Nouvelle régulation du marché de l’électricité

photo of truss towers

L’état et EDF sont parvenus à un accord mais les « petits  » usagers ne vontils pas en faire les frais ?

Le dispositif ARENH (Accès Régulé à l’Éner­gie Nucléaire Historique) s’arrêtera fin 2025. On ne peut  que s’en réjouir car ce disposi­tif a été ruineux pour EDF et explique pour une bonne partie les 65 Md € de dettes qui pèsent aujourd’hui lourdement sur l’entre­prise. Rappelons qu’au titre de l’ARENH, EDF brade, depuis plus d’une dizaine d’années, 100 TWh à ses concurrents, soit une grande partie de l’électricité qu’elle produit  dans ses centrales nucléaires, à un prix de 42 €/MWh. Si ce cadeau représentait en 2010 114 de la pro­duction totale, il a bondi à 43 % en 2022. En cause, la déci­sion précipitée du gouvernement qui a fait grossir la part cédée à 120 TWh, conjuguée à la fermeture  aberrante de Fessenheim. N’oublions pas qu’EDF traversait alors une période plus que difficile avec un problème générique sur ses centrales nucléaires (Corrosion Sous Contrainte). La loi Nome qui prévoyait un abaissement du volume cédé en cas d’aléas a ainsi été balayée d’un revers de main. Le bilan a été catastrophique dans les comptes avec une perte record de 18 Md € en 2022 !

Des contrats de plus long terme voient le jour

Les clients industriels, pour 2026, pourront désormais souscrire des contrats de moyen et long terme de 3 à 5 ans et même 10 ans et plus. La direction de l’entreprise aura ainsi une vision  moins court-termiste de ses rentrées financières et elle estime que cela conduira à plus de stabili­té sur les prix qui devraient être plus en ligne avec les prix de production. Mais ces prix, pour EDF et l’État, devraient converger autour de 70 €/MWh… donc à un niveau bien supérieur au prix actuel de l’ARENH !

Les prix devraient converger autour de 70 €/MWh contre 42 € pour  lARENH

Les prix de lélectricité vont encore augmenter !

Bien que la formule qui définira le futur tarif pour le particulier soit encore en cours de finalisation par la CRE (Commission de Régulation de l’Énergie), avec ces nouveaux contrats et des prix à 70 €/MWh, il ne fait aucun doute que le Tarif Régulé de Vente de l’Électricité (TRVE) va encore augmenter pour les clients particuliers, les petites entreprises et les collectivités locales. Car en plus de la part énergie des factures, la part transport (avec le TURPE : tarif d’acheminement de l’électricité pour financer le transport et la distribution de l’électricité) sera à la hausse pour les années à venir. En effet, il faudra encore adapter le réseau de distribution pour des injections toujours plus nombreuses d’énergies renouvelables décentralisées… Sans compter que RTE, qui suit la vision libérale de Bruxelles, va aussi renforcer les échanges commerciaux à nos frontières !

Un point positif tout de même, certaines entreprises et collectivités, qui n’avaient pas accès au tarif régulé, pour­ront désormais y accéder. Mais on ne peut que regretter que toutes ces réflexions n’aient été menées que pour les industriels et les fournisseurs alternatifs qui achètent de grosses quantités d’électricité. Y aura-t-il des recours des autres consommateurs ?

Les surprofits taxés

Si les prix de l’électricité venaient à trop augmenter, le gouvernement a prévu de ponctionner les surprofits, mais uniquement sur l’électricité nucléaire d’EDF. Au-delà de 78 à 80 €/MWh ce sera 50 % de ponction, et même 90 % au-delà de 110 €. Mais aucun dispositif n’est prévu pour protéger EDF en cas de forte baisse : ce risque marché sera donc entièrement porté par EDF, sans aucune compensation. Tout comme le risque industriel de production qui reposera aussi sur l’entreprise, car il n’y a pas non plus de soutien de l’État prévu en cas d’indisponibilité des cen­trales nucléaires (alors que les textes régissant l’ARENH embarquaient cette notion, même si cela n’a jamais été ap­pliqué). Ce sera donc une pression de plus sur les salariés et il ne faudrait pas que dans ce contexte, la sûreté  passe au second plan par rapport à la disponibilité, sachant que le contrôle de la sûreté nucléaire est actuellement revu avec la réforme IRSN/ASN…

Et les usagers dans tout ça ?

