Essayons de décrypter le projet de cette réforme systémique…

Après une année de discussions, Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire chargé de la réforme des retraites, livrera pendant l’été sa copie sur la mise en œuvre du nouveau « système universel » voulu par le chef de l’état. Beaucoup de choses ont été dites et écrites, pourtant la confusion demeure sur les questions essentielles comme le montant de la pension par rapport au dernier salaire, l’âge de départ, ou l’évolution des pensions.

Qu’est-ce qu’un système de retraite par points ?

Aujourd’hui, le montant de notre pension est calculé à partir du nombre de trimestres cotisés, l’assiette consistant à considérer les 25 meilleures années de la carrière pour le régime général, les 6 derniers mois pour la fonction publique et notre régime spécial IEG. Le système de retraite préconisé par le Haut-Commissaire est un système par points : le montant de la pension est calculé à partir du nombre de points acquis tout au long de la carrière. Le salaire de référence serait donc le salaire moyen de toute la carrière. Un exemple pour illustrer le propos : un agent qui aurait doublé son salaire durant sa carrière subirait une perte de 25 % de revenus par rapport au montant qu’il percevra avec le régime actuel.

Ce nouveau système universel prendrait certes en compte les rémunérations complémentaires et variables, ce qui pourrait donner l’illusion d’une certaine « compensation ». Mais dans les faits, cela ne ferait d’une part que renforcer la mise en compétition des salariés, et accentuerait d’autre part les inégalités avec les salariés exclus du système de rémunération périphérique. La pension serait calculée en multipliant le nombre de points acquis par leur valeur de liquidation au jour du départ en retraite. La valeur du point, dit « de service », n’est pas connue à l’avance puisque le calcul de ce coefficient de conversion effectué chaque année, prendrait en compte différentes variables telles que : la population en vie, l’espérance de vie, l’âge de départ, la situation économique etc… La valeur pourra donc varier de façon drastique au fil des années (par exemple en cas de nouvelle crise financière), avec tous les effets désastreux sur le montant des pensions. En bref : on travaille à crédit dès son entrée sur le marché du travail. Comment avoir une quelconque garantie avec autant de paramètres variables durant plus de 40 ans ? L’argument du gouvernement qui consiste à dire que le futur système « universel » permettra à chacun de « comprendre en temps réel où ils en sont de leurs droits à la retraite » est donc fallacieux !

De même, pour le slogan « un euro cotisé donnera le même droit à retraite pour tous » puisqu’un euro cotisé donnera un droit à retraite différent selon l’année où la retraite sera liquidée.

Quel va être le véritable changement avec notre système actuel ?

Actuellement, notre système fonctionne à prestations définies, c’est-à-dire qu’il garantit un taux de remplacement* permettant de garantir la continuité du niveau de vie entre la période d’activité et la retraite. Les cotisations sont ajustées en fonction des besoins. Les différentes réformes ont consisté à jouer sur l’âge de départ à la retraite ou le montant des cotisations.
(*Le taux de remplacement exprime ce que représente la première pension en pourcentage du dernier salaire).

Le nouveau régime par points annoncé par le gouvernement serait à cotisations définies : c’est donc le montant des cotisations qui resterait constant. Selon les dernières annonces, les cotisations seraient plafonnées à 28 % du salaire et la part de PIB affectée au financement des retraites ne pourrait dépasser 14 %.
Si les cotisations ne suffisent pas à financer les pensions, le montant des retraites sera donc revu à la baisse…

D’un point de vue politique, le choix d’un système à « cotisations définies » permet d’évacuer tout débat public sur l’augmentation des ressources pour maintenir les niveaux de pensions en cas d’augmentation de l’espérance de vie, des évolutions démographiques, et des fluctuations du chômage. Tout cela pour le plus grand bonheur des employeurs et des lobbies financiers, qui proposent des systèmes de retraite complémentaire individuelle par capitalisation.

Avec l’évolution démographique, cette réforme permettrait-elle de garantir le maintien du montant de retraite ?

Le Haut-Commissaire à la Réforme des Retraites a rendu publique la double limitation du financement de son futur système de retraite : plafonnement des cotisations à 28 % du salaire (environ 12 % salarié-es et 16 % employeurs) et plafonnement de la part du PIB affectée aux retraites à 14 %. Cela correspond au niveau actuel en vigueur dans le régime général. En revanche, il est bien différent de celui du régime spécial des IEG : 12 % pour la part salariés et 28 % pour la part employeurs. Selon ses dernières projections, l’INSEE prévoit une augmentation importante d’ici 2050 des personnes âgées de plus de 60 ans en raison du papy-boom et de l’accroissement de l’espérance de vie.

Une augmentation des effectifs de retraités, et des ressources bloquées au niveau actuel auront pour conséquence inéluctable un effondrement du montant des pensions pour tous.

 

1 réaction

  1. Je pars en Février 2020 à la retraite. Je suis effarée par toutes ces réformes. Après 42 ans de travail, quel va être le montant de nos pensions de retraite ?? désespérant

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