Options n°614 – Paroles de femmes engagées

Il est aisé de constater que la législation avance difficilement… Aujourd’hui, seule une prise de conscience individuelle, puis collective, pourra accélérer le processus de mise en œuvre. Chacun peut et doit agir… car cette égalité est favorable à l’avenir de notre société que ce soit sur les retraites, la croissance ou bien la politique. Ainsi, malgré toutes les lois, les discours et autres chartes, le salaire des femmes reste inférieur de 27 % en moyenne à celui des hommes. L’accès aux responsabilités reste un combat pour les femmes souvent tiraillées entre leur rôle familial et leur volonté d’évoluer. Bien entendu, des améliorations notables ont vu le jour sur l’égalité professionnelle, suite à des accords signés. Pourtant, alors qu’EDF avait été précurseur en 2004 en signant son premier accord « éga pro », dix ans plus tard son label Egalité Professionnelle est suspendu : la majorité des organisations syndicales ont refusé de signer un nouvel accord qui ferait marche arrière pour les droits des femmes…
Les directions interprètent souvent les articles et nous-mêmes, militant.es, sommes-nous à la hauteur de cette responsabilité ? Notre corps militant est-il formé et convaincu ?

Pour aller de l’avant, nous devons lutter pour cette égalité, pas seulement sous l’angle de la défense des droits des femmes en général et des salariées, mais également sous celui de la place réelle des femmes dans nos structures… dans l’accès aux responsabilités syndicales. Inclure l’égalité femmes/hommes dans toutes nos revendications, nos instances et nos actions, voici notre ambition !

Egalité femmes-hommes, casser le thermomètre ou agir enfin !

Clémence Helfter, membre de la Commission exécutive de l’Ugict, et de la Commission confédérale Femmes-Mixité, animatrice de la Commission égalité femmes-hommes de l’Ugict fait le point sur l’actualité et donne des pistes.

Les entreprises respectent encore trop peu l’obligation légale de négocier un accord égalité professionnelle : moins de 40 % des entreprises assujetties sont effectivement couvertes par un accord ou un plan d’action. Et les cas d’échec des négociations sont nombreux, débouchant ainsi sur un plan d’action unilatéral de l‘employeur. Clémence Helfter estime que la plupart de ces accords et de ces plans d’action sont des coquilles vides, plutôt des déclarations de grands principes que des mesures visant l’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes, avec des objectifs chiffrés et des indicateurs de suivi précis.

C’est dans ce contexte, peu porteur pour les droits des femmes, que le projet de loi Rebsamen prévoyait la suppression de l’examen du rapport de situation comparée (RSC), fondu dans la base de données économiques et sociales. Le RSC permet pourtant d’établir un état des lieux précis des inégalités dans l’entreprise, bien difficile à exploiter s’il se résume, comme c’est trop souvent le cas, à une collection de tableaux et de données statistiques sans analyse. La mobilisation de la CGT avec d’autres syndicats et tout un réseau d’associations féministes a permis de sauvegarder le contenu de cet outil. Cependant, Clémence demeure prudente pour apprécier si effectivement le contenu des RSC est bien préservé, car les décrets d’application ne sont pas encore parus. La CGT militait également pour un droit d’expertise dédié à l’égalité pro mais cette revendication n’a pas complètement abouti : l’expertise est soumise à autorisation de l’employeur.

La mixité : des métiers pour toutes et tous

L’Insee distingue 87 familles de métier. Vingt de ces familles concentrent la moitié des hommes que seulement douze concentrent la moitié des femmes. Les femmes ne représentent par ailleurs que 39 % des cadres alors qu’elles sont désormais plus diplômées que les hommes. Ces données illustrent ce que l’on appelle la ségrégation professionnelle.

Ainsi, il y aurait des métiers spécifiquement féminins (aide à domicile, assistante, infirmière, enseignante…) qui correspondraient aux qualités supposément féminines (attention portée aux autres, gestion des conflits…) : FAUX ! Ce ne sont que des stéréotypes en guise d’explication.

Au passage, il y a non seulement une ségrégation horizontale (par métier) mais également verticale. Ainsi même dans les secteurs à prédominance féminine, dits aussi « féminisés », les dirigeants sont des hommes !

