Bonjour,
J’ai trouvé très intéressant les sujets abordés dans ce dossier qui sont pour moi fondamentaux. Je suis aujourd’hui en inactivité, mais je travaillais à ENEDIS et à un moment de ma carrière, j’ai été manager de proximité (M Pro) : c’était il y a 12 ans en 2013.
14 agents à manager : planifier, créer des commandes matérielles, animer les réunions… Je me suis totalement reconnu dans ces injonctions contradictoires, pris entre marteau et enclume. Des subordonnés très revendicatifs et peu respectueux à mon égard (on va dégommer « le chefaillon ») et une hiérarchie complètement absente et hermétique. Le « Il faut que ça marche » et le « Yaca », agrémentés d’injonctions fermes à être bon sur tous les indicateurs… au bout de 2 ans ½ : j’ai failli y laisser ma santé mentale, tout au bord de la falaise : « Burn out » !
J’ai pu me sortir de ce bourbier en faisant un bilan de compétences
Cela m’a permis de tordre le bras à ma hiérarchie pour qu’elle prenne enfin ses responsabilités face à mon mal- être, et qu’elle me propose un poste correspondant à mes aspirations nouvellement déterminées. Avec la psychologue du travail (au GRETA), lors de ce bilan de compétences, nous avons pu mesurer le temps effectif qu’il m’aurait fallu pour réaliser toutes les tâches qui m’incombaient. J’ai été moi-même surpris par le résultat : 90 heures par semaine !
90 h/semaine : le temps qu’il m’aurait fallu pour réaliser toutes mes tâches !
Après moi, les personnes se sont succédées à un rythme soutenu. Elles ne sont restées que quelques années dans ce poste maudit. Car, pour moi, ce furent les pires années de ma vie. À l’époque, j’ai bien regretté que le syndicat Ufict-CGT ne me soit pas venu en aide alors que j’étais bien encarté… mais bon, peu importe, il y a prescription et je suis content que vous preniez ce sujet à bras le corps, car, pour moi, il y a là un risque de santé majeur. Je me souviens de la psychologue du travail qui me disait : « Mais il y a un problème, chez vous, à ENEDIS. Je reçois dans mon bureau beaucoup de responsables, comme vous, qui sont au bord du gouffre… ».
Ce n’est peut-être pas la mission première d’une Organisation Syndicale de créer une antenne d’écoute téléphonique pour tous ces managers de proximité désemparés et submergés de travail, mais ce serait bien ! Peut-être même de créer un forum Internet pour accueillir les témoignages de ces naufragés du management de proximité… Car le mal-être est palpable pour ces agents de maîtrise responsables d’équipe : pas de statut digne de ce nom, pas de reconnaissance salariale. Il n’est pas rare de trouver des agents subordonnés dans leur équipe qui gagnent mieux leur vie qu’eux, mais avec beaucoup moins de responsabilités, beaucoup moins de temps de travail effectif, beaucoup moins de charge mentale au travail et au domicile (car le travail reste dans la tête).
Il faut être cinglé ou masochiste pour accepter un job pareil, aussi mal payé et aussi mal reconnu… et cette entreprise ENEDIS qui se cache hypocritement derrière une campagne d’affichage : « Risques Psycho Sociaux » et un beau numéro de téléphone tout en bas, mais qui en fait ne propose rien en termes d’organisation pour éviter cette maltraitance au travail. On comprend facilement que ces postes ne soient pas pourvus, ou très difficilement…
Ne restez pas seul avec votre souffrance
Bravo encore pour votre article. C’était mon témoignage qui est encore à vif… même après toutes ces années, mais surtout, ne restez pas seul avec votre souffrance, allez en discuter à l’extérieur, partagez !
Ghislain