« Réussir la croissance responsable » : c’est sous cet élégant slogan que se cache le nouveau plan qui remplace le projet d’entreprise PIH (Projet industriel et Humain). Comme à GRDF, et depuis des années, ENEDIS est en chasse permanente de gains de productivité et l’externalisation massive devient la norme, au détriment des postes statutaires, pour trouver 636 millions d’euros sur la période 2025-2027.
Personne n’échappe à ce plan d’externalisation
L’effort demandé s’élargit désormais aussi aux cadres, dans les directions nationales, avec notamment la mise en place de l’excellence opérationnelle – Le Lean Management fait son funeste retour ! -, la réduction des frais de transport et déplacement, l’optimisation via l’intérim… pour dégager environ 201 M€ d’économies, soit le tiers du plan attendu…
Le Lean Management fait son funeste retour !
Des pans entiers d’activités historiques externalisés
Sous couvert de transition énergétique, et face à une centaine de postes sources à construire d’ici 2040, ce domaine, historiquement « non sous traitable », car composé majoritairement d’emplois statutaires hautement qualifiés (pilotage de chantiers, prescription, expertise matériel…), s’ouvre à la sous-traitance. Cette nouvelle politique industrielle accélère le transfert de compétences clés vers le privé. Tout comme l’ingénierie réseaux, le domaine « postes sources » aura son propre marché de maîtrise d’ouvrage déléguée (MOED), pour conduire des chantiers « clés en main », pour le compte d’ENEDIS. C’est un changement radical d’orientation industrielle dans l’histoire du distributeur et « les sachants » ne sont plus écoutés et n’ont plus leur mot à dire !
Pour le domaine « opérations », les temps de gamme seront revus. Mais ce qu’omet de préciser la direction, c’est qu’elle compte aussi extemaliser vers des prestataires déjà habilités, à terme, l’activité cœur du « dépannage terrain », hors heures ouvrables. D’ailleurs, sous couvert d’anonymat, des acheteurs confirment que les marchés sont en cours de déploiement: libre ensuite, à chaque unité, d’appuyer sur le bouton…
C’est une accélération du transfert des compétences clés vers le privé
Avec cette externalisation, ENEDIS compte économiser environ 200 M€. Le « faire » s’efface encore au profit du
« faire-faire » qui va désormais dépasser le cap des 85 % d’activités externalisées ! ENEDIS va être réduit à un simple donneur d’ordre. Quel sens aura alors le travail pour les équipes existantes qualifiées ? Quid du service public tant vanté par nos dirigeants ? Quel sera l’intérêt des collectivités locales, propriétaires des réseaux, à les concéder si les savoirs faire disparaissent ?
Le cap des 85 % d’activités externalisées va être dépassé
En réalité, ENEDIS prépare les esprits à vendre la poule aux œufs d’or
Côté finances, les dividendes à remonter sur la période du plan de performance représentent environ 3 Md €, soit 65 % du résultat annuel. Et rien n’indique qu’une partie de ces sommes soient destinées à la reconnaissance des salariés… Pourtant la situation de l’entreprise est confortable : elle autofinance ses investissements pourtant en hausse de + 33 % sur la période 25-27. Et son résultat triplera à l’issue de la période grâce à l’application du nouveau tarif (TURPE 7). Mais ENEDIS continue à minimiser ses besoins en recrutements : seulement 2 000 emplois de pré vus, soit +4 %. Les économies sur la masse salariale sont maximisées en extemalisant toujours plus, et la volonté politique est limpide : rendre ENEDIS rentable à moyen terme pour séduire les investisseurs privés pour qui le taux de rentabilité actuel n’est pas assez élevé.
Bien que, sous la pression des salariés, le projet Hercule pour casser EDF ait été abandonné, nos élites continuent, coûte que coûte, leur casse méthodique des entreprises de service public, et ENEDIS en fait les frais !
Les revendications de l’Ufict-CGT sont à l’opposé de ce plan
Face à cette attaque, l’Ufict-CGT revendique un contrôle social renforcé sur la politique industrielle de l’entreprise. Certaines activités stratégiques cœur de métier doivent être sanctuarisées dans le domaine statutaire (ingénierie, dépannage…) et les Institutions Représentatives du Personnel doivent pouvoir se prononcer sur tous les marchés de sous-traitance de la direction des achats. Il faut aussi réouvrir une vraie filière de formation adaptée à l’activité d’ENEDIS, tels que les écoles de métiers, afin de garantir l’accès aux compétences et à l’acculturation à l’entreprise (service public, fonctionnement des concessions…), tout en fidélisant les connaissances et compétences des agents grâce à un vrai parcours professionnel (avec un ascenseur social qui fonctionne). Les agents pourront alors se projeter sur une carrière à long terme. Et pour ceux qui auront fait leurs preuves sur le terrain, l’échelle intermédiaire du management doit être légitimée. Mais tout cela ne pourra être entrepris qu’en réévaluant le plan d’embauche statutaire afin d’absorber la charge de travail.
En aucun cas le recours à la sous-traitance ne doit être priorisé comme c’est systématiquement le cas aujourd’hui. Au contraire une stratégie de ré internalisation doit être programmée à moyen/long terme pour garantir le modèle économique et social d’ENEDIS.
Réévaluer le plan d’embauche statutaire afin d’absorber la charge de travail
Ce n’est qu’ainsi que l’image de marque du distributeur redeviendra, progressivement, un vrai modèle d’expertise technique, condition nécessaire pour un vrai service public.