(Option n° 642 – décembre 2018)
Après plusieurs mois de report, le gouvernement vient enfin de donner les grandes lignes de son projet de programmation pluriannuelle de l’énergie.
Le 30 novembre, le gouvernement a publié au journal officiel les grandes lignes de son projet de PPE, avec la décision de poursuivre sa révision en version 2. Cette feuille de route engagera le pays pour les dix années à venir sur le sujet des énergies. Nous entrons maintenant dans une phase de consultation où les organismes et le public sont invités à réagir. Peu de surprises à cette étape : cette proposition de PPE semble être dans la droite ligne de la transition énergétique en ne répondant pas aux besoins des populations.
Premier constat : la France est très (trop) dépendante du pétrole.
En 2017, 44% de l’énergie finale consommée en France était du pétrole mais c’est encore une fois, sur l’électricité que s’est focalisé le gouvernement alors qu’elle ne représente qu’un quart de nos consommations d’énergie. L’ouverture à la concurrence de l’électricité et du gaz a fait grimper les prix alors qu’il y a plus de 10 millions d’usagers dans la précarité énergétique, avec des conséquences amplifiées par la disparition des services publics sur le territoire.
A quoi rime la fermeture des centrales électriques au charbon en 2022 dans cette PPE, puisqu’elles représentent moins de 1% des consommations ? Ce sont autant de marges de sécurité du système électrique qui disparaissent encore, alors que ces centrales pourraient basculer en biomasse et brûler des déchets verts, bois d’ameublement… et diviser par 25 leurs émissions de CO2. Ce sont pourtant des projets déjà très avancés pour les centrales de Cordemais et du Havre. Abandonner ces projets priverait la France d’opportunités futures en matière d’exportation de savoir-faire, car le charbon reste le premier combustible mondial pour la production d’électricité.
La fermeture confirmée des deux tranches nucléaires de Fessenheim reste une ineptie. Un territoire sacrifié et un gaspillage à plusieurs centaines de millions d’euros puisque le gouvernement devra indemniser EDF qui pouvait prolonger leur durée de vie à moindre frais pour la collectivité. Et d’autres fermetures de tranches nucléaires devraient s’y ajouter : 14 au total d’ici à 2035.
Pour décarbonner notre société il faudra plus d’électricité
Le débat préalable à la PPE reconnait « une vision contrastée de la place que l’électricité aura à tenir, (…) car elle est déjà très peu carbonée (…) ». La PPE prévoit moins de nucléaire et plus d’EnR dans notre mix électrique. C’est à dire plus d’éolien terrestre et en mer (Off Shore), plus de solaire. Mais dans quelles proportion, où, et à quel prix ? Car le développement des EnR coûte cher, au travers des subventions.
La décentralisation des productions et le besoin de stockages (du fait de leur intermittence) nécessite modification et modernisation des réseaux de transport et distribution. Autant de coûts additionnels qui sont souvent oubliés dans les discours. Pour maintenir en toute saison, et à toute heure, une disponibilité sans faille d’une électricité avec de plus en plus de production intermittente, il faudra continuer à assurer l’équilibre offre/demande… sous peine de black-out.
Le mix électrique de RTE, accessible sur tout ordinateur ou téléphone, témoigne de cette volatilité un soir de décembre 2018 à 17 h (voir schéma) où l’on peut constater le peu de solaire à cette heure-là.
Une PPE qui va encore faire grimper les prix des énergies
Le coût des subventions aux énergies renouvelables déjà en place est important : la Cour des comptes les évaluent à 121 milliards d’euros à ce jour pour les projets réalisés et à venir. Sur la facture d’électricité, les EnR représentent plus de la moitié des 22.5 €/MWh de la Contribution au Service Public de l’Électricité (CSPE) ! Ce prix est à comparer au prix auquel EDF doit céder un quart de son énergie nucléaire à ses concurrents (loi NOME) : 42 €/MWh. Ne devrait-on pas tenir compte de ces subventions pour prendre les bonnes décisions concernant notre futur énergétique ? Car augmenter de façon inconsidérée les énergies subventionnées, ce sera aussi augmenter les coûts. Et il en sera de même si le gouvernement persiste à privatiser les barrages hydrauliques et à spolier les Français d’un bien public en faveur de multinationales. C’est déjà le cas quand EDF brade une partie de sa production d’électricité nucléaire à ses concurrents et qu’elle rencontre, de fait, des difficultés pour financer les moyens de production du futur.
Ne devrait-on pas remettre les choses à l’endroit ? S’attaquer au CO2 et non au nucléaire, troisième filière industrielle en France (220 000 emplois). Le premier émetteur de CO2 c’est le pétrole. Décarbonons donc tous les usages qui en consomment : transports, chauffage… en mettant les moyens financiers pour que toutes les catégories sociales puissent se payer ces transferts d’usages.
Augmenter l’effort de recherche
Le futur se prépare aujourd’hui et les pistes ne manquent pas. Mais il faut y travailler… dans la durée, avec des financements récurrents. Efficacité énergétique, EnR, stockage, transport propre, hydrogène, déchets nucléaires… avec la perspective de ruptures technologique.
Par exemple, le prix Nobel de physique, Gérard Mourou, parle de réduire dans le futur les temps de vie de déchets nucléaires en passant de centaines de milliers d’années à quelques secondes au moyen de lumière extrême créée par des lasers ultra-intenses. Une voie de recherche qui n’occulte pas la décision absurde de reporter la réalisation du réacteur Astrid de génération IV (neutrons rapides), une solution pourtant éprouvée pour recycler les combustibles usés. Les déchets nucléaires devront donc encore attendre ; une attitude peu responsable envers les générations futures. ■