Pour EDF la solution n’est pas l’étatisation mais la nationalisation !

 Sans une sortie du marché de l’électricité et une nationalisation mise au profit des usagers et du service public, le seul retrait d’EDF de la bourse ne garantit en rien un avenir durable à l’entreprise. 

 Le 6 juillet, la Première ministre a annoncé, dans son discours de politique générale à l’Assemblée Nationale, l’intention de l’État de monter à 100 % du capital d’EDF, en procédant à l’acquisition des titres qu’il ne détient pas (soit 16,1 % des actions). 

 

EDF (enfin) retirée de la bourse 

17 ans après sa mise en bourse, c’est « machine arrière, toute » pour que l’État reprenne le contrôle total d’EDF. Les arguments utilisés ressemblent à s’y méprendre à ceux déjà assénés en 2005. Car cette opération, à presque 10 Md €, est censée donner à EDF « les moyens nécessaires pour accélérer ses investissements ». Elle permettra, surtout, de rassurer les banques, pour qu’EDF, en passe de subir une nouvelle dégradation financière, puisse continuer à emprunter sur les marchés financiers ! 

La CGT a toujours combattu l’erreur stratégique et l’aberration absolue de la mise en bourse d’un bien aussi essentiel que l’électricité. Elle ne peut que se féliciter aujourd’hui de constater que même les tenants du libéralisme et de la start-up nation rejoignent cette position…. 

Si ces atermoiements ont fait de gros gagnants chez les spéculateurs, ils ont été catastrophiques pour l’entreprise, avec une réaction en chaine de mauvaises décisions prises par l’État, hyper majoritaire. 

Citons, par exemple, des dividendes exorbitants (31 Md €) au détriment d’une maintenance plus poussée et d’une exploitation plus raisonnable, l’engagement du projet Hinkley Point au moment du Brexit et en pleine reconstruction de la filière française, ou la fermeture absurde de Fessenheim… 

Autant de mauvaises décisions validées en Conseil d’Administration, sans unanimité, qui ont amené EDF dans une situation plus que difficile aujourd’hui. Les administrateurs salariés parrainés par la CGT s’y sont opposés et ont tiré la sonnette d’alarme pour dénoncer les baisses d’effectifs et de budgets qui nous dirigeaient droit dans le mur ! 

Les recours juridiques des petits actionnaires ne vont certainement pas manquer vis-à-vis de l’actionnaire hyper majoritaire, et en particulier les salariés qui ont investi en 2005… Car cette mise sous contrôle total de l’entreprise s’apparente plus à une étatisation, qu’à une nationalisation visant le service public de l’électricité au bénéfice de tous les citoyens  : il s’agit d’un nouveau brouillage de cartes dont nos gouvernants sont experts 

 

Eviter de tomber de Charybde en Scylla 

Impossible de le nier, les problèmes d’EDF sont bien réels et coûtent chers. Un problème générique de corrosion sous contrainte affectant les centrales nucléaires les plus récentes (20 Md €), une spoliation supplémentaire avec le rehaussement du plafond de l’Arenh à 120 TWh, qui oblige EDF à racheter très cher de l’électricité pour en faire cadeau à ses concurrents (dont les profits explosent), des investissements très lourds à venir liés à la transition énergétique – dont les 6 nouvelles centrales EPR2 en France (50 Md €) -, l’augmentation des énergies renouvelables avec l’adaptation du réseau qui en résulte, un projet « aventureux » à l’international avec des EPR à Hinkley Point qui dérivent dangereusement (25 Md £), et enfin un EPR de Flamanville qui tarde à arriver sur le réseau (13 Md €)… des chiffres qui donnent le tournis tant l’unité de référence n’est plus le Milliard d’euro mais bien la dizaine de Milliard d’euros  ! Les journaux financiers annoncent déjà une dette d’EDF qui pourrait grimper à près de 60 Md € fin 2022 ! 

Rajoutons à cela un PDG rattrapé par la limite d’âge et tous les ingrédients sont là pour que le gouvernement profite de la situation pour un grand chamboulement d’été… pendant les vacances bien méritées des agents. 

 

Toute la force d’EDF réside dans son modèle d’entreprise intégrée 

Si la situation est inquiétante pour 2022 et 2023, les atouts d’EDF restent solides, pérennes et durables pour les décennies à venir. Et cela grâce à son personnel, dévoué corps et âme à l’entreprise, une électricité faiblement carbonée, un parc nucléaire existant prolongé pour encore de nombreuses années avec le grand carénage, de multiples réalisations dans les énergies renouvelables (aussi bien dans l’hydraulique, l’éolien, le solaire), un EPR2 optimisé et sur les rails avec, à la clé, une relance du tissu industriel français, et de nombreux projets à l’international (2 EPR à Sizewell en Angleterre, 6 EPR à Jaïtapur en Inde…). Après des années compliquées, le nucléaire, coeur de métier d’EDF, revient en odeur de sainteté, y compris dans des pays qui n’en voulaient plus… 

Mais dans le contexte actuel difficile, aggravé par la guerre en Ukraine et un possible ralentissement de l’économie, il est primordial qu’EDF reste intégrée, diversifiée avec un mix énergétique capable de s’adapter à toutes les contraintes, actuelles et futures  : c’est la clé du succès futur ! 

 

Le problème majeur : c’est le marché de l’électricité ! 

Le processus de reprise de contrôle par l’État n’aurait aucun intérêt, si l’entreprise venait à être découpée en entités indépendantes, en multiples filiales pour être, au final, offertes au marché et à la bourse. Au contraire, cela ne ferait qu’aggraver la situation ! 

Car le problème majeur que rencontre EDF aujourd’hui est celui du marché de l’électricité. Même la cours des comptes le reconnait, elle constate « l’échec des mécanismes mis en oeuvre ces dix dernières années pour libéraliser le marché de l’électricité »… et on ne peut guère la soupçonner d’être « cégétiste ». 

A l’opposé du marché, la CGT propose des solutions dans son Programme Progressiste de l’Energie (PPE), axé sur le service public, avec des tarifs accessibles, une fiscalité plus juste, un droit à l’énergie… 

Mais sans l’intervention des salariés et des citoyens, c’est la voie libérale qui risque d’être poursuivie par nos gouvernants. 

Le PPE doit rester la boussole pour que cette étatisation se transforme en une nationalisation au profit de tous les citoyens et du Service Public (et non au profit des spéculateurs des marchés financiers qui bénéficieront déjà d’une belle plus-value dans l’OPA qui est lancée, au regard des cotations récentes de l’action EDF…). 

La dynamique d’hier, qui a permis aux salariés de mettre en échec le projet Hercule, doit à nouveau « se remettre en action ». Les ingénieurs, cadres et techniciens, au côté de tous les autres salariés, doivent se mobiliser et prendre toutes leurs responsabilités dans la construction d’EDF intégrée et durable de demain. 

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