Un vrai faux biais démocratique

RTE a expérimenté le  référendum d’entreprise, directement issu de la « loi travail » du 24 au 30 mars dernier. En décidant d’élargir le périmètre de consultation à des agents non concernés par le projet d’accord, principalement ICT (Ingénieur.es, cadres technicien.nes), les signataires de l’accord (Direction, CFDT, CFE-CGC) pensaient obtenir satisfaction. Mal leur en a pris car les ICT ont refusé l’instrumentalisation et rejeté massivement le projet d’accord, infligeant de fait un véritable camouflet aux signataires. Retour sur cette victoire de la CGT avec Jean-Louis Maury, délégué syndical central à RTE.

Options : Quels étaient les enjeux de ce referendum et les conséquences de ce projet d’accord pour les équipes opérationnelles ?

Jean-Louis Maury  : Il s’agissait, pour les agents, de donner leur avis sur un projet d’accord de la Direction, signé par la CFDT et la CGC, qui concernait les chantiers dits « à délais contraints » (sachant que le contenu de l’accord était un peu différent du titre puisqu’il était aussi question des interventions des équipes opérationnelles le week-end).

Rien n’obligeait la Direction à imposer un tel accord puisque, jusqu’à présent, aucun agent n’a refusé d’intervenir le week-end en cas d’avarie ou pour terminer un chantier particulier. Le contrat de confiance qui s’appuyait jusqu’alors sur le volontariat et qui liait l’entreprise aux agents de la maintenance était dès lors rompu. La Direction affichait donc clairement sa volonté, avec cet accord, de contraindre les agents de la maintenance à travailler le week-end, quelle que soit la nature de l’intervention et de flexibiliser les horaires de travail. La mise en place d’un délai de prévenance pour réquisitionner le personnel pouvant être réduit à 24 h, c’est à dire en dessous des trois jours prévus par la loi, n’a fait que conforter notre analyse négative.

Le périmètre de la consultation dépassait celui des agents concernés par le projet d’accord, la Direction a souhaité qu’il soit étendu à l’ensemble des agents de la maintenance intégrant de fait bon nombre d’ICT. Pour quelles raisons ?

JLM  : Effectivement, une bonne partie des agents consultés n’était pas concernée par l’accord, car la Direction savait qu’une consultation au périmètre des équipes opérationnelles était vouée à l’échec. Elle a donc pris le risque de briser les collectifs de travail et de monter les agents les uns contre les autres en cas d’approbation de l’accord. Diviser pour mieux régner est une stratégie déjà largement utilisée par la Direction de RTE, bien aidée en cela par les organisations syndicales signataires. Heureusement, cette stratégie n’a pas fonctionné, grâce au travail de la CGT et de son Ufict qui, par leur communication, ont contribué à attirer l’attention des agents sur le risque avéré d’un tel accord en cas de validation. Plus de 70 % des votants se sont opposés au projet.

La CGT a fait campagne en faveur du « non » et devait convaincre les ICT qui détenaient la clé du scrutin. Avez-vous engagé une démarche particulière envers ces populations ?

JLM : La démarche particulière vers les ICT est venue principalement d’un tract Ufict qui a vraiment incité l’encadrement à prendre la mesure du risque lié à ce referendum. Sinon, dans le métier, nous avons utilisé la même communication pour toutes les catégories de personnel. L’enjeu était tellement important que nous avons mis toute notre énergie et utilisé tous les moyens, y compris la vidéo, pour sensibiliser les agents sur le risque de valider un accord qui ne les concernait pas.

Nous avons aussi été aidés par la couverture médiatique autour de ce referendum, puisque c’était le premier à être organisé dans une grande entreprise publique, au lendemain de la promulgation de la Loi travail. Cette médiatisation a incité les agents à s’intéresser au contenu du projet proposé et donc à comprendre les raisons pour lesquelles les équipes opérationnelles ne pouvaient l’accepter.

Les ICT auraient pu s’abstenir, or ils ont voté massivement contre le projet d’accord. Comment l’expliques-tu ?

JLM : Il a suffi qu’ils s’y intéressent pour se rendre compte que, non seulement l’accord était inacceptable, mais aussi que ce type de referendum, organisé au-delà du périmètre des agents concernés, représentait un danger pour eux. En effet, chacun a bien compris que ce qui menaçait les équipes opérationnelles aujourd’hui, pouvait le menacer également demain. La majorité a donc rejeté non seulement le projet d’accord, mais aussi la démarche de consultation d’agents non concernés.

Finalement, ce résultat est porteur d’espoir pour la suite, puisque la CGT, seul syndicat à faire campagne pour le non, a été entendue. Elle a démontré qu’unie avec son Ufict, elle est le syndicat de tous les salariés.

JLM : Oui, le résultat est porteur d’espoir. C’est aussi un avertissement pour la Direction lorsqu’elle tente de passer en force, sans écouter le syndicat qui représente une majorité du personnel dans le métier concerné. Car, à la maintenance, la CGT a recueilli plus de 58 % des suffrages lors des dernières élections IRP.

Nous continuerons à nous opposer à ce type de referendum, directement issu de la Loi travail qui est néfaste pour les salariés. Par ailleurs, cette expérience est l’exemple concret du détournement d’un referendum de son objectif initial, en consultant des salariés non concernés. Et comme en plus il n’y a pas d’exigence de quorum, une minorité de votants aurait très bien pu imposer un accord à tout le personnel, quelles qu’en soient les conséquences. Contrairement à ce que ses instigateurs voudraient faire croire, ce type de referendum ne crée pas plus de démocratie dans l’entreprise, mais contribue, au contraire, à faire régresser les droits des salariés.

Voir aussi : Le point sur le référendum d’entreprise

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