Le tout numérique… au profit de qui ?

De nombreux échanges d’informations qui n’améliorent en rien les résultats !

A EDF, le redressement de la trajectoire financière du Groupe se décline en quatre chantiers : le « temps métal » (c’est-à-dire le temps véritablement consacré aux activités cœur de métier), les compétences, la performance opérationnelle et le numérique.

Selon la direction le tout numérique devrait nous faciliter la vie tout en renforçant la performance…

Le slogan relatif à ce dernier chantier : « Accélérer et industrialiser le numérique », recouvre la mise en place de processus qui impactent directement les conditions de travail des salariés, pour, selon la direction, plus de confort de travail et d’efficacité personnelle et collective. En résumé, le tout numérique devrait nous faciliter la vie tout en renforçant la performance de l’entreprise…

Le tout numérique rend le travail inconfortable

Il entraîne une présence accrue devant les écrans (ordinateur ou téléphone), car il faut rester connecté, informer et s’informer en « temps réel », renseigner tous les champs des multiples applicatifs… Pour quel confort ? Un confort physique ? De nombreuses études ont pourtant démontré le caractère nocif pour le corps d’une posture assise prolongée devant un écran. Un confort mental ? Mais les éventuels bénéfices de la numérisation des processus sont aussitôt aspirés par l’intensification permanente des activités quotidiennes, conséquence du déséquilibre chronique entre les effectifs et la charge de travail.

À qui profite donc cette course à la numérisation ?

Face à cette frénésie de données à saisir, les seules perspectives mises en avant par la direction résident dans la production et l’utilisation de ces données. À première vue, il est pertinent d’extraire des informations issues des applicatifs d’un métier pour les compiler et les exploiter. Mais la direction souhaite souvent aller plus loin. Par exemple à la Direction des Achats Groupe EDF, en plus de la plateforme dématérialisée servant à consulter des entreprises en vue de leur attribuer un marché, un nouvel outil numérique, appelé Cockpit, a été imposé afin de renseigner et récupérer certaines données qui, pour la plupart, n’intéressent absolument pas l’acheteur dans l’exercice de son métier. Le résultat se révèle totalement contre-productif, car le gain de temps généré par la dématérialisation de l’acte d’achat, est annihilé par la saisie de toutes les données exigées. D’autant plus que pour pouvoir, ensuite, utiliser ces données, il faut, au préalable, vérifier leur fiabilité… une totale incohérence avec le chantier « temps métal », et, encore, une perte de temps…

Mais alors, à quoi sert donc l’exploitation de toutes ces données… inutiles ?

Tableaux de reporting, indicateurs… ne peuvent justifier à eux seuls l’inflation grandissante de saisie de toutes ces données. L’autre raison se trouve, probablement, dans leur utilisation pour faire pression sur les salariés afin qu’ils atteignent leurs objectifs et les surveiller constamment… sans pour autant qu’ils améliorent leur performance. Et l’entretien annuel vient sanctionner cette prétendue performance,
qui mesure, en fait, le degré de soumission de l’évalué.

Une prétendue performance, qui mesure, en fait, le degré de soumission de l’évalué

Cette vision simpliste de l’amélioration de la performance de l’entreprise ne résiste pas à l’analyse. Elle est en contradiction flagrante avec l’esprit d’un management collaboratif récemment mis en place, car les salariés n’ont pas voix au chapitre. Elle masque une incapacité patente de l’entreprise à gérer et motiver les collectifs de travail. Si avec ces outils numériques, les salariés peuvent avoir le sentiment d’appartenir à un collectif du fait des nombreuses interactions, en réalité ces liens sont très faibles car ces collectifs sont éphémères, instables, avec de nombreux échanges d’informations mais très peu d’échanges en face-à-face. Au final ils n’améliorent en rien les résultats !

Réagir

Votre mail ne sera pas publié.