Il est aussi notable que les femmes sont souvent surreprésentées dans ce qui ne constitue pas le « cœur de métier » des entreprises, mais les fonctions support (fonctions RH et juridique par exemple).

Et même dans les métiers qui se caractérisent par la parité, on note des spécialisations : ainsi, parmi les juges, l’écrasante majorité des juges aux affaires familiales ou des juges pour enfants sont des femmes. Idem par exemple pour les pédiatres chez les médecins.

Les entreprises se dédouanent en arguant que le recrutement se fait sur la base de la « production » du système scolaire. Ainsi par exemple, les jeunes femmes ne représentent que 27 % des étudiants en écoles d’ingénieurs. Eh bien justement, pour Clémence, il faut non seulement combattre les stéréotypes qui jouent sur l’orientation scolaire, mais aussi porter, en tant qu’élu.e.s CGT, une plus grande attention sur les modes de recrutement. Il faut notamment exiger des employeurs qu’ils fournissent aux IRP le sexe et le nombre des candidats à un poste, et le sexe et le nombre des candidats reçus en entretien. Elle pointe en matière de recrutement un phénomène de« reproduction » : un homme aura plutôt tendance à recruter un homme (qui plus est, issu de la même école).

Un autre handicap attend les femmes recrutées dans des « métiers d’hommes »

De fait, souvent leur carrière professionnelle bifurque vers d’autres métiers plus féminisés. Ce phénomène, assez répandu, pose la question des conditions de travail, de l’atmosphère au sein du collectif de travail ainsi que des problématiques liées au fait que l’articulation entre les vies professionnelle, familiale et sociale, repose encore très majoritairement sur les femmes. Dans un contexte où les femmes ont un salaire inférieur à celui des hommes d’environ 27 % en moyenne, un arbitrage se fait dans le couple à la naissance des enfants et ce sont ainsi les femmes qui se retirent du marché du travail pour garder les enfants faute d’un mode d’accueil accessible financièrement et géographiquement.

Enfin, dans la gestion de leur « vivier », les entreprises, même si elles s’en défendent car c’est illégal, prennent en compte la possibilité d’une maternité pour écarter les femmes des postes à responsabilités et les freiner dans leur carrière. Elles contribuent par-là à la persistance du « plafond de verre », barrière invisible mais bien réelle, au-delà de laquelle les femmes se raréfient plus on monte dans la hiérarchie des entreprises.

Dans les pays voisins, il n’existe pas de modèle exemplaire 100 % enthousiasmant, même si les pays scandinaves ont pris de l’avance, notamment en terme de congé parental : une des questions clefs pour l’égalité femmes-hommes. La CGT porte l’idée d’un congé plus court et mieux rémunéré, pour inciter les pères à en prendre tout ou partie, et à contribuer à l’exercice d’une parentalité partagée.

Et les femmes dans la CGT ?

Contrairement aux idées reçues, les femmes ne se détournent pas des syndicats : un nouveau syndiqué sur deux à la CGT est une syndiquée. Mais force est de constater que cette réalité de l’engagement des femmes ne se traduit pas à tous les niveaux de l’organisation. Car si la parité est la règle au niveau confédéral depuis 1999, les femmes ne représentent que 17 % des Secrétaires Généraux (SG) de fédérations, et 22 % des SG d’UD, comme l’a montrée une étude réalisée en 2015 par Rachel Silvera et Tiphaine Rigaud. Ces dernières mènent une étude qualitative pour analyser le plus grand turn over des femmes premières dirigeantes à la CGT, identifier les freins à la prise de responsabilités des femmes dans la CGT, et les leviers pour leur permettre d’accéder aux responsabilités et d’y rester dans de bonnes conditions. Ces travaux ont alimenté la réflexion de la commission confédérale Femmes-Mixité pilotée par Sophie Binet, par ailleurs Secrétaire Générale adjointe de l’Ugict, qui débouche sur la parution imminente d’un guide pour

« Réussir l’égalité dans la CGT  ».

Vaste sujet qui sera au menu du prochain congrès confédéral de la CGT à Marseille… n

 

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