[Options N°650 – octobre 2019 – p 16] Aujourd’hui, les directions exercent des pressions, privilégient une concurrence à tous les niveaux et freinent toute démarche de solidarité. Le pouvoir de décision est souvent confisqué par une minorité… une sorte de droit divin. Et qu’en était-il hier ?
Ce n’est qu’en 1884 que le droit de s’organiser est reconnu. La Confédération Générale du Travail naît en 1895 alors que le patronat s’est déjà organisé en Chambres et Syndicats patronaux.
Très vite, la question de « l’autorité » syndicale est contestée, ainsi que sa capacité d’intervenir dans les choix des entreprises. A Rennes, face à la mise en place d’un système de participation aux gros bénéfices de l’entreprise, le Directeur d’Exploitation répond : « je ne suis pas du tout disposé à laisser se former, dans mon personnel, une autorité parallèle à la mienne et à subir le moins du monde les exigences d’une sorte de petit parlement frondeur ». Une nouvelle ère commence.
Débute alors une longue histoire pour le syndicalisme
A la naissance du syndicalisme ouvriers, quelques employés et inspecteurs du Gaz de Paris (les gradés) souhaitent adhérer mais, les ouvriers, leurs subordonnés, ne veulent pas d’eux. Dès 1895, quelques employés sont admis dans les syndicats naissants. La conscience progresse.
En 1905, une Union amicale des Chefs de Services, Contremaîtres et Employés de Bureau se constitue et publie un bulletin régulier (elle deviendra union « syndicale » et adhèrera à la Fédération CGT en 1911).
Une ère nouvelle commence, malgré la première scission syndicale de 1921, conséquence de la 1ère guerre mondiale. L’industrie se transforme et de grands groupes et regroupements se constituent : le patronat s’organise.
La loi sur les concessions de 1928 fait obligation d’un statut pour le personnel. Le patronat manœuvre pour un statut particulier pour les cadres : diviser pour mieux régner ! Pourtant, avec la transformation financière et technologique, le rôle des cadres s’affirme, même si le titre d’ingénieur correspond plus à un grade qu’à une fonction. Des cadres, à titre individuel, se syndiquent dans des syndicats d’ouvriers ou d’employés. Les directions des groupes privés favorisent l’émergence d’amicales ou d’associations privilégiant apolitisme et individualisme.
C’est souvent le règne de l’arbitraire
Le grand patronat veut imposer sa conception de la gestion : les dirigeants des sociétés électriques sont appelés « les rois de l’électricité ». Mais la conscience grandit sur le fait que d’autres choix soient possibles avec des garanties collectives y compris pour l’encadrement.
Un patron jettera au visage de Marcel Paul, au début des années trente : « le Personnel d’Exécution, vous le possédez, pour son malheur, mais les Cadres vous n’y toucherez jamais ! ».
Le Front populaire : un accélérateur
C’est avec lui que naît l’idée d’une organisation spécifique des Cadres avec un Statut pour permettre investissement social, liberté, démocratie et dignité. Cela se concrétisera en 1937 au Congrès Fédéral de Lyon après un long et lent cheminement. Solidarité rime ainsi avec efficacité mais, les directions organisent l’émergence d’un syndicat autonome, notamment à l’Energie Industrielle (où des cadres se sont organisés dans la CGT). Cela sert d’embryon à la création de l’UNCM (Union Nationale des Cadres et de la Maîtrise), aujourd’hui CFE / CGC, puis à d’autres syndicats autonomes.
Les différentes catégories de personnel, solidarisées dans la CGT, ouvrent alors la voie à un syndicalisme spécifique dans une organisation confédérée.