Cette énième réforme du marché n’est pas sans poser des soucis de compréhension, de visibilité et de stabilité des tarifs. Élus, collectivités et usagers (résidentiels et PME) sont réduits au rôle de spectateurs avec une construction du TRVE qui devient, de fait, encore plus liée aux cours du marché et de moins en moins transparente. Pourtant l’électricité reste un bien de première nécessité, et il est indispensable qu’elle soit bon marché dans une période ou l’inflation crève les plafonds. La fin annoncée du bouclier tarifaire ou les Chèques Énergie ne sont que des solutions temporaires qui ne  règlent en rien le problème de la flambée des prix et du marché. Et si l’État ponctionne les surprofits, rien n’assure que cela sera intégralement versé à tous les particuliers de façon équitable,  sans oublier les plus démunis et les DOM où les taux de précarité énergétique dépassent les 40 %.

La pression et le sens au travail risquent encore de se dégrader

A priori ces nouveaux contrats ne devraient pas entraîner de modifications dans l’organisation d’EDF  (sauf si l’ac­ceptation des principes de l’accord était mise en pièce par une contestation quelconque), mais ils actent une perte de souveraineté énergétique, car ces contrats seront acces­sibles en dehors  de la France. Ils seront toutefois signés pour une livraison en France, ce qui limite leur exporta­tion du  fait  de la capacité d’échanges aux interconnec­tions…  mais qui est annoncée en hausse par l’Europe pour  le futur. L’Europe libérale devrait donc les valider, par contre la pression et le sens au travail pour les salariés risquent encore de se dégrader un peu plus.

Des comptes d’EDF qui vont revenir au vert ?

Le PDG Luc Rémont annonce que les investissements d’EDF vont passer de 15 à 25 Md€/an  pour faire face à la transition énergétique (nouveau nucléaire et existant, renouvelables, réseaux…) qui  sera fortement électrifiée dans la prochaine Programmation Pluriannuelle de l’Énergie 2024-2033. Mais pour l’instant la relance du nucléaire n’est que dans les discours et n’est pas financée, et c’est EDF qui prend à sa charge toutes les études et les anticipations de commandes !

La question de l’hydraulique et du renouvellement des concessions reste toujours en suspens alors que ces amé­nagements fournissent une énergie renouvelable, pilo­table, absolument essentielle pour le réseau afin d’intégrer les fluctuations des énergies intermittentes et stabiliser tension et fréquence partout en France.

Dans ce contexte encore incertain, une seule certitude émerge : EDF n’aura aucun intérêt à une baisse des prix de marché. On peut en déduire que compte tenu de la fragilité de ses comptes, l’entreprise y veillera ! De là à en conclure que l’État et son opérateur ont finalement sauvé le marché et ses logiques libérales au détriment de l’intérêt général et d’une électricité bas carbone… il n’y a qu’un pas. Et dans une EDF désormais entièrement aux mains de l’État (puisqu’il en détient 100 % du capital), il est à craindre que ce dernier décide unilatéralement de la stratégie et de la politique de dividendes.

Rien nassure que le prix de détail soit stabilisé à un prix abordable pour les usagers

Avec ces contrats de vente de gros d’électricité censés sta­biliser le prix de vente, rien n’assure qu’ils stabiliseront effectivement le prix de détail, et à un prix abordable pour les usagers, car ce qui sera conclu par un contrat de moyen et long terme pourrait tarir les volumes disponibles pour ceux qui n’auront pas eu ce privilège. C’est pourquoi il ne faut pas que le futur TRVE embarque une quelconque référence à ces contrats, pour faire enfin porter les risques marchés sur ceux qui l’ont voulu et non sur les usagers qui n’y comprennent plus grand-chose… Sauf que tout ce système reposant sur le marché fait grimper les prix !

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