis en place avec la création de la CRE (Commission de Régulation de l’Energie) et qui s’appliquent à l’ensemble des consommateurs.
Bien que transformée en profondeur par les directives de déréglementation et le passage d’EDF en SA, la gestion de la distribution à la maille nationale par Enedis et l’attachement au service public des personnels restent de précieux atouts. Le modèle français reste efficace et il assure une péréquation tarifaire à laquelle les français sont très attachés.
Le projet d’éclatement d’EDF est une menace
La volonté de l’Etat de récupérer du cash en cédant des parts d’entreprises publiques a conduit la directiond’EDF à présenter un schéma dans lequel Enedis serait placé dans un « EDF vert », largement ouvert à la concurrence. Or, si le premier pilier du modèle français de service public – le régime de concessions – fait l’objet d’un large consensus, le deuxième – le monopole de distribution – est lui plus contesté. Outre que ce point estrégulièrement soulevé par la Commission Européenne, un certain nombre d’élus se réjouirait de la disparition de ce modèle pour s’approprier la maîtrise de la distribution sur leur territoire. Mais le corollaire serait de faireexploser ce monopole, pourtant essentiel au maintien de la péréquation tarifaire.
Aujourd’hui, les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité, dits TURPE, sont calculés sur les coûts d’Enedis qui, via le fonds de péréquation (FPE), indemnise les gestionnaires de réseau déficitaires. Mais tout cela fonctionne parceque seuls 5 % d’entre eux ne sont pas dans le périmètre d’Enedis. Les investisseurs privés, avides de placements dans des actifs sans risque et de rémunération garantie, sont à l’affût. Pour rappel, nombre de gestionnaires de réseaux d’électricité en Europe ont été rachetés par des fonds d’investissements (en Italie, en Grèce, au Royaume uni, des fonds chinois au Portugal…).
Trop de dividendes versés par Enedis à sa maison-mère ?
Nul doute en tout cas que dans une perspective de privatisation, la remontée de dividendes augmenterait significativement pour aller vers des fonds privés. Et si certains affirment, la main sur le cœur, que l’ouverture du capital d’Enedis serait sans conséquence sur les tarifs, l’emploi et les investissements… ils n’engagent qu’eux-mêmes ! Car si du fait de la privatisation, le monopole des concessions venait à être contesté, alors les concessions les plus rentables pourraient sortir du champ d’Enedis. Cela entraînerait de fait une forte hausse du prix du TURPE sur le reste du territoire. Au final, la péréquation telle que nous la connaissons ne survivrait pas à ce séisme ! Les demandes émanant des concédants lors des renégociations récentes des contrats deconcession font déjà apparaître des redevances en hausse qui se répercutent sur le TURPE. Il est clair qu’uneprivatisation d’Enedis, via celle d’EDF vert, renforcerait considérablement la pression sur le monopole desconcessions et remettrait en question la péréquation tarifaire actuelle, principe fondamental à une équité de traitement de l’ensemble des citoyens.
Une réorganisation sous couvert de transition énergétique
Certains expliquent que la réorganisation du groupe serait nécessaire pour qu’EDF prenne le virage de la transitionénergétique pour des raisons liées au financement des énergies renouvelables. Or, ce virage est déjà largement engagé à Enedis qui raccorde des centaines de milliers de sites de production d’énergies renouvelables. C’est d’ailleurs un facteur majeur d’évolution des activités d’Enedis et de hausse des investissements et des tarifsde distribution. L’existence en France d’un gestionnaire de réseau de taille nationale, est clairement un atout pour les transformations en cours dans le système électrique, dont EDF est un acteur même si certains feignent del’ignorer.
La transition énergétique nécessite une vision d’ensemble, coordonnée, des différentes composantes dusystème électrique. Le développement anarchique des productions renouvelables conduit à des surcoûts massifs d’investissement pour les réseaux, mais c’est le dernier des soucis des acteurs privés qui se ruent sur le secteur de l’électricité pour siphonner de gros profits liés à de juteux tarifs d’achat.
Pour l’Ufict-CGT, il est donc primordial de préserver la distribution d’électricité, cœur du servicepublic, gage d’efficacité économique, en empêchant la privatisation d’Enedis. Cela permettrade mener à bien une transition énergétique qui ne dégrade pas la sûreté et la continuité de l’alimentation électrique sur tout le territoire national.