NEOM/NESTOR

Un projet pharaonique qui nécessite une réflexion éthique à plusieurs échelles…

NEOM est le nom de cette ville nouvelle et futuriste, située au nord-ouest de l’Ara­bie Saoudite, à proximité de la Jordanie, de l’Égypte et d’Israël, et dont « The Line » est l’aspect le plus emblématique. C’est une ville « intelligente », conçue pour ne pas émettre de carbone, sans voi­tures, ni rues. Ce projet urbain, en plein désert, est consti­tué de deux parois en miroir, séparées d’environ 200 m NESTOR, qu’il faut traduire par NEOM STORAGE, est hautes de 500 m… sur 170 km de long !

NEOM : 2 parois en miroir, hautes de 500 m…sur 170 km de long

NEOM est conçue pour fonctionner en économie circu­laire, zéro carbone, et sa conception révolutionnaire vise à réduire l’étalement urbain et améliorer la qualité de vie. Les résidents y bénéficieront de valets robotisés, de taxis drones volants, d’accès internet à haut débit sans fil, de plages phosphorescentes et même d’une lune artificielle. Mais tout cela, c’est de l’affichage !

Quid du respect des droits de l’homme et de l’environnement?

Si la première partie des travaux devrait être achevée en 2025, NEOM suscite de nombreuses controverses. En effet, 20000 membres de la tribu des Howeitat risquent d’être expulsés et deux membres de cette tribu ont été condamnés à mort en octobre 2022 à la suite de leur refus de quitter leur village (Documentaire Arte mis en ligne le 26/06/2024). NEOM, c’est aussi une société privée, dont il est possible d’acheter des parts en bourse.

Quelle sera la répartition sociale des occupants de NEOM ? 11 est mis en avant qu’il y aurait beaucoup d’étudiants, donc que cela engendrerait une mixité sociale. Des étudiants, cependant, issus de populations aisées, des élites, des ultra-riches qui se retrouveront dans des jardins d’Éden situés aux étages, tandis qu’un prolétariat misérable vivra dans l’obscurité entre ces murs interminables ?

Cerise sur le gâteau, une région de NEOM, nommée Trojena, a été choisie pour accueillir les IXèmes Jeux asiatiques d’hiver en 2029. Ce sera la première station de ski en plein air du Moyen-Orient, située entre 1 500 à 2 600 mètres d’altitude : une hérésie environnementale !

Des ambitions déjà remises en question

Les retards sont déjà tellement importants que cela in­terroge sur ce qui sera réellement opérationnel un jour. L’Arabie Saoudite, sans contester la remise en question de l’ensemble du projet, reste floue sur ce qui émergera réellement. L’usine de dessalement d’eau de mer a été annulée.

Les travaux de la station de ski prévue pour les Jeux Asiatiques peinent à démarrer, et au vu des photos actuelles, on se demande comment il serait possible de terminer les aménagements prévus avant la date des Jeux.

EDF étudie une STEP pour ce projet démesuré

un projet de STEP (Station de Transfert d’Energie par Pompage) porté par le Centre d’ingénierie Hydraulique (CIH) d’EDF depuis 2020, via sa Direction Internationale pour l’Arabie Saoudite. Si au départ cette STEP ne devait qu’alimenter NEOM en électricité verte, il est aujourd’hui envisagé de connecter NESTOR au réseau Saoudien, et donc à la population Saoudienne, vu le retard et les remises en question de nombreuses parties du projet « The Line ».

Cette annonce fait suite notamment au reportage de France Inter (Secrets d’info, mars 2024) et aux articles de presse qui ont suivi. Tous dénonçaient un projet pour “riches touristes
happyfew”, au détriment de la population Saoudienne. « NESTOR, pour renforcer le réseau Saoudien et donc la population », c’est la rhétorique reprise maintenant par EDF et le CIH, qui affirment que sans ce renforcement, NESTOR aurait des soucis de dissipation d’énergie en attendant la fin du projet NEOM. Néanmoins le but ultime reste bien d’alimenter en électricité NEOM…

Au premier semestre 2024, le CIH était sollicité pour établir un criblage et un pré design de STEP, avec la rédaction d’un Avant-Projet Sommaire (APS) et d’un Avant-Projet Détaillé (APD). Le livrable attendu (référence design) intégrant le coût et la conception, permettra ensuite aux Saoudiens de lancer des appels d’offres pour établir un cahier des charges en vue d’une consultation de réalisation et de suivi de chantier. Sur NESTOR seul, les agents du CIH vivent un projet « en dent de scie ». Tantôt il faut remettre un basic design, tantôt on parle de volonté de lancer un appel d’offres pour être concessionnaire à part entière, donc le basic design ne ferait plus sens…

En 2024, plus de 30 agents du CIH ont travaillé sur NESTOR

Déjà plus de 30 agents du CIH ont été sollicités pour tra­vailler sur NESTOR en 2024. Techniquement, ils trouvent ce projet passionnant mais se posent de nombreuses ques­tions, notamment liées aux impacts de NESTOR intégré à NEOM, sur les droits humains, environnementaux et sociétaux.

La CGT est très critique sur ce projet

EDF travaille à de nombreux projets à l’international, aussi bien dans l’hydraulique que dans le nucléaire… et malheureusement, rarement avec des gouvernements vertueux… Mais si certains projets contribuent à améliorer la situation des populations locales, comme le barrage de Nam Theun au Laos, les EPR en Chine…, le projet NESTOR est très loin de s’inscrire dans ces types de projets, comme évoqué précédemment. La CGT ne voit, dans ce projet, aucune amélioration pour les populations locales.

La CGT ne voit aucune amélioration pour les populations locales

C’est pourquoi la CGT du CIH revendique que, pour chaque projet à l’international, l’entreprise s’assure du bénéfice/risque du projet, afin d’évaluer les intérêts propres d’EDF (parfois dépassés par des intérêts géopolitiques de la France). Quel impact sur l’image d’EDF de ces projets?

Quelle finalité sociale de ces projets (ici, l’électrification pour les populations, ou pour une station de ski en plein désert réservée aux ultra riches ?). EDF doit aussi s’assurer qu’il n’y a pas d’impacts environnementaux trop forts, ni de risques d’atteinte aux droits humains, et ceci même si l’entreprise n’est qu’un des contributeurs. Il en va de sa responsabilité sociale.

Electrification pour les populations ou pour les ultra riches ?

Pour la CGT, il faut s’assurer de l’évolution du bénéfice/risque tout au long des projets, sans que les lignes rouges définies par les recommandations de l’ONU ou d’autres organismes internationaux ne soient dépassées.

Car face à des projets comme NESTOR, les agents sont partagés entre l’intérêt à réaliser un bel ouvrage technique et les impacts sociaux et environnementaux négatifs inhérents à NEOM. Il est hors de question que des choix d’entreprise soient la cause de tensions entre agents.

La CGT, tout en restant à l’écoute des agents, les invite à avoir une réflexion éthique à plusieurs échelles : vis-à-vis de leur activité propre, du projet final, de la position du groupe dans ce pays.

Réagir

Votre mail ne sera pas publié.